Aujourd’hui, Qelkax trottinait joyeusement en chantonnant une histoire à propos d’un troll, d’un elfe et de pommes. Un judicieux choix de chanson comme il se trouvait dans une forêt elfique. Le sentier qu’il suivait, se retrouva plus exposé au soleil car les arbres y étaient moins présents. Rapidement, notre gobelin perdit son entrain. En effet le soleil tapait fort et Qelkaz se retrouva en sueur. La langue qui pendait au coin de ses lèvres, il avançait plus calmement. N’en pouvant plus, il s’éloigna du chemin pour s’installer sous un arbre. Là, il faisait un peu plus frais. Le gobelin retira ses bottes pour laisser respirer ses pieds puants, il souffla de satisfaction et grignota une pomme avant de faire une petite sieste.

  Qelkax fut réveillé en sursaut par un bruit assourdissant. Il bondit sur ses pieds, serrant ses doigts griffus sur sa dague. Autour de lui, la forêt avait laissé place à un champ de bataille. D’un côté, des humains en armures avec d’imposant boucliers, essuyaient les assauts répétés du camp adverse. En face ce tenaient des trolls et des orques, armés de fusils et de mitraillettes, vidant leurs chargeurs dans la joie et la bonne humeur. Notre petite créature se planqua derrière des sacs de sable pour ne pas se prendre une balle perdue. Qelkax ne comprenait rien à ce qu’il se passait, la panique le gagnait petit à petit. Il aperçu un humain lancé une puissante boule de lumière sur les rangs ennemis qui s’écroulèrent presque instantanément.

  Cette petite accalmie permit au gobelin d’apercevoir quelque chose au milieu de ce bordel. Plus loin, se tenait une imposant arbre aux branches cassées et brulées. C’était peut-être le légendaire arbre ancestral qu’il devait trouver ! D’après les légendes, le sorcier Kikram Memlo avait fabriqué sa baguette à partir de ce végétal. Il touchait enfin au but ! Oubliant le danger de la situation, notre gobelin fonça sur le champ de bataille, traversant le no man’s land pour atteindre son objectif.

  Des balles sifflèrent proche de ses oreilles, une boule de feu frôla son crâne et lui crama les quelques poils qu’il avait. Mais Qelkax ne broncha pas, armé de son courage, il se savait protégé par le destin ou la magie de son seigneur.

Clic.

Ce petit bruit l’interpela et il baissa les yeux vers son pied. Il avait marché sur un truc qui avait émit ce son. Une arme qu’un des combattants avait fait tomber ? Par curiosité, il voulu lever la jambe pour voir ce que c’était. Mais la mine explosa pour le projeter avec force dans les airs. Se retrouvant un coup la tête en bas, puis en haut, puis encore en bas, le gobelin perdit ses repères, ignorant de quel côté était le plancher des vaches. Cependant, il entendait les soldats hurler comme pour saluer sa performance acrobatique.

  Il s’écrasa avec violence dans la boue. Le corps douloureux et l’estomac qui tournait dangereusement dans un sens pendant que sa tête allait dans un autre. Les coups de feu reprirent de plus belle, accompagné par des cris de guerre ou de douleur. Difficilement, Qelkax leva les yeux, il gisait devant Yrndhaggil. Et à présent qu’il était si proche, il comprit que l’arbre légendaire était mort, la guerre étant venu à bout de lui. Le gobelin avait fait tout ça pour rien. Une voix résonna alors dans sa tête :

 – C’est dangereux de voyager seul. Tu devrais prendre ceci…

Qelkax ne comprit pas, que devait-il prendre ? Mais avant de pouvoir le demander, tout devint sombre autour de lui.

  Le gobelin se réveilla sous son arbre, de la bave ayant coulé sur son menton. La lumière du jour lui fit mal aux yeux et il grimaça tout en se redressant. Machinalement, il regarda autour de lui : il était de retour dans la forêt, aucune trace de guerre. Quoique, il nota un bouclier qui sortait du sol, couvert de mousse comme un rocher. Ce n’était pas qu’un simple rêve alors ? Avait-il vu une scène du passé dans ses songes ? Les esprits ayant pénétré son esprit ? Cette idée lui déplaisait, c’était une sorte de viole qu’il avait donc subit. Le trognon de sa pomme trainait à côté de lui et Qelkax remarqua un vers qui s’agitait dans les restes du fruit. Une hallucination à cause d’une pomme pourrie ? Probablement.

  C’était bien connu que certains vers laissaient des excréments possédant des capacités particulières. Dans certaine partie du monde, on les exploitait pour leurs vertus de guérisons. D’autres les utilisaient pour fabriquer de puissantes drogues ou même des poisons. Qelkax connaissait tout ça, il s’en voulait de ne pas avoir été prudent. On lui avait pourtant apprit à laver les fruits et à les examiner avant de les manger. Il était fréquent de mourir en avalant des pépins toxiques ou un vers phosphorescent qui rendait la victime lumineuse, même après sa mort. Par chance, il n’avait eu qu’une petite hallucination. Mais il se souviendrait de cet incident toute sa vie pour ne pas la reproduire. Enfin… Il s’en souviendrait pendant une semaine, peut-être deux.

  Il enfila ses bottes pour se remettre en route quand quelque chose heurta son crâne. La douleur troubla sa vision et un hurlement retentit avec force, faisant s’envoler les oiseaux. Mettant plusieurs secondes pour se remettre du choc, le gobelin vit d’où provenait le cri : un livre trainait par terre et ouvert. Un grimoire hurlant ! Un objet magique rare aux capacités utiles si on parvenait à le faire taire.

  Qelkax attrapa la couverture de l’ouvrage pour le refermer avec force, laissant le cri s’étouffer pour finalement disparaitre. Il pouvait à présent lire le titre du bouquin : Les jeux du trône. Dessous cette belle calligraphie en or, était dessiné des toilettes avec plusieurs rouleaux de papier saccagés. Et comme vous vous en doutez, Qelkax pensa tout de suite à une seule chose : il aurait bien aimé des chiottes pour y poser sa crotte, mais en pleine forêt, c’était difficile à trouver. Puis la seconde chose à laquelle il pensa, moins importante peut-être, mais il en ignorait bien la réponse, fut : en quoi ce satané grimoire hurlant parlant de WC, va bien pouvoir m’aider ?