Rêve de Noël

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De sa petite fenêtre, Émeric observait la neige qui tombait dans ce silence envoûtant de l’hiver qui précédait le dîner de Noël. Elle recouvrait la ville féérique d’Arnya, adoucissant les arêtes des hautes tours du château, et plus loin, des maisons qui l’entouraient telles des amies fidèles à jamais. De longues guirlandes illuminaient de leurs couleurs chatoyantes les ruelles qui serpentaient en contrebas, dessinant avec grâce les prémisses des réjouissances à venir.

Mais il n’avait pas le temps de se perdre en rêveries. Il restait fort à faire pour célébrer dignement Yule.

Dans un long soupir, Émeric quitta son perchoir et s’envola au-dessus de la ville endormie, au blanc immaculé que lui offrait le ciel étoilé.

Car oui, Émeric était un oiseau. Mais pas n’importe lequel. En tant que maître hibou de Saint-Nicolas, il devait vérifier que chaque renne, lutin et fée occupaient bien leur poste. De ses larges ailes, fauve sur le dessus et au blanc neige en dessous, il survola les doux foyers et leurs cheminées vivaces en direction de la forêt ouest qui bordait le village. Les vieux pins s’étiraient vers la lune, qui les saluait de ses rayons bleutés. Ce soir, elle célébrait elle aussi la fête à venir de sa rondeur parfaite qui illuminait la neige de sa lueur bleutée. Au milieu de cette mer étincelante, Émeric dénicha les rennes.

Le cortège s’étirait à ne plus en voir l’extrémité, telle une guirlande colorée qui s’élancerait sans but au milieu de la forêt. Les bêtes cornues étaient parées de leurs harnais rouges aux boutons d’or, mais surtout, ils se répartissaient en groupe de six, prêt à tirer leurs traineaux vers la cité. Émeric se posa sur les bois du renne de tête.

— Tout est en place ? s’enquit-il en examinant de son regard acéré le contenu du traineau.

Solidement harnachée à l’aide d’une épaisse corde, la pile de cadeaux lui paraissait de bonne taille. Seul Saint-Nicolas connaissait leur contenu, tandis que les rennes restaient quant à eux les uniques détendeurs de leur destination. La magie de Noël, comme aimait le répéter leur Père, maître de cette fête hivernale.

— Toutes les équipes connaissent leur itinéraire, lui assura le cervidé.

Émeric ne le questionna pas davantage et s’orienta vers sa prochaine destination : les lutins. Il chassa la neige qui commençait à blanchir son plumage ainsi que son foulard au vert pomme, et s’envola au-dessus de la forêt. Il glissa un dernier coup d’œil à cette mer de conifères aux ramures étincelantes que l’hiver décorait pour les fêtes, et regagna la ville. Il se laissa flâner quelques instants, admirant les décorations des humains qui brillaient plus que la myriade d’étoiles recouvrant la toile sombre de la nuit.

Les lutins étaient aisés à trouver, bien qu’éparpillés sur chaque toit. Aussi invisibles que des ombres dans la nuit, ils se tenaient prêts à accueillir les rennes et leurs traineaux volants. Sans leurs mains agiles et leur magie, les cadeaux ne pouvaient atteindre les pieds des cheminées sans encombre. Il restait inimaginable qu’un présent soit endommagé ou brûlé. Les feux de Noël devaient être de douces chaleurs réconfortantes, et non les auteurs de drames.

Émeric gagna le centre de la cité et se posa sur le toit d’une haute maison. Ses serres dérapèrent sur les tuiles humides, et ses ailes soulevèrent un nuage de poudreuse qui scintilla sous les rayons de lune. Il semblait seul, mais d’un claquement de bec, il ordonna aux lutins de se dévoiler. Les petits êtres apparurent des ombres, comme si leurs corps à la peau noire en sortaient. Mais Émeric savait que cela était bien le cas. Pour passer inaperçus aux yeux des humains, et plus particulièrement des regards curieux des enfants, les lutins transformaient leur enveloppe en de simples flaques noirâtres.

— Nous sommes prêts, maître hibou ! clama l’un des petits êtres.

Émeric lorgna son pagne, aussi sombre que sa peau, mais qu’un large bouton doré décorait sur sa hanche. Il servait à identifier le chef d’escouade. Celui qui avait pour mission de s’assurer qu’aucun enfant et aucun parent ne verraient les cadeaux descendre dans le conduit de cheminée, et voleter doucement au pied de leur sapin paré de décorations et de lumières éclatantes.

Le hibou acquiesça et ne les retint pas plus longtemps sous le froid mordant de la neige. Émeric ne comprenait toujours pas comment ces petits êtres supportaient ces flocons purs malgré leur tenue légère et leurs pieds nus.

« — Sûrement leur magie, » pensa-t-il alors qu’il se retrouvait à nouveau seul, perché sur le haut toit au milieu de la ville.

Il s’ébroua et décolla. De cercles harmonieux, il tournoya au-dessus des habitations et grimpa doucement dans le ciel. Les flocons tombaient en un nombre incalculable de fines boules cotonneuses et recouvraient le sol sans faillir, témoin du travail acharné des fées, mais Émeric se devait néanmoins de leur rendre visite.

Ses ailes le portèrent toujours plus haut, quand une étoile filante manqua de lui heurter le bec. Il pila, tandis qu’un ricanement résonnait non loin. Une fée, en manteau de plumes, se riait de lui.

— C’est malin, cracha-t-il en plissant ses yeux ronds. Tu aurais pu me toucher !

— Un peu de couleur ne vous ferait pas de mal, maître hibou.

Elle virevolta sous le ciel étoilé, une chevelure de paillettes dorées dansant derrière ses ailes de papillon de nuit.

— Cesse de jouer ! Tes sœurs et toi pourrez tenir le rythme jusqu’à demain ?

— Bien entendu ! clama la petite demoiselle de sa voix flutée. Nos flocons continueront de tomber jusqu’à l’aube, et nos ailes illumineront le ciel d’étoiles aussi brillantes que la lune.

Émeric ne doutait pas de ses mots. Il savait deux choses irréfutables concernant les fées : leur espièglerie, et leur amour pour ce paysage envoûtant qu’elles attendaient de modeler avec impatience chaque année.

— Alors je vais vous laisser.

D’un battement d’ailes, il piqua vers la ville. La fée lança une nouvelle étoile, mais il l’esquiva sans mal et disparut derrière les tours des bâtiments.

De nombreux humains arpentaient encore les rues, couvertes de cette épaisse couche de neige gelée qui flamboyait sous les éclairages de Noël. Émeric décrivit un cercle discret autour du haut sapin dressé sur la place du marché, puis remonta l’allée principale. Les enfants ne jouaient plus dans les rues, remplacés par nombres d’adultes tantôt blottis l’un contre l’autre, tantôt liés d’une simple poignée de main.

Sa tâche accomplie, Émeric retourna au château. Il posa ses serres sur le plancher et rabattit ses ailes engourdies par le froid contre ses flancs, quand une femme le héla.

— Émeric ! Mon chéri ! Le diner est prêt !

Fini le temps des jeux et des rêves. Le petit garçon descendit de sa cabane qui surplombait la ruelle, construis en haut du chêne solitaire, et traversa le jardin enneigé. Sa mère lui glissa un baiser sur le front et il entra dans la maison, pressé que la soirée s’achève et que les travailleurs de maître hibou livrent ses cadeaux au pied du sapin.


***

Voilà ! Ce petit texte a été écrit dans l'idée d'être lu pour des enfants de 10 ans ou un peu moins.

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