Une rencontre bien étrange
(Cette semaine, j’écris une nouvelle inspirée de mon roman
mais aussi d’un défi que j’avais proposé sur Scribay sans y avoir participé.
Le sujet était simple :
Imaginer sa rencontre avec l’un des personnages qu’on a créé pour une de nos histoires.
Afin de travailler la personnalité de son personnage tout en imaginant notre propre ressenti de vivre une telle situation.
J’espère que cette nouvelle ne sera donc pas trop… inintéressante)
Installé dans mon fauteuil, devant l’ordinateur, je cherchais l’inspiration pour poursuivre mon récit. Difficile d’écrire certaines scènes pleines d’émotions, les mots doivent être bien choisit ainsi que les tournures de phrases. Jusqu’à présent, je me contentais d’écrire comme ça venait, laisser cours à mon imagination pour lui donner forme. Mais avec le temps, j’avais voulu m’améliorer, comme tout le monde, j’imagine ? Je me relisais donc souvent, à la recherche de la perfection même si mon niveau en était loin. Je ne me voilais pas la face, je savais écrire comme tout le monde et je n’avais pas la prétention d’être ou de devenir un grand auteur, même si l’idée me plaisait. L’espoir de percer ou simplement d’être lu et d’offrir du rêve à travers mon imagination, mon univers. Mais pour l’instant, c’était surtout un moyen de me libérer, de m’échapper de la réalité. Vivre des aventures à travers mes créations, ce n’était déjà pas si mal, non ?
Mes yeux piquaient devant la page blanche du logiciel. Il était tard, comme souvent je veillais bien tard en me promettant tous les jours de me coucher plus tôt pour mieux supporter les horaires de travail. Je me sentais partir, lentement, vers le sommeil. Jusqu’à ce qu’une main se pose sur mon épaule, me réveillant en sursaut.
Une femme d’une trentaine d’années, se tenait à côté de moi. La peau si claire qu’elle semblait être un fantôme. Ses yeux argentés me fixaient et son petit sourire étrange me mit mal à l’aise. Ses lèvres étaient un peu bleutées. Elle me rappelait quelque chose ou plutôt quelqu’un, ce qui ne pouvait être possible. J’imaginais donc m’être endormi et être à présent dans un rêve, créant ainsi cette scène via mon subconscient. Elle était petite comme dans mes souvenirs, avoisinant le un mètre cinquante ou cinquante-cinq. Elle tira une chaise pour s’y assoir, faisant onduler sa longue robe noir trouée à différents endroits, rongée par le temps. Elle me fixa de nouveau, ouvrant ses yeux en grand comme pour m’interroger. Je m’attardais sur ses cheveux d’un noir de jais sans le moindre reflet de lumière à sa surface, ceux-ci cascadaient autour de son visage tel des rideaux. J’apercevais à peine la tache dans le coin de sa joue et que je savais s’étendre dans son cou, une marque de brûlure que je lui avais imposé pour « plus de style ».
– Tu veux de l’aide pour la suite ?
Sa voix était comme un murmure, à peine audible et dépourvu de la moindre intonation. Je me remémorais le ressenti de Sven, un autre personnage, qui était toujours intrigué de l’écouter parler. L’étrange femme posa sa main sur mon avant-bras, m’apportant encore plus de questions que j’en avais déjà. Si tout ceci n’était qu’un songe, comment était-ce possible que cette sensation de froid lors de ce contact soit si réel ? Elle sembla comprendre ce à quoi je pensais et pouffa de rire.
– Tu te souviens avoir lu l’œuvre de quelqu’un d’autre ? Disant que l’imagination était un monde à part entière ? Et que tous les personnages imaginés y étaient présents ? Tu as même trouvé l’idée intéressante et tu as donc poursuivis la lecture, désireux d’en apprendre plus. Autant sur ce monde imaginaire que sur l’avenir des personnages du récit.
– Ben ouais, c’est le principe de lire une histoire, non ?
– Et ça te semble si fou que cette histoire puisse être réelle ? Enfin, que l’auteur ait imaginé un monde qui existe réellement, sans pour autant le savoir ?
– Genre, tu viendrais de ce monde ? Tu sais, Zenia, me dire que j’étais en plein rêve aurait été plus judicieux pour éviter que je me questionne.
– Tu m’as faite ainsi, à dire la vérité ou du moins une partie pour mieux manipuler les gens et parvenir à mes fins. Tu ne peux donc pas m’en vouloir, ça serait te contredire toi-même. Mais l’idée m’amuse, je l’avoue, dit-elle en souriant.
Je voyais ses dents mal agencées, j’avais voulu lui apporter plus d’humanité avec quelques défauts. Comme une dentition un peu mauvaise, des dents se chevauchant ou encore par son petit gabarit ou sa poitrine quasi-inexistante. Psychologiquement en revanche, je la savais complexe, me demandant donc ce qu’elle attendait de moi. Mais comment prendre au sérieux un personnage qu’on a inventé ? Comment ne pas penser que j’étais en plein délire ? Surtout qu’elle disait sortir tout droit d’un autre monde, d’un autre récit ne m’appartenant même pas pour justifier sa présence ici. Je ne pouvais que saluer mon imagination et mon subconscient, ce rêve était bien ficelé, un peu trop même.
– Parvenir à tes fins, hein ? Qu’attends-tu de moi ?
– La suite de l’histoire, pardi ! Tu m’as conçu avec des connaissances et l’explication de tout ton univers. Je suis un élément clé de ton récit, un peu comme le vieux, ce Ogard qui t’es utile pour expliquer des choses sur tel ou tel animal ou plante. Mais moi, à l’instar de ce personnage, je sais aussi ce qui m’attend car tu m’as créé dans un but bien précis. Quel mal y-a-t-il de vouloir atteindre mon objectif ?
– J’avais imaginé ton accent sans jamais l’écrire mais là que je t’écoute, je l’entends bien. Je devrais le préciser à l’avenir.
– Plait-il ?
– Quand tu parles, j’entends : la suite de l’histoirrrre, parti ! Tu as une prononciation différente de la mienne. Désolé, c’est hors-sujet mais ça m’amuse un peu.
Son regard me glaça un peu le sang. Elle avait ce don bien particulier d’être impressionnante malgré son poids plume. Son côté pâle comme une morte et les lèvres d’une noyée y jouaient pour beaucoup. Ou alors était-ce parce que je la connaissais ? Lors de sa première apparition, elle avait tué une créature, une goule : sorte de zombie, ancien humain irradié à la peau boursouflée et brûlée ayant pour seul but dans la vie de dévorer ce qui passe à sa portée. Sa seconde apparition ? On lui enfonçait un tournevis dans le bras sans même qu’elle ne bronche. Donc oui, je n’avais pas spécialement envie de la mettre de mauvaise humeur, rêve ou pas, je ne voulais pas que ça vire au cauchemar.
– J’ai la suite en tête. J’ai même un résumé de toute l’histoire sur un fichier. Tu veux le voir en attendant, pour patienter ?
– Je ne veux pas d’un résumé, je veux toute l’histoire ! Alors ouvre cette grande porte et envoies ces gens sans intérêt voir ce qu’il y a derrière. Qu’on entre enfin dans le vif du sujet ! C’est ma vie que tu écris… et celles des autres. Tu m’as créé, alors assumes et fais-moi vivre. Qu’importe ce qui nous attends, on en a besoin.
Elle leva la main pour pointer son index devant mon visage. Zenia afficha un autre de ses sourires dont elle avait le secret et nos regards se croisèrent.
– Et cette fois, pas d’excuse que tu as la flemme. J’espère t’avoir fais comprendre qu’on a besoin de toi. Et au diable si personne ne lit ton histoire ! Nous, nous voulons vivre.
J’ouvrais alors les yeux, le crâne douloureux car posé sur le clavier. Un petit filet de bave coulait sur le bureau, pas très glamour je vous l’accorde. Je me redressais lentement pour voir que l’écran de l’ordinateur était en veille. C’était donc bel et bien un rêve, pensais-je en souriant. Je tournais les yeux, attiré par un détail intriguant : un petit cristal presque transparent reposait sur la table, où Zenia avait posé son coude lors de notre discussion. J’avais appelé ça du Radz pour radiations cristallisées. Tout ceci n’était donc pas le fruit de mon imagination ? Sans trop avoir de réponse à cette question, je pris un instant pour éteindre mon ordinateur avant d’aller au lit, ressassant ce que je venais de vivre ou d’imaginer. Trop confus pour me faire un avis sur le sujet.
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