Prologue
L’aube n’allait plus tarder, et pourtant, la fête continuait de battre son plein comme si elle venait à peine de débuter. La capitale… Non. Les villes libres de l’unique continent du monde fêtaient la victoire de leurs héros. Ces vaillants hommes et femmes qui, au nom du bien, avaient terrassés celui qu’on surnommait le Roi Sombre et ses armées des ténèbres, sous la bénédiction de celle que l’on surnommait la Sauveuse et le pouvoir de ses armes divines. Des hommes et femmes, originaires de royaumes divers, autrefois ennemis, qui avaient fait front uni contre l’ennemi commun, inspirés par les paroles de cette sage dans un corps de jeune fille. Les sacrifices furent lourds et nombreux mais à présent, cette guerre qui paraissait perdue d’avance avant l’arrivée providentielle de la Sauveuse était terminée. L’élimination des derniers partisans du Roi Sombre ne serait qu’une formalité qui serait traité en temps voulu. Pour l’heure, fêter la victoire importait plus que tout.
Le manteau sombre de la nuit se retirait peu à peu. Le soleil n’était plus très loin, maintenant.
Dans les couloirs luxueux du grand palais royal de la capitale, alors que les festivités ne faiblissaient pas, une jeune fille, après être sortie des bureaux de Sa Majesté, fila en tentant d’être la plus discrète possible. Au fond d’elle, elle aurait aimé courir de tout son soûl comme une petite enfant en ces lieux si prestigieux mais elle se retint, de peur d’être surprise par l’une des domestiques ou l’un des rares gardes devant patrouiller pour assurer la sécurité du palais, alors que les autres devaient s’amuser comme s’il n’y avait pas de lendemains.
Elle avait bien profité de la fête en son honneur et elle s’imaginait bien qu’on en dédierait d’autres en son nom dans les jours à venir. Rien que le fait d’y penser la fatiguait déjà…
Le soleil n’allait plus tarder. Son temps était compté. Elle devait se hâter. Elle voulut toutefois admirer une dernière fois ce magnifique paysage qu’elle avait contribuée à sauver et préserver. Après tout, elle l’avait méritée… Elle décida donc de se rendre sur la grande terrasse est du château, qui donnait sur une vue magnifique de cette partie de la capitale et la vallée qu’elle surplombait. Un spectacle sublime qu’elle avait adoré lors de sa première venue au palais.
Un vent léger se leva, faisant onduler ses longs cheveux blond doré et bouger sa robe d’un blanc pur ; immaculé. Elle trouvait cela agréable, tout en se demandant si elle aurait l’occasion de pouvoir de nouveau profiter de ce genre de petite chose une fois que…
-Sauveuse !
Une voix d’enfant retentit dans son dos.
Un garçon. D’à peine une douzaine d’années, pas plus. Un mignon petit garçon de cinq années plus jeunes qu’elle, un orphelin dont elle s’était occupé comme s’il s’agissait de son propre petit frère. Il accourait vers elle, tenant fermement un fourreau avec son épée dedans.
-Helt ! s’écria la Sauveuse avec le plus chaleureux des sourires. Je te croyais endormi, après t’être si bien dépensé pendant la fête. Et je t’ai dit de ne pas m’appeler comme ça, surtout entre nous !
-Les autres te cherchent partout, Sauveuse ! Les religieux aussi ! Ils…
-Oh non… J’en ai assez qu’ils cherchent à faire de moi leur nouvelle icône religieuse…
-Mais c’est un honneur ! On n’a canonisé personne depuis…
-Pourquoi as-tu cette épée en main, Helt ?
-Oh… S… Sire Caelum a accepté de me prendre comme écuyer. Il me l’a offerte, en disant que j’en aurais besoin d’une quand je serai prêt.
-Toujours à faire les choses dans le désordre, celui-là… J’imagine que le prince Vaillant était ravi.
Le garçon fit la grimace à l’entente de ce nom.
-C’est peut-être le prince héritier, mais c’est aussi un abruti.
La Sauveuse se mit à rigoler.
-Prends garde à ne pas répéter ces mots devant lui ou son entourage.
Elle vint alors le prendre dans ses bras et lui faire le plus chaleureux des câlins qu’une sœur adoptive pouvait donner à son petit frère adoptif.
-Sauveuse ?
Il l’avait senti. Elle le savait. Il sentait toujours ce genre de chose. Évidemment que ça ne lui échapperait pas.
-Sauveuse ? K[…] ?
Le mot n’était pas sorti de sa bouche. Le nom qu’il avait tenté de prononcer semblait s’être perdu. Elle avait la preuve que cela fonctionnait. Même si elle aurait aimé qu’il prononce son nom une dernière fois…
Les premiers rayons n’allaient plus tarder. Il prit le visage de Helt, encore confus que le nom de la Sauveuse, celle qu’il considérait comme sa sœur adorée, ne soit pas sorti de sa bouche. Ses mains délicates lui caressaient doucement les joues puis, elle lui déclara :
-Helt. Je dois partir.
Le garçon fut surpris.
-Où est-ce que tu vas ?
-Je rentre chez moi.
-À […] ?
Ça aussi, il ne pouvait plus le dire. Tout fonctionnait comme elle le souhaitait.
-Oui, répondit-elle.
-Emmène-moi alors !
-Helt…
-Je veux partir avec toi ! Voir ton…
-On en a déjà parlé, Helt. Tu ne peux pas venir avec moi, là où je vais.
-Mais toi, tu peux bien aller et venir entre ici et chez toi.
-Sous certaines conditions. Je te l’ai déjà dit, aussi.
-Non ! Je ne veux pas ! Je ne veux pas que tu partes !
Elle le voyait tenter de rester digne mais malgré tout, les larmes lui montèrent tout de même aux yeux, ce qui lui brisa un peu le cœur.
-Malgré tout ce que tu as vécu, tu restes encore un enfant.
Cela n’avait rien d’une constatation. C’était un reproche. Chose qu’elle faisait rarement, encore moins envers Helt, dont les larmes avaient aussitôt cessé de couler.
Elle lui sourit de nouveau et regarda son épée. Sans lui demander avant, elle la prit dans ses mains.
-Je vais te faire un cadeau avant de partir.
Elle fixa alors l’arme et prononça très rapidement une série de mots dans une langue inconnue et incompréhensible aux oreilles de Helt. Son épée se mit alors à s’élever légèrement et à briller de mille feux, comme si un soleil se tenait dans le creux des mains de la Sauveuse. Une douce chaleur envahit l’air autour d’eux, jusqu’à ce que la lumière s’estompe et que l’arme ne retombe dans ses mains délicates. La Sauveuse sourit à Helt et lui rendit son épée.
-C’est la dernière que je créé. Pour toi. Prends-en soin.
Helt semblait ébahis par ce qu’elle venait de faire pour lui, comme si elle avait accompli une chose incroyable pour quelqu’un d’aussi insignifiant que lui.
Elle se mit à contempler l’horizon. Ce n’était plus qu’une question de temps avant que les premiers rayons du soleil illumine le ciel.
Elle sourit une dernière fois à Helt et le serra une dernière fois dans ses bras.
-Sois toujours fort, mon héros.
Ce fut les dernières paroles qu’elle lui adressa. Avant qu’il ne puisse dire quelque chose, le premier rayon du soleil lui arriva directement dans les yeux et l’aveugla.
Cela ne dura qu'un instant.
Le temps qu’il puisse revoir correctement, elle n’était plus là. Comme pour suivre la nuit, celle qu’on nommait la Sauveuse semblait s’être effacée. Mais contrairement à la nuit, elle ne revint pas.
Plus tard, le même jour, le roi découvrit dans ses bureaux une lettre écrite des mains de la Sauveuse, annonçant son départ mais ne spécifiant nulle part un possible retour.
Son départ secoua le monde mais ceux qui étaient devenus ses adeptes étaient persuadés qu’Elle reviendrait parmi eux. Et qu’en attendant son retour, ils prospéraient dans ce monde lumineux, convaincus d’être débarrassé définitivement du Mal et des Ténèbres. Ce fut sur cette base que ses fidèles se rassemblèrent à travers ce petit monde, souhaitant perpétuer le souhait de leur idole de voir un monde unifié.
Ainsi, ce fut dans cette direction que le monde continua sa marche…
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