Intelligent
" Il suffit de savoir écouter."
Et par Dieu, il le savait.
Devant lui se tenait le professeur XXXX.
Célèbre, intelligent, cultivé et passionnant.
L'homme le regardait avec condescendance tout en lui expliquant les différents types de ponts existant sur la Terre.
Passionnant !
L'officier écoutait, les mains croisées devant lui.
Et pourtant...
Le professeur était nu, il avait encore du sang qui maculait sa joue. Il se tenait assis, les jambes croisées et le regard bienveillant.
" Le plus ancien pont est celui de XXXX. Exceptionnel ! L'avez-vous vu ?"
Et l'officier répondait, humblement :
" Non, monsieur.
- Vous devriez !, l'admonesta le professeur. Ne pas connaître cet ouvrage est une honte !
- Oui, monsieur."
Puis, le vieux professeur retrouva son sourire amical.
" Vous apprendrez."
Un sourire lui répondit :
" Certainement, monsieur."
Frapper ne marchait pas. L'homme parlait et il était habile.
L'officier avait vite cessé la violence physique...
Du moins dans son bureau...
Que dire de la nuit dans la cellule ?...
Le lendemain...ce fut déjà différent.
Le célèbre professeur eut du mal à s'asseoir, du mal à marcher et il regarda l'officier avec moins de condescendance.
" Alors ces ponts ?, demanda le soldat.
- Des ponts ?
- Oui. Tous ces merveilleux ouvrages que je devrais connaître."
L'enthousiasme était palpable dans la voix de l'officier.
Plus calmement, le professeur reprit son cours :
" Il y a des ouvrages intéressants dans les autres pays... Peut-être connaissez-vous le célèbre pont de XXXX ?
- Non. Je ne m'intéresse qu'à notre pays.
- C'est dommage. Il y a beaucoup de...
- Je ne m'intéresse qu'aux ponts actuels.
- Ho ! Cela limite les choses."
L'officier se pencha en avant et murmura :
" Au contraire, c'est un sujet passionnant.
- Hé bien. Je peux vous parler des ponts de la région de XXXX.
- Faites ! Je suis tout ouïe."
Le professeur parla et parla. Il retrouva toute sa morgue.
Impressionnant !
Le lendemain...
Les doigts du professeur tremblaient. Ils ne cessaient de les tordre.
Son corps nu portait les traces indéniables de la nuit.
L'officier connaissait la signification de toutes et fut satisfait.
Fesses, cuisses, pieds... Le sang maculait tout en ayant coulé de l'entrejambe.
Parfait !
Et les yeux du professeur montraient la peur maintenant.
" Alors ces ponts actuels, professeur ?"
L'officier accentuait à loisir le mot "professeur "... Le rendant dérisoire.
" Les ponts actuels ? Je...
- Ceux de la région de XXXX par exemple ?"
Le professeur baissa la tête avant de reprendre avec un petit sourire triste :
" De la belle ouvrage ! Les avez-vous vus ?
- Avant leur destruction ? Non.
- De beaux ouvrages !
- Vous êtes un bon professeur.
- Certainement.
- Et les ponts de XXXX ?
- De belles constructions.
- Qui a donné l'ordre de les détruire ?"
Trop vite !
Le professeur retrouva toute sa condescendance et jeta avec mépris :
" On vous a mal renseigné, officier. J'apprends à construire des ponts. Pas à les détruire !"
Le sourire de l'officier se fit ironique :
" Deux terroristes ont été de vos élèves. On peut se poser des questions...
- On serait stupide de le faire !
- Peut-être..."
Cette fois, il laissa le professeur deux jours dans sa cellule.
Les hommes avaient pour ordre de le visiter à des heures aléatoires. Et de multiplier les sévices.
Diversifier. Varier. Surprendre.
Deux jours et le professeur était de retour dans son bureau.
Les mains tremblaient. La bouche était devenue une plaie. Les yeux brillaient de larmes.
Et le corps portait les marques des sévices.
Combien d'hommes avaient forcé le prisonnier ?
Ce ne fut qu'une pensée vite oubliée.
" Les ponts de XXXX, professeur ? Quel nouveau cours allez-vous me faire ?
- Je ne sais pas, avoua le professeur.
-Vraiment ? Vous m'en voyez désolé. Je vais vous renvoyer dans votre cellule. Vous pourrez réfléchir à...
- Non !," hurla le professeur, affolé.
L'officier ne dit rien.
Il attendait paisiblement la suite.
" Ce ne sont pas mes étudiants. Ce sont ceux d'un collègue.
- Qui ?"
Le silence s'éternisa.
" Qui ?, répéta sèchement l'officier. Nous pouvons trouver les noms des ingénieurs. Cela ne fera que quelques interrogatoires à mener. Je ne veux que ceux des terroristes."
Le silence était long.
L'officier frappa du poing sur la table.
"QUI ?"
Deux jours.
Ce furent les derniers.
Dès que le professeur fut libéré de sa cellule, il donna les noms de tous ceux qu'il connaissait.
Leurs noms, leurs adresses, leurs amis...
Il ne regardait plus personne dans les yeux. Ce qu'on l'avait forcé à faire avait eu raison de lui.
" Pourquoi ne pas avoir gardé le prisonnier dans votre bureau ?, demanda son adjoint.
- Il était intelligent. Bien plus que moi, admit l'officier chargé des interrogatoires.
- Vous l'avez eu pourtant ?!
- Il s'attendait à la violence dans mon bureau. Cela lui prouvait sa supériorité.
- Je ne comprends toujours pas.
- Mais dans la cellule... Je suis devenu son sauveur.
- Pourtant, il devait savoir que les ordres venaient de vous.
- Oui. Et j'étais le seul à pouvoir les faire cesser."
Un regard amusé se posa sur la magnifique prison d'État.
" Nous représentons l'Ordre."
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