Notes 3
Notes du Marquis en date du 25 septembre 1995 :
"Ericson Parker était un homme bon et il fut l'un de mes plus proches amis. Notre rencontre fut à l'image de notre future amitié: chaotique, hasardeuse et empreint de violence.
Un après-midi de 1972, je remontais les rues sinueuses de San Remo à la frontière italienne. Un soleil de plomb s'était chargé de faire rougir ma nuque et ployer mes épaules. Je m'arrêtais dans le coin ombragé d'un porche et, alors que je farfouillais dans ma besace à la recherche d'eau, la porte s'ouvrit violemment. Un grand brun à moitié défroqué sortit en trébuchant de l'habitation. D'un regard, il jugea mon teint écarlate et ma respiration sifflante tandis que j'avisais sa chemise défaite. Un large sourire rehaussa sa moustache fournie et dans un italien approximatif gâché par un fort accent américain, il me demanda mon prix pour l'aider à échapper à un mari jaloux. S'ensuivit des heures de course effrénée, une échauffourée plutôt musclée et plusieurs litres d'alcool. Et se fut presque toujours ainsi que vécu Ericson Parker.
J'ai gardé une de ses lettres. Celle-là en particulier, je ne peux pas m'en défaire. Il l'a écrit du Guatemala, alors qu'il séjournait au sein d'une communauté étrange qui refusait d'émettre le moindre son. Au quotidien, le bruit était prohibé et la communication ne s'effectuait que par signes et écrits. Ce peuple prêtait au moindre murmure un pouvoir destructeur.
Ericson n'est jamais revenu de son périple en Amérique Centrale.
Peut-être est ce pour cela que je garde précieusement cette dernière missive. Peut-être.
J'ai cherché mon ami longtemps. Je n'ai jamais trouvé trace de lui, ni de ce peuple étrangement silencieux."
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