9. Babioles

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Il y a des jours où, il n'y a rien à faire, on est de mauvais poil. Eh bien voilà, c'est mon cas. Quand j'étais enfant, je ne me faisais pas la réflexion. Je pétais les plombs presque sans m'en rendre compte. J'ai rendu dingue cette vieille bique de Pelletier ; j'ai rendu son mari plus furax que l'alcool. Mais, faut me croire, braves gens, mesdames messieurs les jurés, vous tous qui attendez la rediff des images choc, le verdict du procès, bien au chaud dans votre petit confort minable, j'en n'avais pas conscience.

Ces jours-là, ceux où un détail de merde m'irritait, je pouvais devenir un vrai démon. Il fallait absolument que je trouve une connerie à faire pour dégager ma frustration. On me refusait un bonbon ? J'éclatais le bocal par terre. On me brimait : « Non, Sung, il pleut. C'est pas un temps à jouer dehors. » ; moi je prenais la mouche, j'attrapais l'un de ces vieux fers à repasser en fonte que les vieilles dames gardent sur le bahut – on sait pas trop pourquoi, d'ailleurs, parce que c'est franchement laid ! Décorer sa maison avec ce genre de babioles quand on garde des mômes, ça revient à prendre le petit Michel par le bras, flanquer le calibre 9 bien lustré de tonton André dans sa gentille minette, et puis l'encourager : « Vas-y Michou, joue au cow-boy ! » Je vous raconte pas tous les bibelots mortels qu'elle amassait, la mère Pelletier ! Pas de dehors ? Très bien, je pétais la fenêtre avec le fer en fonte, et dehors ou dedans ça revenait au même. Une autre fois, j'ai assommé Christine avec un tisonnier. Remarquez, elle a eu de la chance : j'avais même pas pensé à remuer les braises.

Vers la fin de la primaire, aussi, j'ai commencé à me dire que l'école c'était barbant et surtout inutile. Comme même avec la grippe on m'envoyait en classe, j'ai tenté autre chose, avec l'une des énormes assiettes de Provence. Ces plats beaucoup trop lourds, dans lesquels on ne mange pas pour pas les abîmer, parce qu'ils passent pas au lave-vaisselle, et qu'on accroche au mur parce que la tapisserie fleurie, toute seule, ça manque de charme. J'ai décroché la plus lourde et je l'ai lâchée sur ma tête. Trauma crânien, deux semaines au lit. Puis plus aucune assiette au mur.

Mes notes n'avaient pas décollé depuis deux ou trois ans. Le seul sourire auquel j'avais eu droit sur une copie, une auto-dictée – encore une belle connerie ! – de la jolie Madame Rousette, en CM1 ; ce seul putain de sourire, je vous le donne en mille, le stylo a bavé. On aurait dit un clown fou, un genre de joker chauve. Ça, c'est le genre de trucs qui font croire au destin.

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