AE911

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On lave, on s'nettoie le ciboulot à grand coup de ciboulette. Les horloges dégringolent du mur et les sons se disloquent !
Je suis sous l'emprise de la drogue. Je m'appelle Regina Benita ! Je suis junkie. Sévère ! La limonade bio dégazée périmée, ça vous retourne l'hippopotame. Vindiou ! C'est pas rien ! Qu'ils disent les gens. Dans l'état que je me trouve. Faut dire de tartine, je m'en tiens une bonne. Déglingos du cerveau comme pas d’œufs ! J'ai quoi ? Trente piges. La trentaine. J'habite Lens. Enfin j'habite, j'erre. Je vague entre trottoirs où je m'endors trop tard, toujours. Trop ivre. Les zones commerciales, je les connais par cœur, je viens y cracher mes molletons sur les pulls en mohair. Je suis une asociale qu'il me dit le psy qu'ils m'obligent de voir. Je veux dire, les juges du tribunal. Tout ça parce qu'un jour je me suis fait pocher par les condés alors que j'éclatais une vieille punk à la permanente violette et au caniche habillé. Faut pas déconner. Bref. Dans ma vie, je suis plutôt heureuse, quoi. Tu vois. Il y a juste un souci, je m'emmerde un peu trop. Les gens me font chier. La société me fait chier. Les pépètes me font chier quand j'en ai pas ! Et quand j'en ai aussi, remarquez ! Ce n'est pas que je ne veuille pas m'intégrer, comme ils disent, que je ne veuille pas être sociale. Non, non, moi, je veux juste qu'on ne me fasse pas chier. Hors... à un moment ils me prennent pour une truffe, je hurle à leurs sales gueules devant le Super Schmut comme quoi ils ont une vie de merde. Ils me renvoient chier. Et merde, hein. Moi, je veux les sauver, si eux ils n'y mettent pas du leur. Basta ! Comme qui dirait l'autre. Je m'empouffe comme je peux, je m'empaffe comme je veux. Et qu'ils aillent se faire foutre. Je vais pas lutter mille ans pour sauver l'Homme. Ouais, moi, je suis une sauveuse. Tu vois, ou quoi ? J'ai mon look de super héroïne. Jean crado et gros boulsar à capuche vert tout dépouillé. Je suis une sauveuse. Sans le sou.
Je suis une sauveuse. Sans le sou. Mais sauveuse. J'essaye de leur faire comprendre aux gens. Mais eux... mais eux... ils veulent pas. Et merde. Ça me bouffe dans les oreilles de les entendre renifler leurs merdes à la télé. Je peux être violente des fois. La vieille keupone elle s'en souvient. Enfin elle s'en souvenait. Maintenant il paraîtrait qu'elle a l'Alzheimer. Mais je ne suis pas sûre qu'elle m'en veuille vraiment d'ailleurs. Des fois j'marche comme ça dans la rue, je pense à elle quand je vois ces pinescos et puis tous les autres passants aussi. Ça me pique dans les yeux. J'ai envie de chialer. Ou de frapper.

« Dégagez ! » que je beugle partout, « Vous allez grossir comme des oursins en peluche ! »
Alors, alors... pour pas tout détruire d'un coup et tout. Pour me calmer. Je veux dire pour pas retourner en zonz. Je vais au musée. Ils en ont ouvert là récemment. Un nouveau. Enfin, non, mais si. Le Louvre et tout, à Lens. Pour les pauvres. Bah ils ont bien choisi. Je veux dire de le mettre à côté de chez moi.
Moi, mon truc, c'est la peinture. J'aime bien. C'est marrant, puis ça fait réfléchir. Mais qu'est-ce-que c'est mort ! Enfin, je veux dire là où on les voit. Les peintures. Au Louvre de Lens. Attention, la particule et tout. C'est pas de la gnognotte qu'ils nous ont fait nos politiques. Un grand bazar ! J'y suis allé du coup, aujourd'hui. Tellement les gens ils m'ont gonflé le revers ! J'aime bien la peinture. Je vous l'ai déjà dit ? Je kiffe. Mais c'est trop facile, trop mou du genou. Je veux dire. Là... comme ça... immobiles qu'ils sont dans les cadres. Les chefs-d’œuvre. Je me suis toujours dit dans ma tête que ça serait plus marrant si ils voyageaient. Tu vas au musée, tu récupères un tableau, tu l'emmènes chez toi. Puis quand t'en as marre de voir la chetron de la Joconde, tu la ramènes. On appellerait ça des Hors d’œuvre. Ils devraient faire confiance. Les gardiens de musée ou je ne sais pas quoi. À côté de ça. C'est Don't touch partout. Pas touche pas touche. Pas de photo. Pas de tag. Fuck off ! Moi, exemple, j'adore trop le dernier Delacroix. Il n' est pas descendu de nulle part lui. C'est un bon. Je l'aurais bien vu dans mon manoir.
C'est là, devant ce dessin d'ailleurs que j'ai eu mon apparition, ma révélation. Sur le Delacroix, je suis Bernadette Soubirous. Dans le musée. Après m'être fait cette réflexion. Ouais, je suis un petit peu Jésus, mais en gonzesse. J'ai des messages à faire passer. Moi ! Pas Fouquet's pour un sou ! Saoule, je ne l'étais pas d'ailleurs. Contrairement à ce qu'ils disent les gens dans les journaux. J'ai sorti mon marqueur. Celui que j'utilise pour dans la rue faire mes petits dessins sur les pavés, à Lens, il y en a pas beaucoup de pavés. Alors... Alors. J'ai dit « Merde. ». Puis Delacroix, je suis sûre ça l'aurait fait marrer, s'en serait poêlé quelques-unes devant mon accroc à sa toile.
D'ailleurs, j'ai écrit quoi sur ce putain de tableau ? Parce que dans les journaux, même pas qu'ils le disent vraiment. Ils ne comprennent toujours pas, c'est l'hallucination des végétations. Delacroix outragé, Delacroix brisé, Delacroix martyrisé, mais Delacroix libéré !
Puis, en plus, ils n'ont même pas de tableaux en cellule. Font chier les gens. Je suis énervée.

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