Questionnement
" Qui m'a dénoncé ?"
Qui l'a dénoncé ?
C'était une bonne question. C'était d'ailleurs la seule qui l'intéressait.
L'officier devait admettre que la femme savait y faire. Elle lui avait gentiment posé des questions, usant de son sourire comme d'une arme.
Charmante. On lui répondait pour la faire sourire.
Devant ses dénégations, la femme passa aux mots durs et aux menaces. Admonestation et rappel des risques encourus.
Incisive. On la craignait pour sa vérité.
L'officier ne répondant pas à ses questions, elle usa d'autres arguments...
Cruelle. On se soumettait par peur de la violence.
Jeune homme, il avait appris à endurer la douleur.
Il avait appris la souffrance.
Il avait appris à l'endurer.
Il avait appris à la donner.
Et il avait aimé cela !
" Qui m'a dénoncé ?, demanda-t-il, encore et encore.
- C'est moi qui pose les questions !, s'énerva la femme.
- Bien entendu."
Et il souriait, pendant qu'il le pouvait encore.
Son nez était brisé. Cela l'ennuyait.
Il serait moins beau.
Mais ce qui l'inquiétait vraiment, c'était sa main.
Et le lendemain, bien entendu.
" Qui m'a dénoncé ? Je ne pense pas avoir beaucoup d'amis, mais des ennemis assez acharnés ? Encore moins."
La gifle était inutile.
Il sourit.
Elle perdait patience.
Il se rendit compte qu'il jouait le jeu de cet étudiant révolté.
Il pria pour que ses yeux clairs deviennent les cauchemars de son bourreau.
Il était endurant.
Trois jours sans manger ? La belle affaire !
Trois jours sans boire ? Il survivrait !
Trois jours sans dormir ? Plus difficile !
Il devait avouer qu'il sentait que bientôt il en serait à la phase des hallucinations.
Le manque de sommeil était l'une des armes les plus utilisées par tous les bourreaux de ce monde.
Tellement facile. Tellement simple. Terriblement efficace.
Il était le premier à le reconnaître.
Et à en abuser.
Il était endurant.
Mais il n'était pas un sur-homme !
Voir entrer dans sa cellule trois de ses anciens officiers, armés de barres de fer et de matraques, lui déplut souverainement.
Surtout lorsque l'un d'entre eux défit sa ceinture de pantalon.
La séance allait être longue...
" Qui m'a dénoncé ?"
Il devait garder l'esprit clair. Aussi clair que ses yeux.
Il devait se souvenir de sa probité. Son intégrité.
Il devait tenir bon.
Rien que pour la voir rager !
Cela en valait le coup d'oeil.
Tant qu'il avait des yeux.
Trois jours encore ? Ou quatre ?
Il entendait maintenant la musique. A fond. Le silence avait disparu.
Plus de gouttes d'eau.
Juste du bruit.
Cela le rendait fou !
Là, il était impressionné. Il n'avait jamais pensé que cela pouvait être si efficace.
Il se promit d'en faire bon usage.
Une fois qu'il aurait cette belle putain sous sa dextre.
Car elle était belle !
Elle avait de longs cheveux noirs, bien coiffés, un sourire enjôleur, des yeux étincelants...et s'il avait envie d'être torturé plus vite, il lui suffisait de regarder ses seins, lourds dans son uniforme, sa taille, ronde et pleine, ses cuisses, invitant à la bagatelle...
Et il était sûr que le questionnement ne durerait pas.
"Qui m'a dénoncé ? Qui m'a dénoncé ? Qui m'a dénoncé ?"
Cela devenait une salutation, une petite blague entre eux.
" Bonjour, officier XXXX, lui lançait-elle de sa jolie voix cristalline.
- Qui m'a dénoncé ?, répondait-il, la bouche légèrement récalcitrante.
- Voyons..."
Elle penchait la tête, adorable et charmeuse.
Il avait le culot de lui sourire.
Et les coups commençaient.
Il tenait bon !
Et elle rageait.
Puis un jour...
Ce ne fut pas elle qui l'attendit dans son ancien bureau.
Ce fut son supérieur.
Il le regarda, désolé et silencieux.
" Qui m'a dénoncé ?
- L'officier XXXX. Il est un ami du professeur XXXX. Nous avons mis du temps à le localiser. "
Il eut le droit de s'asseoir, un de ses hommes, n'osant pas le regarder en face, lui apporta aussitôt une couverture pour couvrir sa nudité, suivi d'un verre d'eau.
Il but avidement, n'ayant pas bu depuis des jours.
" Où est l'officier XXXX ?
- On l'interroge en ce moment.
- Je veux en être.
- Elle s'en occupe déjà, sourit le haut gradé.
- Je veux en être, asséna-t-il, sèchement.
- Serez-vous d'attaque ?"
Le bourreau officiel de la prison de XXXX examina son propre corps. Ses mains, ses ongles, ses pieds, ses blessures, sa faiblesse générale...
" Un bain, un uniforme, un repas chaud et je serai capable de faire face, monsieur."
Le soldat examina le bourreau et sourit, approbateur.
" On peut faire ça."
Un claquement de doigts et tout fut organisé.
" Je comprends maintenant pourquoi je suis encore en vie, fit l'officier chargé des interrogatoires. Vous aviez un doute ?
- Vous concernant ? Bien entendu ! L'officier XXXX avait des ordres ! Vous blesser, vous interroger mais ne rien vous briser ni vous mutiler.
- C'est pour cela que j'ai encore des yeux...," murmura l'ancien prisonnier.
Son supérieur ne comprit pas ce qu'il voulait dire et le contempla, assez impressionné par le calme que l'homme odieusement torturé affichait.
Le silence, apaisant, s'installa dans le bureau.
Pendant ce temps, indifférent, l'officier tournait les pages du rapport..., forçant ses doigts blessés à obéir.
La collègue avait bien travaillé.
La belle putain !
Car il en était sûr, elle allait devenir sa collègue.
Et ils allaient être intouchables ensemble.
Des loups à tête d'homme.
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