L'enflammé
Contrairement aux pronostics, le vol fut plutôt long,
Meluka volant plus doucement que Pyro le dragon.
Ils arrivèrent après des heures de vol acharné
En haut de la montagne, la fin de l’odyssée.
À peine Gyron effleura-t-il du pied l’herbe,
Qu’apparurent la douce ange et le démon acerbe.
Il apporta avec lui une immense marmite,
Matériel nécessaire pour l’accomplissement du rite.
« Bienvenue Gyron, dit l’ange pour l’accueillir
Aucune autre tâche, il ne te reste à accomplir.
On a suivi ton voyage, fêté tes exploits.
Tu as réussi ce qu’aucun n’avait fait avant toi.
Ange Louna, j’ai tout ce que vous vouliez.
Les trois animaux extraordinaires, sujets de vos légendes
Ils m’accompagnent ici pour vous aider
Car telle était votre demande.
Tu m’en vois ravie, absolument enchantée.
Nous allons concocter le remède, sans plus trop tarder
Peux-tu me confier les trois animaux,
Ainsi que la fiole qui contient Pyro ?
Hep hep hep, avant toute transaction,
N’oubliez pas de tenir votre promesse
Si vous m’avez menti, je tourne les talons,
Je reprend les animaux et je vous laisse.
Petit elfe, tu peux croire la parole d’une ange,
Et exceptionnellement, aussi celle d’un démon
Nous allons respecter notre échange
Et ramener ta femme dans notre dimension.
Ils usèrent de leur magie céleste et démoniaque
Pour rappeler Phylia parmi les siens.
La frontière mortelle se brisa comme une flaque
Dans laquelle on saute les deux pieds joints.
Un trou de ver s’ouvrit devant eux
Laissant paraître un autre monde
Un endroit vide et mystérieux,
Où ne s’écoulait pas les secondes.
De cet endroit hors de l’espace et du temps
Surgit une forme familière
Baigné dans un halo du firmament
Elle apparut tel un être de lumière.
Elle était si belle, Gyron n’en revenait pas.
Malgré les années, elle n’avait pas bougé d’un iota
L’ange avait effectivement tenu sa promesse
Phylia était rayonnante, belle comme une déesse.
Oserait-il seulement s’approcher ?
Pourrait-il simplement l’enlacer ?
Et si le moindre geste brisait cette image,
Et qu’elle apparaisse finalement comme un mirage ?
Le risque était considérable, mais il ne pouvait résister
Malgré sa peur, son corps ne pouvait se stopper
Il se rapprochait pas à pas de sa bien-aimée,
Et s’arrêta lorsqu’il fut à proximité.
Les détails de son visage, l’odeur de ses cheveux
Tout en face de lui était comme dans ses souvenirs.
Elle était bien réelle, il pouvait le lire dans ses yeux
Dont la pureté et le bonheur ne pouvaient mentir.
Enfin, il tenta le coup et tendit les mains
Sa peau entra en contact avec la sienne
La chaleur de son derme, doux comme du satin
Lui enleva toutes ses peurs et ses peines.
« Enfin mon amour, j’ai pu te retrouver
Dit un Gyron encore tout bouleversé
Tu apparais enfin devant moi
Et si belle en plus, je n’en reviens pas.
De ce moment, j’ai tellement rêvé,
Je l’ai souhaité, prié, supplié, marchandé
Et puis te voilà, en chair et en os
Je ne pouvais pas avoir meilleure récompense.
Mon amour, ta présence me manquait tant,
Et nous avons montagne de choses à nous dire
Mais l’heure est grave, tu dois réagir
Quelque chose de néfaste se prépare, je le sens.
La potion est prête ! jubila le démon au loin
Après toutes ces années de recherche, la voilà enfin !
Buvons-la et soyons libérés de nos maux
Qui, depuis trop longtemps, nous portons sur notre dos.
Sans hésitation, il prit une grande rasade
Et en proposa immédiatement à son éternelle camarade.
Les effets du breuvage ne tardèrent pas à apparaître
Car une nette transformation survint au fond de leur être.
Le risque de devenir mortels s’éloigna franchement
Et leur présence sur Terre ne les affaiblissaient plus.
Risqueraient-ils de lier leurs mains maintenant,
Pour enfin vivre un amour sans retenue ?
Ils sautèrent le pas, ignorant leur méfiance
Commençant par un contact du bout de leurs doigts.
Ce geste fragile fut sans conséquence
Preuve que la malédiction n’était plus là.
Enfin, après tant d’années d’amour interdit
Ils pourraient faire cette danse qu’ils s’étaient promis.
Ils étaient si heureux, si libres, si enjoués,
Qu’ils ne virent pas derrière eux venir un danger.
En effet, sans donner d’explication
Pyro se jeta dans la marmite et bu de la potion.
Pourquoi donc ce geste si soudain ?
Avait-il, sans prévenir, un autre dessein ?
De l’intérieur du chaudron, on entendit un bruit,
Un râle puissant et rageur, semblable à un cri.
Il se passait quelque chose là-dedans, une transformation
Ils en étaient sûrs, et inquiets pour de bon.
Soudainement, jaillirent jusqu’au ciel
Deux énormes et rougeoyantes ailes.
Leur envergure était tout bonnement incroyable
Jamais on n’avait vu de membre aussi remarquable.
S’en suivirent des pattes énormes, munies de grandes griffes
Qui pourraient découper n’importe quoi d’un seul mouvement vif.
Elles grandissaient à vue d’œil, sans jamais s’arrêter
Et atteignirent vite une taille démesurée.
Puis une longue queue pourvue de nombreuses épines,
Aussi grandes qu’un arbre, de la cime aux racines
Sortit à son tour et rejoint la partie,
Qui était sans doute loin d’être finie.
En effet, le reste du corps suivit
Il était nouveau, d’un bleu lapis-lazuli.
Ses écailles, aiguisées comme des couteaux
Le défenderaient parfaitement contre n’importe quel assaut.
Ses muscles étaient saillants, sa stature imposante
Il avait changé du tout au tout, silhouette impressionnante.
Du petit dragon mignon et un peu chétif
Émana un puissant hydre titanesque et agressif.
Sur son visage, qui sortit en dernier de la marmite
Se lut une grande joie, son plan fut une réussite.
De sa gueule habitée de crocs colossaux
Émergea un hurlement qui le libéra de ses maux.
Aucune source de chaleur ne pointait à l’horizon
Pourtant le ciel chauffa, sans aucune raison.
Ce n’est qu’un instant plus tard qu’il se teinta de violet
Lorsque Pyro expulsa un énorme jet.
Le firmament était invisible, recouvert par le feu
Qui sortait de la gueule du dragon hargneux.
Quelle était cette puissance que personne ne soupçonnait
Est-ce qu’une malédiction, sur ses épaules, pesait ?
Gyron était à terre, complètement tétanisé
Sa femme, Phylia, n’était guère plus rassurée
Les êtres célestes ne comprenaient rien aux événements
Tandis que les animaux n’étaient pas étonnés de ce comportement.
« Enfin je suis libre ! s’exclama finalement le dragon.
Après toutes ces années de chaînes et de prison !
Enfin je possède le pouvoir qui m’étais destiné
Et dont mes parents m’avaient égoïstement privé.
À mon plus jeune âge, ils ont agi injustement
Car ils avaient peur de mon feu grandissant.
Ces lâches, je les ai toujours détesté,
Mais de leur punition je suis finalement délivré.
J’ai entendu parler de cette histoire, rétorqua Louna
De ce jeune dragon et de son pouvoir infini
Les légendes parlent de sa mère qui supplia
Qu’on trouve un moyen de lui sauver la vie.
Son corps étaient trop faible pour un feu si brûlant
S’il continuait ainsi, il le consumerait doucement
Les célestes ont alors pris la décision de le sceller
Et une malédiction sur lui a été lancé.
Son feu serait encagé pour son propre bien
Il serait minimisé, contenu dans un écrin
Mais tous avaient juré de ne jamais lui faire savoir
Qu’en son être dormait un tel pouvoir.
Il est célèbre parmi les miens, il avait une grande destiné
Un jour, de « père des dragons », il serait qualifié
Dans tous les bouquins, de la même manière il est cité
Il n’a pas de nom, mais on l’appelle « l’enflammé »
Je trouve que ça me va bien, j’aime beaucoup cette appellation
Même si je ne la comprenais pas, inconscient de ma situation
Je l’utilise souvent comme un chouette surnom
Pour qu’on ne sache pas qui se cache derrière mes actions
Pour découvrir ce secret, l’affaire ne fut pas aisé
D’ailleurs ce fut un accident, si vous voulez la vérité.
J’étais petit, je me faufilais facilement
J’ai surpris une discussion, un bruit lancinant.
Deux anges bavards qui ne m’ont pas notifié
Et qui, un peu festifs, ont tout avoué.
J’étais furieux de découvrir cette réalité
Et que, depuis tout petit, on m’avait limité.
J’ai donc voulu reprendre ce qu’on m’avait volé
Je me suis souvent cassé la tête, je dois l’avouer
De ruse et de malice, j’ai dû beaucoup user
J’ai réfléchi, réfléchi et enfin j’ai trouvé.
Comment faire pour briser une malédiction ?
Je ne le savais pas, mais d’autre si.
Qui de mieux que les anges ou les démons
Pour connaître ce genre de secret enfoui ?
Je ne pouvais pas être trop direct, on m’aurait soupçonné
Je suis donc allé voir deux anges, et leur ai parlé
Une rumeur mentionnait deux célestes opposés
Qui, le soir venu, faisait tout pour se retrouver.
C’est à cause de toi que nous étions maudits ?
S’énerva Solanoïstos, se sentant trahi.
Tu nous as vendu pour nous manipuler
Et que la même potion que toi, on envoie quelqu’un chercher ?
Je dirais bien désolé, mais je n’en pense pas un mot.
Vous m’avez servi à réparer les torts
Que m’avaient infligé ceux d’en haut
Et aussi ceux d’en bas, ils méritent tous la mort.
Que dis-tu, tu veux les supprimer ?
Il en est hors de question, je te l’interdis !
Si tu fais le moindre geste déplacé
Je te supprimerai, te voilà averti !
À qui crois-tu parler ? rugit-il soudainement
Faisant trembler la terre, se lever le vent.
Tu n’as plus rien à m’ordonner, je suis le plus puissant
Je pourrais tous vous effacer, d’un simple coup de dent. »
Force est de constater qu’il avait raison
Il était hors catégorie après sa transformation
Malgré tous les pouvoirs incroyables qu’il possédaient
Solanoïstos n’était pas en mesure de l’arrêter.
Louna voulut le raisonner, calmer sa véhémence
Elle souhaitait vraiment le stopper et implora sa clémence.
Mais ses supplications n’étaient que des coups d’épée dans l’eau
Car de tout ce qu’elle pouvait dire, le dragon ne retenait mot.
De son côté, Gyron était livide.
Ce feu violet, son pire cauchemar
Il ne pensait rien, son esprit tournait dans le vide
Il tremblait de peur, en haut de la montagne noire.
Sa femme, proche de lui, tentait de le calmer
Mais rien n’y faisait, il était terrorisé
Voir le ciel s’embraser de la sorte
Lui rappelait pourquoi elle était morte.
« Ce n’était pas de ta faute, rassura Phylia
Ce sont des choses qui arrivent, la vie et ses aléas.
Il ne faut pas t’en vouloir, mon heure était arrivée
Rien au monde n’aurait pu prévoir ma destinée.
Tu auras beau me le répéter encore et toujours
Rien n’y fait, je serai triste mon amour.
L’incendie s’est déclenché à cause de moi
Alors que je ne faisais qu’une expérience lambda.
Une petite négligence, erreur que je ne fais jamais
Et paf, en un instant, la situation m’échappait.
Tu t’es faite dévorer, ta vie s’est arrêtée là
Parce que j’ai joué avec des forces plus grandes que moi.
Ne soit pas si dur avec toi même, ne te tourmente plus
Que ce soit avant ou maintenant, je ne t’en ai jamais voulu.
Je comprend ta peur, elle est parfaitement légitime
Mais il ne faut pas que, sur ta vie, ce soit elle qui prime.
Tu es le seul à pouvoir agir contre ce dragon
Il est trop fort pour cette ange et ce démon
Mais rien ne résiste à ta ruse légendaire
Tu peux l’envoyer six pieds sous terre.
Ma belle femme, mon amour, ma Phylia
Je ne peux trahir la confiance que tu places en moi.
C’est d’accord, je te promets l’arrêter
Je ne peux pas et ne vais pas échouer.
Il rejoignit le champ de bataille,
Où dragon et démon s’affrontaient sans faille.
Les flammes jaillissaient violemment de toute part
Réveillant en Gyron ses plus grands cauchemars.
Mais alors qu’il aperçut Phylia du coin de l’œil
Il eut, au bon moment, un sursaut d’orgueil.
Il s’approcha d’un Pyro déchaîné
Et lui dit sur un ton assuré :
« Tu te crois fort hein, monsieur l’enflammé
Tout ça parce que tu t’es un peu épaissi
Mais il en faut plus pour m’impressionner
Aucune de tes capacités ne me causent du souci »
Tous les êtres présents étaient interloqués
Ange, démon, lézard ou araignée.
Car tous savaient sans l’ombre d’un doute
Que le feu et la chaleur le mettaient en déroute.
Il prit dans son sac de tout petits flacons
Qu’il déboucha et pointa vers le dragon
De ces tubes sortirent des flammèches bleues
Qui foncèrent vers Pyro, en direction de ses yeux.
Évidemment, sans trop de difficulté
Son opposant avala ces projectiles enflammés.
Était-il stupide pour soudainement croire en vain
Qu’il pourrait blesser un être pyrotarien ?
Mais peu importe si c’était sans aucun effet,
Gyron continua sa série de petits jets.
L’hydre s’en faisait un véritable festin
Ce qui énerva le démon, qui finalement intervint
« À quoi tu joues, à ainsi le recharger
Alors que j’ai tout fait pour l’épuiser ?
Es-tu inconscient ou veux-tu nous nuire ?
Qu’avons-nous fait pour que tu veuilles nous punir ?
Regardez au lieu de vous plaindre, prenez-en de la graine
Ces flammes que je lui envoient ne sont pas anodines.
Il se régale, je le sais, qu’il les dévore.
De quoi est composé son repas, il ne le sait pas encore. »
En effet, Pyro mangeait goulûment
« C’est délicieux », disait-il gaiement.
Mais peu à peu, son expression changeait
Lorsqu’il se rendit compte qu’il ne pouvait s’arrêter.
« Ce feu est celui qui a brûlé ma maison
Il contient joie, espoir, ardeur et passion.
Tout ce qui était chez moi au moment du drame
Est contenu à l’intérieur de ces flammes.
Il est, certes, délicieux, mais aussi très dangereux
En son sein est concentré l’ensemble de mes vœux
Pyro goûte à ce bonheur infini
Que je construisais chez moi, petit à petit.
223 ans de parfaite plénitude
C’est ce qu’il mange maintenant, sans interruption.
Il ne peut pas le supporter, j’en ai la certitude
Il ne lui restera alors qu’une seule solution. »
Pyro mangeait, mangeait et mangeait
Il était repu, mais il continuait.
Il sentait que son ventre allait exploser
Mais sa bouche, de ces flammes, ne voulait rien manquer.
Le piège s’était refermé, allait-il mourir ?
Il atteignit sa limite, mais ne pouvait vomir.
Il avait ingéré beaucoup trop de feu
Son corps allait exploser d’ici peu.
Il fit alors un geste désespéré
Et laissa son feu intérieur entièrement le brûler.
Ses pattes, ses ailes, sa tête s’embrasèrent
Et ne laissèrent qu’un immense brasier dans cette clairière.
« Tu as pu le stopper, tu peux être fier,
Mais son état actuel ne sera que temporaire
D’ici peu de temps, il se sera calmé
Il reprendra son apparence et son néfaste projet.
Pas de panique, je m’en doutais un peu
C’est pour ça que j’ai prévu un plan numéro deux.
Il y a quelqu’un présent ici, parmi nous
Qui, pour créer une prison, est un véritable atout.
Ma toile est prête ! hurla Bianca l’araignée
Avec ça, il ne pourra s’échapper.
Mes tissages enferment, certes, les malédictions,
Mais elles peuvent aussi confiner un dragon.
Alors ça c’est extra, jubila Louna l’ange
Juste avant qu’ils n’entendent un bruit qui les dérange.
Le feu de Pyro cessait doucement de s’agiter
Signe qu’il retrouverait bientôt l’apparence redoutée.
Il était puissant, ça ne faisait aucun doute
Il avait déjà mis le plan en déroute.
Il allait revenir et déchaîner sa fureur
Et montrer à tous qu’ils avaient de quoi avoir peur.
C’était sans compter sur la reine des abeilles
Connu dans le monde pour son venin sans pareil.
Le piquer ne le tuerait certainement pas
Mais ça allongerait à coup sûr son état.
Elle plongea sur lui, dard en avant
Et déversa en lui une tonne de poison
Pour retarder son éveil, c’était suffisant
Mais le plan devait vite finir son exécution.
Bianca lança sa toile, le piégeant à tout jamais
Tandis que le démon déroba le sol sous ses pieds.
Il tomba dans une ancienne grotte oubliée
Qui serait sa nouvelle demeure désormais.
Pour s’assurer qu’à vie il y resterait
Bianca scella l’entrée d’un rideau de verre.
La lumière et la chaleur qu’il dégageait
Étaient tout bonnement extraordinaires.
« Ne croyez pas que ça se termine ainsi,
Dit une voix sortant des flammes.
Sur vous s’abattra un feu infini
Qui brûlera tout, jusqu’à votre âme.
Même si ça doit me prendre un millénaire
Vous entendrez parler de moi.
De tous les dragons, je suis le père
Ils m’aideront à causer votre désarroi. »
Sur ces dernières paroles, sa tombe fut fermée
Après tant de rebondissements, c’était enfin terminé.
Solanoïstos et Louna n’était plus maudit de tout
L’elfe Phylia sur terre retrouva son époux.
Seuls les animaux n’avaient pas de vraie récompense
Malgré leur contribution au combien importante.
Les deux célestes, pour montrer leur reconnaissance
Voulaient exaucer la moindre de leur attente.
Bianca fut la première à formuler son vœu :
Que quelque chose, quelque part, les éclaire un peu mieux.
En effet, ce serait plus pratique pour elle
De distinguer ceux qui, sur son île, la harcèlent.
Meluka demanda en deuxième :
Une source de chaleur pour développer ce qu’elle sème.
Les fleurs de son archipel sont en manque de croissance,
Ce qui est un problème pour nourrir sa descendance.
Enfin, le lézard conclut les souhaits :
Que sur la Terre, beaucoup plus d’ombres il y ait.
Pour échapper aux visiteurs désagréables,
Il aimerait un autre moyen que se terrer dans le sable.
L’ange et le démon entendirent leur requête
En un quart de seconde, la solution était déjà prête.
« Nous allons nous transformer en deux astres puissants
Et nous accrocher au-dessus de la Terre, dans le firmament.
Pour ma part, je vous éclairerai au mieux,
Me changeant là-haut en une boule de feu
Je serai présent pour vous illuminer
Et vous offrir la lumière et la chaleur demandées
Je transformerai cette pâle grisaille
En quelque chose de beau, des belles journées
Pour ma nouvelle fonction, j’ai une belle trouvaille :
Solanoïstos est ancien, c’est « soleil » qu’il faudra m’appeler.
Quant à moi, je m’en irai aussi
Au contraire des journées, je brillerai les nuits.
C’est lorsqu’il dormira que je me montrerai
Pour qu’en ces moments-là, vous ayez aussi la paix.
Il y aura beaucoup d’ombre pour que vous vous cachiez,
Il ne fera pas trop chaud, pour vous reposer.
Si vous voulez me baptiser, mon nom est tout choisi
Mentionnez la « lune », comme le font mes amis.
Soleil et Lune veilleront sur vous pour l’éternité
Soyez sans crainte, vos peurs seront apaisées.
Nous nous relayerons comme ça, pour toujours
Pour vous prouver notre reconnaissance de votre bravoure.
Et toi Gyron, que souhaites-tu obtenir ?
Tu as retrouvé ta femme, mais ça ne sera qu’un souvenir.
Quand nous irons au ciel, elle ne pourra pas rester là
Elle retournera dans le monde de l’au-delà.
J’ai une idée, dit le lézard futé
Vous serez vous deux dans le ciel, c’est une opportunité.
Une fois de temps en temps, ça ne sera pas l’apocalypse
Si soleil et lune se réunissent, le temps d’une éclipse.
Vous userez de vos pouvoirs surnaturels
Pour créer une brèche entre l’espace et le temps
Et ainsi permettre à lui et à elle
De se revoir pour un court moment.
L’idée est très bonne, qu’en dis-tu Gyron ?
Souhaites-tu que que cet accord, avec toi nous scellions ?
Ça ne pourra pas être souvent, malheureusement
Seulement une fois tous les quinze ou vingt ans.
De revoir ma femme, vous m’offrez la possibilité
Et vous vous doutez de si je vais accepter ?
Bien sûr que je signe, plutôt deux fois qu’une !
Je vous remercie infiniment, le soleil et la lune.
Il est temps de vous dire au revoir, nous devons partir
Pour que notre nouvelle tâche, nous puissions accomplir.
Si tu as un dernier mot pour elle, c’est maintenant
Avant que je la ramène dans les divins champs.
Gyron plongea ses yeux dans ceux de Phylia
Ils étaient si bleus, si purs que ça le perturbait
Il voulait lui dire tant et tant, mais il balbutia
De sa bouche, aucun mot ne sortait.
Comment synthétiser des années en un instant ?
Pouvait-il résumer tout ce qu’il voulait lui dire ?
C’était impossible, il devait le faire pourtant
Car bientôt, elle devra repartir.
Il chercha, fouilla, creusa son esprit
Mais aucune phrase ne témoignait son amour.
Puis la seule chose à dire, finalement jaillit
« Je t’aime et t’aimerai pour toujours. »
Sur ces mots, un portail s’ouvrit derrière elle
Le temps était écoulé, elle retournait au ciel.
Elle n’eut le temps de formuler aucune réponse
Pour réagir à cette formidable annonce.
Mais ses yeux répondirent à sa place
Ainsi que son sourire qui illuminait l’espace.
De cet amour, elle n’avait jamais douté
Il était resté fort et pur après toutes ces années.
Elle répliquerait lors de son prochain passage
Car elle voulait prendre le temps de tout lui dire,
Pas en vitesse alors qu’elle gagnait les nuages,
Pas précipitamment alors qu’elle était en train de partir.
De cette promesse, Gyron capta tout
Leurs langage voyageait autrement qu’avec des mots.
Il attendrait son retour jusqu’au bout
Pour que vive leur amour comme s’il était nouveau.
Vingt années, ça ne faisait pas si long
Lorsqu’on sait qu’il a attendu dix fois plus
Il patienterait sagement, profitant de sa maison
Jusqu’au retour de sa belle Vénus.
Elle disparut dans un dernier éclat
Une explosion qui, la voûte céleste, embrasa
Le ciel fut peint d’un soleil majestueux
Qui apportait chaleur et lumière parmi eux.
Les animaux rentrèrent sur leur île respectives
Très contents que cette histoire finissent bien
Leur bonheur était total, leur reconnaissance vive
Leur vie serait meilleure, ils en étaient certains.
Gyron tint sa promesse envers Bianca l’araignée
Avant de finalement rejoindre sa contrée.
Il gagna sa maison qui lui avait manqué
Et décida qu’un changement devait s’opérer.
Il construisit une terrasse dans son beau jardin
Et invita quelques autres elfes à venir rompre le pain
La nuit venue, il dormait paisiblement,
Sachant que sa femme veillait sur lui tendrement.
Il regardait soleil et lune avec la joie d’un chérubin
Attendant la fameuse éclipse qui viendrait, c’était certain.
Il rénoverait sa maison pour l’accueillir
Faisant moult travaux et ménage, cela va sans dire.
Voici enfin cette belle conclusion
Qui marque une fin à l’histoire de Gyron
Celui qui amena jour et nuit dans nos saisons
Et sauva le monde, par la même occasion.
La prochaine fois que vous verrez une éclipse apparaître
Vous penserez à ce récit fantastique
Et à l’amour qui réunit ces deux êtres
Qui, enfin, savoureront leur amour magique.
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