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Alors que je glandais tranquillement en sirotant un 33 au comptoir, un vieux type bizarre s’est installé pas loin de moi… T'aurais vu sa tête. Je ne l'avais jamais croisé ce mec. Déjà que j'avais l'impression de dénoter dans ce café à cause de mon âge, alors lui avec ses cheveux blancs, son visage maigre et ses joues creusées. Ses traits fatigués ne pouvaient pas trahir son âge. Son béret breton et sa chemise de bûcheron rouge et noir beaucoup trop large ne le mettaient pas en valeur. Je ne pense pas qu'il y avait la moindre réflexion dans le choix vestimentaire autre que le côté pratique. Il n'avait pas trop l'air bourré et ne cherchait pas de compagnie. Son regard était vide, un peu comme les caméléons.
Il était là. Personne n'y fait attention. Sauf moi. Mais qu'est-ce qu'il vient foutre là à perturber mes pensées et mon champ de vision.
C’était ma première sortie en célibataire depuis l'accord. La décision de changer de status avec ma compagne. J'avais accepté de passer du couple au couple libre. Elle n'avait pas attendu de m'en parler pour changer ce statut. Mais bon, au moins on a trouvé ensemble une solution pour sauver notre histoire.
Ce jour-là, c'était à mon tour de sortir pour rencontrer d'autres femmes et de profiter de cette nouvelle liberté. Mais cet artiste, avec son look de clodo à mes côtés, à part faire fuir les minettes, je ne vois pas ce qu'il pourrait m'apporter.
Je venais d'avoir 40 ans. Avec une petite dizaine de kilos en trop, j'espérai rencontrer quelqu'un et tout ce que j'attire, c’est ce type. Il n'a même pas l'air sympa, je n'ai même pas envie de lui adresser la parole même pour lui sortir quelques banalités. En fait, il m'angoisse, car il me renvoie une image de moi à ce moment-là que je n'ai vraiment pas envie de voir. C’est clair que je n'avais pas envie de le voir là. Moi non plus, je n'avais pas envie d'être là à ressasser les mêmes questions et essayer de comprendre pourquoi et comment j'en étais arrivé là. Éplucher les quinze dernières années de ma vie en quête d'indices pour essayer d'y comprendre quelques chose. Je fus sorti de mes pensées par le barman qui me tendait une bière en pointant de son autre main le zonard qui en profite pour approcher son tabouret du mien.
Et merde. Je vais devoir y faire face.
Merci l'ami, mais fallait pas vous sentir obligé. Son regard avait changé, ses pupilles s'étaient ouvertes au maximum. Il était tellement près de moi que je ne pouvais plus voir autre chose que son visage et ses cheveux blancs. Son regard malaisant me rappelle le stupide chat de mon ex quand il venait se planter devant moi et se figer en plongeant ses yeux dans les miens. Sans battement de paupières. T'imposant à faire pareil. Qu'est-ce qu'il cherche, qu'est-ce qu'il me veut. Il ne dit rien, mais n'en pense pas moins. Ça me donne l'impression d'être devant une porte futuriste dont la serrure à reconnaissance rétinienne éprouve des difficultés pour m'identifier.
Le vieux, j'aimerais le dégager d'un geste de la main, comme quand j'en ai marre de jouer avec le chat. J'y pense, fort, très fort, … Cette fois, j'ai l'occasion de m'affirmer, je vais me lever et m'en aller. Je saisis le verre et lui tends.
C'est vraiment sympa de votre part, mais je ne suis vraiment pas d'humeur pour blablaterer ce soir, je préférerais rester seul.
Wais c'est ça, t'as raison. Rester seul, comme moi. C’est réellement ça que tu veux ?! Prend ta bière, et bois-la. Une chope, ça ne se refuse pas !
Et merde, encore une fois, je me retrouve à faire un truc que je n'ai pas choisi. À contre cœur, je porte le verre à ma bouche et en avale une bonne gorgée en reposant mes fesses sur le tabouret. Je n'ai décidément aucune force de caractère. Le soutien de son regard ne se relâche pas d'un soupçon.
Maintenant, tu fermes ta gueule et tu m'écoutes. Il sort son paquet de clopes, m'en offre une que je n'ai même pas eu l'idée de refuser. Les étincelles des briquets aluminèrent son visage comme l'aurait fait un stroboscope.
Son visage sous ces flashs était encore plus hideux.
J'ai une question à te poser. Mais réfléchi bien avant de répondre…
Comment serait la femme de tes rêves ou plutôt comment serais-tu si tu étais la femme de tes rêves?
Putain, mais c’est quoi ce bordel.
C’est pas un bordel, quoique, c'est peut-être la question la plus importante de ta vie, alors réfléchi.
Il vida sa chope avant d'aller faire un tour du côté des chiottes.
En revenant du fin fond de la taverne, il me félicita. C'est bien t'es toujours là.
J'avais bien évidement voulu lui fausser compagnie, mais quelques choses de bizarre m'en a empêché.
Alors, t'as réfléchi ?
Non, pas vraiment. T'imagines la situation, c'est gênant à mort. Ce cadavre sorti de nulle part vient de sauter à pieds joints dans la merde dans laquelle je me trouvais.
Clair. Et alors, …
Alors… J'ai vidé mon verre et demandé au barman la même chose.
Quelques tournées plus tard, j'ai commencé à me lâcher.
Tu sais, la situation que je traversais allait influencer mes réponses.
Les bières aussi !
Ben wais…
Si j'étais la femme que je voudrais pour moi…
Faudrait qu'elle soit belle et intelligente.
Un classique. C’est ce que tout le monde veut. T'as pas mieux ?
Faudrait qu'elle aime faire l'amour.
Déjà plus intéressant…
Wais, faudrait qu'elle ait tout le temps envie de moi.
Sympa.
Mais vraiment tout le temps. Qu'elle ait le feu au cul, une vraie chaudasse.
Cool, …
Si j’étais ma femme, je me sucerais tout le temps. Sans jamais me lasser. Je ne me dirais jamais non, je serais toujours partante pour de nouvelles expériences.
Bravo, mais encore.
J'aurais la peau si douce, qu'il ne saura plus jamais poser les mains sur une autre tellement ce qu'il ressent à mon contact est puissant.
Je serai une véritable nymphomane, une insatisfaite permanente qui en veut toujours plus.
Je saurais l'exciter à n'importe quel moment, situation et endroit.
Il bandera juste en me regardant, je le ferai jouir encore et encore plus fort. De manière exponentielle. À mes côtés, le pouvoir des drogues lui paraîtra ridicule tant je le ferai planer haut et fort. C’est même plus du planage, c'est de la mise sur orbite. Et même complément défoncé, je continuerai de me doigter pour le maintenir là-haut le plus longtemps. Sa bite sera mon unique centre d'intérêt, le but de ma vie.
Va-y, continue, ça devient intéressant.
Je serai hyper-ingénieuse et aurai de nouvelles idées, de nouveaux défis pour ne jamais la lasser, et toujours la surprendre. Il n'y aurait aucune limite, juste l'obsession d'aller de plus en plus loin dans la recherche du plaisir charnel.
Ouah, ça c'est de la réponse.
Mais bon, on peut toujours rêver, non ? Ce ne sont que des mots, si ce genre de femmes existaient ça se saurait non ?
Lol, attends, je vais pisser. J'en peux plus.
En revenant des chiottes, le vioc s'excuse. Désolé, j'ai été un peu long. Je n'ai pu ne pas me branler. Ça fait longtemps qu'on ne m'avait pas titillé aussi bien. Sincèrement, c'est une pute que tu veux ?
Non du tout, je veux qu'elle soit motivée par l’amour et non par l'argent !
Le pire, c'est que t'es sérieux, me dit-il. T'es vraiment un binamée, je t'aime bien tu sais.
Ça me fait une belle jambe, je voudrais pas te paraître maladroit ou impoli, mais si je suis là ce soir, c'était pour trouver un plan cul. Et pas me retrouver à exciter un vieux plouc en manque d'inspiration pour se branler.
Écoute mon gars, comme je te l'ai déjà dit, je t'aime bien. Et je ne vais pas être chien ce soir. Tu t'es ouvert à moi sincèrement, je ne peux qu'aller dans ton sens. Tout ce que tu veux sera réalisé à une condition.
Quel mytho, c'était quoi la condition ?
Tu ne vas pas me croire, mais je ne m'en rappelle plus!
Oh non, putain, elle est nulle ton histoire!
Wais, carrément.
Et t'as chopé ce soir-là ?
Nenni, par contre un mois après, j'ai trouvé un appartement, j'ai quitté ma femme et j'ai retrouvé ma liberté !
Allez, trinquons! Garçons, on pourrait avoir la même chose s'il vous plaît ?
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