Partie 05

6 minutes de lecture

Allongé entre les draps, je n’avais aucune gêne au fait d’être nu en l’observant. Mon cœur et mon âme, pour la première fois depuis ce qui me semblait une éternité, était en paix. Lui, il observait le feu dans l’âtre. Il avait glissé une fine chemise qui me fit penser que nous devrons aller lui faire acheter quelques tenues, les miennes sont trop petites. Sa mâchoire carrée m’offrait l’un des meilleurs profils sur son être. Lentement, mes doigts glissèrent pour se saisir d’un vieux carnet à croquis. Fusain en main, je commençais alors à le dessiner. Le vent nocturne qui faisait vibrer les branches étaient le seul son avec celui du feu crépitant. Moi, je me sentais juste en phase avec cette situation. Nous nous étions retrouvé, et comme toujours : il allait réfléchir sans un mot après que nous nous fûmes aimés. Si j’avais pu craindre que le Démon ne me dupe, j’étais certain que mon Ximo était bien le même.

« Qu’attends-tu de moi Natan ? » me demanda-t-il soudainement.

Je sursautais à la voix rauque, au ton cassant. Et, levant les yeux vers lui, son regard émeraude était dardé sur moi. Ces yeux étaient…vides ? Non. Je me laissais happer par cet océan vert et je distinguais de la passion, une violence contenue, un besoin aussi. Mon Joaquim n’a pas changé, oui. Alors, je souriais.

« Rien Ximo. Tu ne peux que rester avec Moi après tout. Que te demanderais-je de plus ? »

Oui… Il ne peut pas partir car il est là grâce à Moi. Jamais il ne partira, il m’est lié désormais. Mon crime est le crime de sa résurrection. Faisant glisser mon corps hors du lit, les draps tombent au sol et je m’avance vers lui. Lentement, je laisse mes doigts glisser sur sa peau. Le corps du voleur doit pourrir dans le laboratoire, mais je n’en ai plus besoin. Et l’orage a causé un grave incendie en forêt dans les contrebas… Personne ne le cherchera ici. Un Ange est mort, sacrifié au Démon, afin que l’Homme renaisse. Je trouve cela si beau…

Aussi, mes lèvres viennent capturer celles charnues de Joaquim. Je me glisse à califourchon sur lui, mes genoux callés entre sa silhouette et les rebords du fauteuil. Mes bras vinrent enlacer son cou. Il répondait, ne me repoussait pas. Ses mains dansaient dans le bas de mon dos, effleuraient ma chute de reins. Sa langue entamait un ballet endiablé avec la mienne, me tirait un soupir guttural.

Alors, il a finalement compris ? Avant, il m’aurait repoussé, il aurait hurlé à l’indécence de ma nudité face à sa tenue. Il aurait dit que je n’étais qu’un vil tentateur. Puis, il m’aurait prit sauvagement en proie à sa passion et son dégoût personnel, sa tourmente. Mais il savait que désormais, il n’avait plus rien à attendre de ce « Dieu ». Qu’il n’avait plus qu’à me laisser l’aimer, le choyer. Il est mon bel oiseau. Lascif, nos désirs se frôlaient. Lorsque j’entrouvris les yeux, je vis son visage avec des mèches collant un peu sur son front. Ses lèvres entrouvertes laissaient échapper un soupir suave. Ses yeux clos alors que son cou était offert à ma bouche pour quelques suçons. C’était une félicité de le voir se laisser aller, j’en avais tant rêvé. Qu’il se donne à moi, et cesse d’observer les autres…

Ce soir-là, nous nous étions encore aimé. Ce soir-là, je le fis mien et laissait ma marque sur sa peau. Plus rien ne pourrait désormais nous séparer… Aussi, lorsque je le vis absent au réveil, ma colère augmenta et je quittais la chambre en furie. Mon souffle était inconstant à cause de la course dans les couloirs de marbre froid. Mon corps se stoppa lorsque je le vis dans la salle d’eau. Il terminait de revêtir un vieux costume de majordome qu’il avait dû trouver dans un quelconque placard. Ses mains calleuses vinrent nouer sa chevelure désordonnée alors que mon cœur retrouvait un rythme plus apaisé. Son air tendre quant il se retourna m’était presque étranger mais si agréable.

« Tu m’offres une nouvelle vie… Te servir est le moins que je puisse faire, non ? »

Un goût salé sur mes lèvres me fit prendre conscience que des larmes de joie s’écoulaient de mes iris. Lorsqu’il me prit contre lui, je me laissais aller à ses bras. M’accrochant à son vêtement, alors qu’il me portait comme si de rien n’était. Je remarquais vaguement une coupure sur son visage, qu’il avait rasé, mais je dus l’imaginer car le temps d’y poser la main, il ne restait rien de cette vision. Riant, porté comme un trésor, je vins à lui dire :

« Je t’ignorais aussi fort, Ximo !

— Que veux-tu… Je suis plein de surprises. »

Lui aussi riait. Dans ce cocon, notre quotidien me semblait désormais si beau. Oui, je me fiche d’aller en Enfer le jour venu tant que je peux vivre ces moments. Les jours passèrent. Il reprit les tâches de Niña, et s’occupa des villageois en leur affirmant que cette-dernière avait disparue en partant justement à la recherche d'Angel. Leurs disparitions furent mises sur le compte de ce violent orage, et de l’incendie qu’il déclencha. Je pris en charge les funérailles, et Joaquim resta à la demeure. Oui, j’imagine qu’il ne veut plus approcher le domaine de Dieu désormais.
Le temps filait. Je savourais chaque instant. Plutôt que de prendre une nouvelle personne pour les livraisons, Joaquim s’en chargeait. Je l’avais suivi au début, ne voulant pas qu’il porte attention à d’autre. Mais mes craintes s’étaient tues : avec eux il était glacial et si tendre avec ma personne.
Pourtant, un soir où mon sommeil fut agité, je remarquais son absence à mes côtés. Intrigué, je l’avais cherché. Il écrivait, et lorsqu’il me vit m’empêcha de voir ce que cela était.

Je sentis le poison de la crainte, le poison de la confusion, se déverser dans mes veines. Il me cachait quelque chose. Quand je lui parlais de ces courriers, il m’affirmait que ce n’était que des demandes de marchandises pour mon confort. Je n’arrivais plus à analyser son regard. Je refusais toutes visites, et je voulais lui interdire d’aller ailleurs. Mais sa force était écrasante et je compris, lorsque je le cognais avec un vase dans ma haine, l’horreur de mon erreur. Sa plaie se résorba, le sang fut absorbé par sa chair et la douleur lui était inconnue. Mais j’avais tellement besoin de lui ! De là, je me laissais aller à mes colères, mes craintes. Je l’aimais autant que je le violentais. Hurlant, sentant mon âme se perdre.

Des mois s’écoulèrent ? Plutôt des années. Aujourd’hui, j’observe le ciel orageux depuis mon balcon. Ma peau est ternie, mon regard lointain. La folie à envahit les portes de mon esprit. Le sang macule mes mains, mais je suis le seul à voir ce rouge sombre. Je suis richement vêtu, mais je sens la Mort. Mon visage cireux, mon corps amaigri qui a perdu le goût pour la nourriture et le sommeil attend son jugement. En contrebas, les villageois qui traverse la sublime Fageda d’en Jordà, torches allumées. Derrière-moi, je sens sa présence. Je le vois me servir le thé, dans cette tenue de majordome. Son visage n’a pas changé, et son sourire victorieux comme autrefois est de retour alors qu’il s’adosse contre la rambarde. Les bras croisés, amusé par cette foule hurlant à la mort de l’hérétique.

« Ils sont bruyants, n’est-ce pas Natan ? Tu sais… Les démons ne donnent jamais rien sans rien. Enfin, c’était amusant de jouer avec toi. Je me demande qui sera le prochain. Tu as été divertissant : je t’en remercie. »

De quoi parle-t-il ? Je tourne difficilement mon visage vers lui. Le bleu de mes yeux étant devenu d’un fade proche du gris. Ses beaux iris vert ayant disparus pour un regard plus félin, d’un rouge sanglant. Je connais ce regard, et je comprends alors. Mes yeux s’écarquillent, et alors qu’il s’en va, je tente de me lever. Mon corps atrophié en souffre et je choie au sol. Sa silhouette disparait en direction du laboratoire, un simple index sur ses lèvres alors que son souffle me porte un « chut » d’une voix différente. Je sens mon cœur et mon âme s’écrouler en morceaux, alors que des flèches de feu et des torches incendient lentement ma demeure. La fumée s’empare du manoir, et les flammes font s’écrouler l’endroit où je suis. Dans ma chute, dans ma lucidité, je ne vois que l’orage qui éclate et n’entends que son rire.

« Pe…hiros. »

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Lou Ainsel ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0