Jour J. Ma mère n’est pas rentrée hier soir, E. l’a donc bien enfermée quelque part sans que je ne puisse l’aider. Mon sac est presque vide, je ne prends que quelques affaires nécessaires pour prendre des notes, si j’ai le courage de me rendre en cours. Ce n’est plus ma priorité, mais je sais que je ne pourrais pas être indéfiniment absent sans justificatif, surtout avec un tel proviseur qui veut me faire la peau et celle de Sophie.

 Le bus n’est pas plus agréable qu’habituellement. Il y a toujours autant de monde, je suis encore plus sous la pression et le temps s’écoule lentement. Je descends à mon arrêt et me dirige vers l’entrée en traînant des pieds. Je me fonds dans la masse d’élèves qui se rendent à l’intérieur des salles de cours, sans pour autant les suivre. Je traverse la cour jusqu’à l’arbre des légendes. Sophie est déjà en dessous, la mine triste.

 Je m’approche d’elle et la vois me serrer dans ses bras fortement. Elle me chuchote à l’oreille que c’est la dernière fois qu’on se voit.
— Comment ça, Sophie ?
— Tu vas me tuer, je le sais.
Je n’ai pas le temps de dire quoi que ce soit qu’elle enchaîne.
— Il est temps pour moi de t’expliquer de nombreuses choses sur ce monde. Assieds-toi, nous aurons besoin d’un peu de temps.

 Nous nous asseyons tous les deux dans l’herbe. Elle m'avoue qu’elle sait tout pour mes échanges avec E., mais qu’elle n’a aucune idée de la personne qui est derrière ce pseudo. Je suis subjugué. Il est impossible de parler de quoi que ce soit sans qu’elle ne soit au courant. J’apprends que sa dague lui a permis d’obtenir un pouvoir également : celui de voir un avenir proche. C’est comme ça qu’elle pouvait me guider avec le grillage, me dire d’utiliser la mienne. Enfin, il m’est possible de voler son pouvoir en mettant fin à sa vie avec ma lame, je peux assassiner n’importe quel porteur pour lui subtiliser ses capacités.
— Tu sais quelle mort je souhaite.
— Mais je ne veux pas te tuer.
— On ne peut pas aller à l’encontre du futur qui est écrit. Je me vois mourir par ta main, ici, maintenant. Tu dois continuer notre quête seul, mon amour. Je suis désolée.
— Mais je voulais trouver une solution…

 Il n’y en a pas. Je dois accepter de lui ôter la vie et je le sais. Avant de se relever, elle m’apprend également que la personne qui me menace est probablement en capacité de posséder les êtres faibles, sans pouvoirs. Le principal pourrait donc être E., ou simplement manipulé par ce fou. Je me lève à mon tour et m’approche de Sophie pour l’embrasser. Elle attrape ma main, y dépose un objet avant de coller son corps au mien. Dans un dernier souffle, elle chuchote ses adieux. Je n’ai rien pu faire, je n’ai pas pu réagir, elle a enfoncé ma dague dans son corps en manipulant ma main. Ses yeux se ferment et son cadavre tombe au sol, une flaque sanglante se formant doucement. Les larmes coulent le long de mes joues, j’ai perdu l’une des personnes les plus importantes de ma vie. J’ai perdu Sophie, J’ai perdu Sophie, il n’y a pas de retour arrière possible.

Flash. Une fille, brune, dans la brume. Flash. Elle se rapproche. Son visage est près du mien. Flash. Écran noir. Plus aucune vision, mais une voix lointaine qui se rapproche.
— Tu n’es pas encore prêt, James.
Fin du flash, je m’écroule au sol et perds conscience.

பிற்பாடு

 Je me réveille chez moi. Je ne suis plus au lycée, pourquoi ? Je suis pourtant convaincu de m’être évanoui là-bas. Ai-je rêvé ? Impossible, il est onze heure vingt. Je vérifie mon téléphone, mon alarme a bien sonné et je ne l’ai pas manquée. Tout ceci était bien réel.
Félicitations, James.
Sophie n’est plus et tu as obtenu son pouvoir de vision. Il est temps pour moi d’éclaircir plusieurs points sur ce monde. Des points que tu ignores.
Certaines personnes possèdent une certaine affinité avec la magie, comme tu as pu le remarquer. Celle-ci repose dans des dagues impossibles à repérer. En effet, si tu ne décides pas volontairement de la montrer à quelqu’un, celui-ci sera incapable de l’observer.
Ainsi, tu ne peux pas me reconnaître par la seule recherche d’un réceptacle de pouvoir. Pourtant, je fais bien partie du même lycée que toi. C'est pour ça que je suis infiniment heureuse de savoir que cette peste de Sophie est enfin morte.
Je t’ai vu tomber au sol après son assassinat. J’ai décidé de te raccompagner chez toi et de nettoyer le carnage. Personne ne retrouvera son cadavre, je te le promets.
Enfin, tu peux le remarquer à mon écriture, je viens de te révéler que je suis en réalité une charmante demoiselle. Je ne suis donc pas ton proviseur, désolée de te l’apprendre ainsi. Ta maman se porte bien, je l’ai libérée ce matin. Elle ne sait rien de moi ni de l’endroit où elle était gardée prisonnière, inutile de lui demander quoi que ce soit. Je me suis assurée également qu’elle ne te pose pas de question fâcheuse.
En réalité, je crois qu’elle est persuadée d’être restée tard tous les soirs au travail et d’avoir décidé de dormir à l’hôtel. Voilà un bel indice sur mes capacités, n’est-ce pas ?
Mon projet est spécial, James. Tu es spécial, aussi. Tu t’en rendras rapidement compte, mais ton potentiel surpasse de loin celui de Sophie. En parlant de ce cadavre, je dois te révéler un de ses secrets. Pour avoir longuement échangé avec elle en lui révélant volontairement ma dague, j’ai pu saisir l’étendue de son pouvoir. Elle sait depuis le début de votre relation qu’elle était vouée à mourir, alors elle a brusqué les choses, elle t’a poussé à acheter cette dague pour pouvoir te transmettre son savoir.
Merci pour ton dévouement, James. Je suis ravie de savoir que tu commences à prendre plaisir à jouer les justiciers à mes côtés.
E.

 Je ne sais plus quoi penser. Entre la tristesse d’avoir perdu une amie de longue date devenue ma copine, la peur de comprendre que le proviseur est un fou qui pourrait bien posséder une compétence hors du commun et les révélations sur E., je suis perdu. J’étais convaincu pendant tout ce temps que la personne derrière ce numéro était un homme. En réalité, il semble s’agir d’une lycéenne que Sophie côtoyait sans jamais douter d’elle. Peut-être même que je la connais, qu’elle fait partie de ma classe ? Tant de possibilités. Notre lycée n’a pas une parité parfaite mais il y a suffisamment de filles pour que je sois incapable de découvrir facilement la véritable identité de cette mystérieuse demoiselle. Ou peut-être est-ce le proviseur qui essaie de me faire croire que ce n’est pas lui ? Cette hypothèse me paraît probable.

 Maintenant, je dois le faire tomber.