Pris au piège 14/52
Chaud et étroit, c’étaient les deux mots qui revenaient le plus dans la tête du gobelin. Il ressentait pourtant bien une certaine humidité, l’air était lourd, les parois étaient grasses et son corps ruisselait de sueur. Mais la température qui au départ était agréablement élevée, commençait à l’épuiser. Malgré ses efforts pour remuer, il éprouvait de plus en plus de difficulté pour bouger, sentant ses forces le quitter. Et l’obscurité ne l’aidait pas, Qelkax n’y voyait pas grand-chose.
C’est ainsi que le gobelin se retrouva coincé, aussi simplement et bêtement que ça. Il s’était engouffré dans le volcan, espérant y trouver quelque chose de précieux, de rare ou de puissant et pourquoi pas les trois à la fois. Mais le passage était devenu de plus en plus petit et aussi obstiné qu’il soit, jamais il n’aurait reculé devant un petit trou aussi étroit soit-il, Qelkax avait continué d’avancer. Plongeant dans un tunnel pour y descendre, son corps s’était finalement figé entre les parois rocheuses et il se démenait comme un diable pour sortir de ce traquenard.
Le gobelin avait hurlé pour appeler à l’aide puis pleurer à chaudes larmes en imaginant que sa fin était arrivée. Personne ne l’avait entendu ou en tout cas, n’était venu l’aider. Il allait crever ici, devenir la risée de tous ses congénères pour avoir fini coincer dans une grotte, alors que c’était son habitat naturel. Mais que voulez-vous quand on a trop confiance, on en vient à faire des erreurs et celles-ci ne pardonnent pas toujours.
La bague à son doigt lui faisait mal, probablement que son seigneur tentait de lui dire qu’il était un idiot mais ça, il l’avait compris tout seul. Qelkax aurait bien aimé que le bijou lui permettre directement de communiquer avec son maître, mais celui-ci préférait la torture pour faire passer un message. Il tenta alors d’attraper une de ses boules mais dans sa position, elles étaient hors d’atteinte. Ce qui était bien dommage car ça le démangeait de les toucher, il pensait avoir une dernière carte à jouer : peut-être qu’en libérant les trois guerrières, elles auraient eu la puissance de détruire la roche en apparaissant ou la petite pouvait peut-être se mouvoir et tenter quelque chose. Mais à ce rythme, il ne le saura jamais.
Le volcan du Moren’or serait donc son tombeau. Lui qui avait visité une cité volante, traversé un marais puant, visité un monde parallèle rempli de jolies filles, il s’avouait vaincu par un simple et ridicule passage souterrain. La déception de ne pas amadouer les trois demoiselles était cuisant, il s’était imaginé passer des soirées avec elles, installé dans un canapé, l’une lui servant à boire, l’autre lui massant les pieds pendant que la dernière danserait langoureusement sous ses yeux. Un beau fantasme qui malheureusement, ne verra jamais le jour. Pire encore, il ne reverrait jamais sa petite maman, une femme qui fut kidnappée par des gobelins. Qelkax avait nourrit l’espoir de la rencontrer pour pouvoir lui parler. Il avait une question à lui poser : comment s’était-elle échappée ? Normalement, les femmes finissaient enfermées, torturées et violées pour permettre à ceux de son peuple de procréer. Aucune ne s’en échappait, elles terminaient bien souvent par sombrer dans la folie avant de mourir, mais pas sa mère. Non celle-ci était même parvenue à tuer quelques-uns de ses ravisseurs pour s’évader et ce, après avoir accouché de lui. Une femme forte qui imposait le respect dans un sens mais Qelkax y voyait là une trahison, elle l’avait abandonné après tout. En agissant ainsi, elle avait empêché que le gobelin ait une figure maternelle lors de son enfance. Bon, ça n’arrivait jamais, les jeunes gobelins ne voyaient jamais leurs mères ni de femmes tant qu’ils n’avaient pas atteint l’âge de chasser et piller. Mais qui sait, peut-être qu’une relation mère et fils aurait pu voir le jour ? On ne le saura jamais et c’était un regret en plus pour Qelkax. Son doigt lui fit alors très mal, il couina de douleur. Son plus grand regret était de ne pas trouver le sceptre que désirait son maître, voilà ça s’estompait déjà. D’ailleurs pourquoi lui il n’entendait pas les pensées de son seigneur ?
Un souvenir lui revint alors. Les préceptes des arts martiaux mystiques du hibou. Il n’avait rien d’autre à faire et se remémora l’enseignement. Le gobelin prit une longue inspiration, laissant l’énergie s’insinuer en lui, le chi ou tchi comme l’autre l’avait appelé. Concentré sur sa respiration, il emmagasinait la puissance dans sa cage thoracique, sentant une chaleur différente en lui. Plusieurs minutes s’écoulèrent ainsi pendant lesquelles il méditait. Une fois prêt, il essaya d’évacuer l’énergie par sa gorge en poussant un puissant hurlement mais sa gorge sèche ne laissa s’échapper aucun son. Il toussota et s’étouffa à moitié, sentant l’onde s’évanouir dans ses entrailles. Même ça, il l’avait raté. Et comme tout pouvoir surpuissant, il y avait un contrecoup. Le chi accumulé se déversait dans son ventre, provoquant des crampes intestinales d’une violence inimaginable.
Le gobelin se tortillait de douleur, c’était une torture bien pire que tout ce qu’il avait déjà vécu jusque-là. La sensation que des centaines de lames lui perforaient la panse ou qu’il allait finir par se faire dessus. N’oublions pas qu’il avait plongé dans un passage, il avait donc la tête en bas. Se soulager dans pareille situation n’était donc pas envisageable : imaginez que le chi provoque une diarrhée, il était déjà dans la merde, inutile en plus d’en être recouvert.
Après quelques minutes qui lui parurent très longues, la tension était à son comble. Tous les muscles de son sphincter étaient crispés, sa mâchoire l’était également ainsi que ses doigts et sa respiration. Allait-il explosé de l’intérieur ou mourir de faim et de soif en étant pris au piège ? Il songea que mourir rapidement serait peut-être plus judicieux. Qelkax ouvrit donc les vannes, libérant le mal qui lui rongeait les entrailles…
À l’extérieur, le volcan entra en irruption. De puissants jets de laves s’envolèrent vers les cieux, accompagnées de fumée. Le sol trembla avec force et une partie de la roche céda sous son poids pour laisser échapper des flammes. Au milieu des explosions, le gobelin fut expulsé vers le ciel pour atterrir bien plus loin, roulant sur le sol avant de s’immobiliser. Le corps endoloris et couvert de défécation, il était en vie. Qelkax venait de découvrir au plus profond de lui, un pouvoir qu’il n’avait jamais soupçonner avoir. Il comprenait mieux le nom de cette énergie, le « chi » car on pouvait le dire en la libérant, il s’était bien chier dessus. Mais surtout, il avait provoqué une flatulence si puissante et vibrante qu’elle était entrée en résonnance avec la roche du volcan, ce qui l’avait sauvé.
Fatigué, il resta allongé à contempler le ciel. Pour sa prochaine aventure, il voulait une source thermale, quelques servantes et surtout, des litres d’alcools.
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