13. Je m’occupe de tout !

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Partout où je regarde, je vois de la tristesse, de la peine, des larmes… et parfois même de la colère ! Celle qui semble le plus touchée c’est ma tante Syndra. C’est elle qui l’a connu le plus longtemps. Elles ont le même âge. Elles ont grandi ensemble depuis le début. Depuis le commencement de leur vie. Elles étaient jumelles !

Depuis, elle reste enfermée dans sa chambre. Doluscita dit qu’elle souffre beaucoup, mais aussi qu’elle veut nous éviter de souffrir, car son visage nous rappelle trop celui de notre mère. Ma sœur a sans doute raison. Ma sœur ainée a toujours raison ! Elle est intelligente. Pas comme moi ! Moi je dis souvent des bêtises. Et je ne sais pas me contrôler. J’ai dit des choses horribles à mes sœurs. J’ai dit que la mort de maman ne les touchait pas, car ce n’était pas leur vraie mère à elles. Mais tante Syndra m’a expliqué qu’elles aussi aimaient ma mère, comme la leur. Et puis que c’était la deuxième fois qu’elles perdaient une mère ! Tante Syndra dit que je dois apprendre à me mettre à la place des autres. Comme ma mère, elle est très gentille… C’est moi la méchante. Mais c’est aussi moi la plus petite. J’ai eu 12 ans il y a quelques semaines… Mais aujourd’hui, je n’ai plus de maman…

Sivelda referma son petit journal d’un coup sec et se remit à pleurer. Ses sanglots étaient saccadés et bruyants. Elle se fichait que l’on puisse l’entendre pleurer, au contraire. Depuis que sa mère l’avait quittée, plus rien n’était pareil. Son père ne souriait plus, ses sœurs restaient dans leur chambre et n’en sortaient que pour leurs cours d’histoire, de couture et autres choses importantes que devait connaitre et savoir faire une princesse digne de ce nom. Même sa sœur, si forte, semblait vouloir mourir de faim. Alors qu’elle était le centre du monde avant, aujourd’hui elle se retrouvait seule, avec son journal intime. C’est sa maman qui le lui avait offert. Elle se rappelait qu’elle n’en voulait pas. Ce qu’elle voulait, elle, c’était avoir un gros lézard avec des ailes. Son père avait ri à gorge déployée quand elle l’avait avoué. Celui-là, alors ! Tout était prétexte à rire et à s’amuser pour lui ! Oui, il aimait rire. Il aimait plaisanter. La plaisanterie que sa maman préférait se rappelait-elle, c’était quand son père disait qu’il était énorme, car il prenait des kilos de bonheur chaque fois qu’il avait une nouvelle fille. À son tour sa maman riait. Pas d’une voix grave et bruyante, mais d’une voix mélodieuse, cristalline, comme si ses rires étaient de magnifiques chansons jouées par les Dieux eux-mêmes.

C’était la première fois que Sivelda écrivait dans son journal. Elle ne se doutait pas à ce moment-là qu’elle aurait encore beaucoup de choses à y écrire.

Alors que ses pleures se transformaient en cris de désespoir, Sivelda sentit une main se poser sur son épaule. Elle sursauta et se retourna. Quelqu’un s’était assis près d’elle. Ce visage, ce parfum !

« Maman ! cria-t-elle. Ce n’était qu’un horrible cauchemar ? »

Blottis contre la poitrine d’une jeune dame, les sanglots laissèrent la place à un rire de soulagement.

« J’aurais dû m’en douter, je suis trop bête quand même. Tu n’aurais pas pu avoir un accident de cheval ! Tu les aimes trop ! »

— Et pourtant ma petite Sivelda, c’est bien ce qui s’est passé.

La petite s’écarta brusquement.

« C’est moi voyons ! Ta tante. Tatinette Syndra. »

— Tatinette ? demande-t-elle surprise.

— Je passais près de ta chambre quand je t’ai entendu pleurer. Alors je suis venue pour essayer de te consoler.

— Tu sens comme maman !

— Ha ! C’est donc pour cette raison que tu m’as prise pour elle. Je suis désolée. Je me suis mis un peu de son parfum. Elle me manque tellement, vois-tu ? Alors je n’ai pas su résister.

Le visage de Sivelda était de nouveau baigné de larmes tandis que sa tante la prenait dans ses bras.

« Je sais que c’est difficile, mais j’ai pris une décision importante aujourd’hui. »

Elle écarta doucement sa nièce pour la regarder dans les yeux. Des yeux semblables à ceux de sa mère. Et aux siens ! Des yeux fins et rieurs, avec une couleur rare, semblable à de l’ambre.

« Ma sœur n’aurait pas voulu voir sa famille détruite par sa faute. »

— Ce n’est pas sa faute ! cria soudainement Sivelda.

— Ce que je veux dire, c’est qu’il est temps qu’on se reconstruise. Toi, moi. Ainsi que ton père le roi et tes sœurs. Ce n’est qu’en reprenant notre vie en main que nous pourrons faire honneur à la mémoire de ma chère sœur. Tu comprends ?

— Non je ne comprends pas !

— Ce n’est pas grave. Je m’occupe de tout.

Syndra plaqua sa nièce contre elle, lui caressant ses cheveux dorés, tout en répétant sans cesse la même phrase : « Je m’occupe de tout. Je m’occupe de tout… ».

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