Mystère 3: Les grenouilles mangeuses d'homme

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Il y a des jours comme ça où il vaut mieux rester au lit.

C’est ce que François De Jourdan, vétérinaire dans la petite ville de Droche se disait, alors qu’il attendait de voir son psychiatre.

Aujourd’hui, il l’avait appelé en catastrophe pour un rendez-vous exceptionnel, mais ils se voyaient régulièrement depuis six mois, date à laquelle la femme de François l’avait abandonnée.

Ironie du sort, cette dernière avait quitté le domicile conjugale pour suivre le jardinier que François l’avait supplié d’engager.

Assit sur l’une des chaises de la salle d’attente, il se demandait comment il avait pu en arriver là. Il regarda ses vêtements, tachés de boue et passa la main sur son visage tuméfié, il n’avait même pas prit le temps de se changer.

Il comprenait le regard de travers que lui avait lancé Madame Honnette en entrant dans le centre, il ne ressemblait à rien.

— François, excusez moi du retard, c’est la folie cette après-midi. Enfin je veux dire…Allez-y rentrez, lui dit le psychiatre en lui montrant son bureau.

— Merci de me recevoir Docteur Daniel, répondit François en prenant place.

— Alors, que vous arrive-t-il ? Mon assistante m’a dit que c’était urgent, que vous étiez paniqué.

— Oui. Il m’est arrivé quelque chose d’horrible docteur et j’ai peur d’avoir totalement basculé.

— Racontez moi, je vous écoute, demanda le docteur Daniel tout en prenant un calepin.

— Très bien. Tout a commencé ce matin, alors que je sortais tranquillement de chez moi. Mon voisin m’interpela alors pour me demander si j’avais écouté la radio. Je lui répondi que non. Il m’expliqua ainsi qu’une sorte de black out avait eu lieu cette nuit et que de nombreux journalistes rodaient dans les environs. Il est vrai qu’en y repensant, j’avais étonnamment bien dormi alors que, comme vous le savez, je suis en proie à des insomnies depuis quelques mois.

D’ailleurs, vous avez entendu parler de cela? Il parait que notre ville a été coupée du monde cette nuit ? Étrange… Bref, je le remercie de l’information, même si je reste incrédule, et prends la route du cabinet vétérinaire. C’est alors que je fus frappé par le nombre de camions militaires croisés sur la route et je n’étais pas au bout de mes surprises puisque le parking du centre était rempli au maximum et les gens patientaient déjà devant la porte d’entrée avec leur animal. Cela n’était jamais arrivé. Lorsque le secrétaire d’accueil ouvrit les portes, j’eus l’impression d’assister aux soldes, tout le monde se bousculait ! Heureusement notre cabinet regroupe en tout trois vétérinaires car à moi seul, je n’aurais pu recevoir l’intégralité des personnes de notre petite salle d’attente, mais aussi débout dans le couloir.

Jusqu’à treize heures, sans interruption, je vis défiler toutes sortes d’animaux: du chien au hamster en passant par les perroquets mais tous avec les mêmes symptômes, une extrême anxiété donnant lieu à des comportements étranges. Je repense notamment à cette souris blanche qui ne courait plus à l’intérieur de sa roue mais à côté! Je ne savais même pas que cela était possible.

Bref, une matinée bien chargée mais j’avais, la semaine précédente, posé mon après midi donc j’allais pouvoir souffler ensuite. À treize heures trente je quitte le cabinet et décide d’aller manger dans le petit restaurant ouvrier, en face. Je m’assois, tranquillement, et consulte la carte. Jusque là, rien d’anormal. Mais alors que j’hésitais entre les pâtes bolognaises ou une entrecôte, un mouvement sur le rebord de la vitre près de moi attire mon attention. Quelle ne fut pas ma surprise de voir une grenouille, ses deux pattes avant ventousées à la fenêtre et elle croassait en me regardant. Interpelé par cette situation cocasse, j’ai tapé légèrement sur la vitre pour voir sa réaction. C’est alors que le petit batracien fut rejoint par deux autres congénères qui posèrent à leur tour leurs pattes contre la fenêtre, puis encore deux autres et deux autres. Elles se mirent toutes à croasser en cœur si bien que j’ai du demander un changement de table pour ne pas être importuné par leur cri. Vous savez quel niveau de bruit que peuvent atteindre ses petites bestioles?

— Euh non, mais j’imagine que cela devait être gênant, certainement, rétorqua le psychiatre d’un ton hésitant.

— Alors, je mange, tout se passe bien, je règle et je sors en direction de ma voiture, restée en face sur le parking du cabinet. Au bas mot, j’avais cinq cent mètres à parcourir, pas plus. Donc je marche, nonchalant, quand soudain, j’entends un croassement. Je crois rêver, alors je fais mine de n’avoir rien entendu, mais j’en entends encore un autre. Je me retourne et là, je vois une grenouille qui bondit vers moi. Mignon. Sauf qu’elle fut rejointe très vite par une dizaine de grenouilles sautant dans ma direction. Je presse le pas, cherche mes clés et surtout, essaye de me résonner : non ces grenouilles ne sont pas après toi, mais je réalise alors qu’elles ne sont plus dix mais vingt à présent à se diriger vers moi en croassant ! Bon, les grenouilles ne me font pas peur, mais avouez que c’est bizarre. J’ouvre ma porte, entre dans ma voiture, démarre et quitte le parking à la hâte.
Une fois chez moi, j’oublie l’incident et enfile ma tenue de jardinage car comme vous le savez…Je n’ai plus de jardinier. Il faisait beau et je pensais que c’était le temps idéal pour nettoyer le bassin à poissons de ses feuilles mortes. Guilleret, mon épuisette à la main, je parcours le jardin jusqu’au point d’eau et commence ma besogne.

Bien qu’il fasse beau, l’herbe était toujours mouillée et je devais être très précautionneux pour ne pas glisser sur la terre boueuse autour du bassin. Soudain, je vis plusieurs yeux globuleux au fond de l’eau et dans mon champs de vision à gauche, des formes bougèrent : des grenouilles, encore. D’un seul coup elles se mirent toutes à croasser et à bondir hors de l’eau. Surpris, j’eus un mouvement de recul et mes pieds glissèrent sur la boue, me retrouvant ainsi à plat ventre. Là, sans que j’aie eu le temps de réagir, elles se ruèrent sur moi et me donnèrent des petits coups vifs sur le visage avec leur langue poisseuse !

Tac, tac, tac, mima François en tapotant ses joues.

— Vous me dites que des grenouilles vous ont agressé à coup de langue ?

— Mais regardez, regardez, les marques sur mon visage ! Renchéri François en montrant les petites traces rouges recouvrant sa peau. Je vous jure, elles se sont acharnées sur moi et même quand j’ai réussi à me relever, elles s’accrochaient à moi avec leurs sales petites ventouses et croassaient de plus belle ! J’ai couru dans tous les sens en secouant mes vêtements pour les faire toutes tomber et j’ai appelé votre bureau. Voilà pourquoi je suis débraillé.

— C’est cela oui. Bon et bien on va changer le dosage de vos médicaments je pense.

— Vous croyez docteur ?

— Vous venez de m’avouer vous être fais attaquer par une bande de grenouilles.

— Oui mais pas une petite bande, à la fin elles étaient au moins cinquante!

— Bien bien bien… Tenez votre ordonnance, tout devrait revenir dans l’ordre d’ici quelques jours. Vous devriez prendre un peu de repos aussi, fini le psychiatre en reconduisant son patient vers la sortie.


François De Jourdan était soulagé, son traitement ajusté, il irait mieux. Le cœur un plus léger, il se dirigea vers la sortie.

— Mais qu’est ce que c’est que cela ? Hurla Madame Honnette.

Cette dernière regardait vers la rue. François s’avança vers elle, intrigué par sa réaction, mais aussi car il ne pouvait sortir que par là. C’est avec horreur qu’il constata que les cinquante grenouilles étaient en face de lui, sur le trottoir, juste à quelques mètres. Toutes en ligne et tournées vers l’entrée du centre. Soudain, la camionnette d’un cirque se gara et deux hommes en sortir avec plusieurs grandes caisses qu’ils posèrent au sol. L’un d’eux cria une phrase dans une langue inconnue et toutes les grenouilles rentrèrent spontanément dans les caisses. Avant que ces hommes repartent, François se précipita à leur rencontre.

— Bruno, eh, Bruno, regarde le celui là ! ria l’un d’eux en voyant François.

— Ah toi tu t’es fais claquer par nos grenouilles, s’exclama le second en pointant son visage.

— Mais oui. Expliquez-moi ! Qu’est-ce que tout cela veut dire, elles m’ont suivi !

— Nous faisons partie du cirque arrêté ici pour trois jours et l’un de nos spectacles est « Les grenouilles mangeuses d’homme ». En fait Robert, ici présent, les a dressés pour réagir à des sons spécifiques et aux couleurs. Mais il s’est passé un truc apparemment cette nuit et elles se sont toutes enfuies! Expliqua l’un.

— Ce sont surement les vêtements que tu portes: ce t-shirt vert kaki et ce pantalon bordeaux. Pas de bol, c’est la combinaison à laquelle elles réagissent ! poursuivi l’autre en riant de plus bel.

— Pourriez-vous venir le dire à mon psychiatre car si c’est moi qui le fais, il ne me croira jamais.

— C’est ça oui! Tient, pour le dérangement ! lui répondit l’un des hommes avant de repartir.

— Deux tickets pour le show de ce soir…Super, fini François.

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