Avez-vous déjà perdu un proche ? Une personne qui faisait part entière de votre vie ? Une personne sans qui vous ne voyiez pas votre avenir ? Moi oui.

J'avais dix ans lorsque je l'ai perdu. Dix ans... Je n'étais qu'une enfant mais je n'ai rien oublié. Jamais. Chaque seconde est enregistrée dans ma mémoire. Des fois, je me dis que je pourrai tout donner pour effacer cette partie de ma vie. Puis, je me ravise. Ce sont les dernières images que j'ai d'une femme forte et pleine de vie. D'une combattante qui aurait fait n'importe quoi pour sa famille.

"C'était durant le mois de novembre. Comme tous les soirs, je m'étais installé devant la télé avec mes parents. Nous étions plongés dans l'action de notre série jusqu'à ce que le téléphone sonne. Juste à voir la tête que tirait mon père, je savais qu'une mauvaise nouvelle allait s'abattre sur nous et je n'avais pas tort... Ma grand-mère était sur le point de mourir...

Sachant qu'elle habitait à l'étranger, nous devions nous dépêcher pour trouver des billets d'avion.

Au départ, mon père ne voulait pas que je me rende avec eux à son chevet. Il avait peur que les évènements m'affectent beaucoup trop. Mais, il savait très bien que le dernier souhait de sa mère était de me voir une dernière fois.

Un lien unique nous unissait avec ma grand-mère. Je ne sais pas si c'était dû au fait que je portais le même prénom qu'elle, mais je sais que j'occupais une place à part dans son cœur et elle dans le mien.

Une fois arrivés à ses côtés, nous avons essayé de profiter de nos derniers instants ensemble avant que la faucheuse ne vienne récupérer son âme.

Elle était tellement mal... Le cancer l'avait rongé petit à petit depuis des années. Elle avait perdu du poids. Il ne restait plus rien de sa carrure imposante qui effrayait tout le monde. Des ecchymoses apparaissaient un peu partout sur son corps... C'était juste affreux. J'avais l'impression qu'elle avait été torturée. A chaque fois que l'infirmière la touchait, un gémissement se glissait à travers ses lèvres malgré son combat pour le retenir. Je souffrais en même temps qu'elle. Ses plaintes faisaient écho dans ma tête jusqu'à m'en causer des migraines.

Cependant, cette souffrance et ce désespoir n'ont pas duré longtemps. La semaine suivant notre arrivé, ma grand-mère a rendu l'âme...

Trouver vous ça horrible d'être soulagé après la mort d'un être cher ? Pensez-vous que c'est un comble de préférer sa mort à sa vie ? Moi, personnellement, j'étais soulagé. Est-ce égoïste ? Je n'en sais rien... Elle souffrait tellement... Je souffrais tellement... Peut-être que ça a été une libération pour nous deux. Je ne voulais plus la voir supporter toutes ces douleurs qui lui étaient causé par ces foutus traitements. Je ne voulais pas qu'elle passe le restant de ces jours condamner à rester dans un lit juste parce que d'autres personnes ne voulaient pas la voir mourir. On va tous y passer... Jeune, vieux, célibataire, marié, n'importe. Donc, autant ne pas souffrir.

La voir allongé là, dans un cercueil, me donnait la chair de poule. Je ne pouvais contrôler mes pensées et mes larmes. J'avais l'impression d'être dans un gouffre. Je criais à en perdre la voix mais personne ne m'entendait. J'étais seule... Totalement... Mon corps avait du mal à supporter tout ça... Mes parents étaient mal eux aussi. Ils venaient de perdre leur mère. Et les voir triste et abattus, me mettait un coup de plus. Imagineriez-vous une fillette de 10 ans qui ressent tout ça à son âge ? C'est absurde... A ce stade là on n’est pas censé tout comprendre et pourtant... J'avais tout compris et tout encaissé... N'y a-t-il pas eu de conséquences ? Bien sûr que si... J'étais détruite moralement... Physiquement, mon système immunitaire m'a lâché et j'ai eu du mal à m'en remettre... J'ai toujours du mal. On n’oublie pas cette douleur. On continue juste de vivre... De survivre."

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