Ne voyant ses trois fidèles guerrières nulle part, Qelkax s’inquiétait : et si elles s’étaient échappées ? Non, aucun risque, il avait les boules ! Mais il les avait justement, les boules de ne pas pouvoir les reluquer pendant qu’elles se baignaient tranquillement. Le gobelin s’avança dans la pièce pendant que les vieux retournaient à leurs occupations, c’est-à-dire faire trempette ou se laver entre eux tout en espérant l’arrivée d’une femme. L’un d’eux accosta notre héros pour lui demander ce qu’il faisait ici :

 – C’est rare de voir un gobelin, tu t’es perdu ?

 – Je voyage à la recherche d’un sceptre magique et je voulais me reposer dans cette auberge. Ma quête m’a donc conduit ici par hasard.

 – Je vois, soupira l’ancien. J’espère que tu trouveras ce que tu cherches.

L’homme lui tapota l’épaule alors que Qelkax continuait son chemin, mais il l’interpela de nouveau.

 – Tu sais, voyager seul c’est dangereux. Tu devrais… prendre ça.

 – C’est bien aimable papy. Je ne m’attendais pas à une offrande en venant ici ! Et qu’est-ce donc ? répondit le gobelin en se retournant.

 – Mon bâton magique, répliqua le papy.

En effet, le vieux lui tendait sa virilité, les yeux exorbités et un large sourire dément sur son visage. Qelkax recula rapidement, c’était la première fois qu’on lui faisait une proposition si indécente. Lui avec… Avec un vieux ! Cette pensée le fit frissonner. Puis il observa l’individu, plutôt propre et bien coiffé, il était également un peu gras signe d’une bonne nutrition. Peut-être qu’il y avait de l’argent à se faire ? Ce n’était peut-être pas si horrible que ça comme proposition, pensa-t-il. Qelkax chassa cette idée de son esprit, s’excusa poliment avant de s’éloigner rapidement, mal à l’aise. Peut-être reviendrait-il le voir plus tard.

  Le gobelin évita avec précaution la foule pour traverser les bains. Il fit ainsi le tour sans trouver un indice sur le passage des valkyries. Il devait se rendre à l’évidence : elles s’étaient enfuies ! Bouillonnant de colère, il quitta les bains mixtes pour retourner à sa chambre. Avec les geishaballes, il pouvaient les rappeler quand il voulait. Elles allaient se souvenir de cet affront, il imaginait déjà des tortures qu’il leur infligerait. Supplices des chatouilles, entraînement aux nœuds avec une corde, des coups de fouets et de les bâillonner. D’accord, ça ressemblait beaucoup à des séances de SM et il se demanda si elles aimeraient ça.

  Il se figea alors car il avait aperçu quelque chose du coin de l’œil. La réceptionniste était uniquement couverte d’un linge et passait une porte en bois. Au-dessus était écrit la plus belle indication que Qelkax pouvait espérer : bains pour femmes uniquement. C’était donc pour ça qu’il n’y avait aucune femme dans les bains mixtes ! Toutes esquivaient les regards lubriques de ces vieux pervers. En pensant à eux, Qelkax eut un élan de mépris, comment pouvait-on être aussi pervers à espérer mater de la jolie jouvencelle pendent qu’elles effectuaient leurs toilettes ? Il essuya la bave qui coulait sur son menton suite à un élan d’imagination trop… débordante.

  Il lui fallait un plan pour s’introduire discrètement. C’était évident que quelqu’un surveillait les allés et venus dans les bains pour femmes. Il eut une idée et le gobelin fila dans sa chambre pour récupérer sa baguette permettant de faire des dessins magiques.

  Quelques minutes plus tard, il réapparaissait dans le couloir. Qelkax arborait une magnifique crinière de cheveux violets, ce qui collait parfaitement avec son teint verdâtre. Il avait du noir aux lèvres, du maquillage autour des yeux et surtout, il s’était fait des seins magiques : une énorme poitrine rebondissait à chacun de ses pas. Il trouvait ça agréable, autant à regarder qu’à toucher, mais rapidement il comprit qu’il avait eu la main lourde. En effet son opulente poitrine le courbait vers l’avant et il avait déjà mal au dos. Mais si c’était le prix à payer pour reluquer des belles demoiselles, il l’accepterait sans bronche !

  Alors qu’il ouvrit la porte, il vit les trois guerrières en peignoir qui discutaient joyeusement. Elles étaient si belles, leurs peaux semblaient si douces. Le rire de la plus grande lui donna un pincement au cœur et il sentit une boule de plomb tomber dans son estomac quand il vit la petite secouer ses cheveux trempés comme dans une pub pour du shampoing. Et la dernière qu’il pensait potelée, était aussi belle que les autres, ses courbes généreuses mises à nues révélaient un corps d’une sensualité incomparable. Il resta là, immobile à les observer, ne sachant quoi penser hormis qu’il venait d’être frappé par la beauté la plus pure et parfaite qu’il lui avait été permis de voir.

  Toutes trois passèrent à côté de lui sans lui jeter un regard pour quitter la grande salle de bain. À force de tarder, il avait raté l’occasion d’en profiter. Une larme à l’œil, il décida de se baigner rapidement pour ensuite aller au lit. Il plongea dans l’eau chaude et se sentit revivre. Il effectua plusieurs brasses puis fit la planche pour observer le ciel parsemé d’étoiles. Qelkax était heureux d’avoir rencontré ses trois femmes, elles étaient parfaites et peut-être qu’il parviendrait à en épouser une ? Ou simplement être ami avec elles ? Son maquillage magique s’estompait à cause de l’eau et il se débarbouilla avant de plonger encore une fois.

  Quand il remonta à la surface, une main s’agrippa à sa tête pour le couler afin qu’il ne puisse pas respirer. Tentant de se débattre, il apercevait par moment, au milieu des vagues d’eau et de savon qui lui arrivaient dans les yeux, des cheveux blonds et des yeux d’un bleu électrique. La réceptionniste essayait de le tuer !

  Son cœur battait à tout rompre et il commençait à avoir mal au crâne car il manquait d’oxygène. Il s’enfonça dans l’eau pour tenter de s’échapper mais la main restait fermement accrochée à lui. Poussant sur ses petites jambes, il remonta à la surface, sentant enfin l’air entrer dans ses poumons. Il croisa le regard de la demoiselle et c’était bien celle à qui il avait pensé. Elle l’enfonça de nouveau dans l’eau avec force tout en émettant un rire strident.

 – Jamais ! Jamais, tu ne trouveras le sceptre de Memlo ! Tu m’entends ? Ceci est mon dernier avertissement !

Le corps de plus en plus engourdit, Qelkax sentit ses forces le quitter. Comment cette femme savait pour sa quête ? Et pourquoi refusait-elle qu’il trouve le sceptre ? Qui était-elle ? Et si elle le tuait, ça n’était pas un avertissement… fichue blonde ! Sa dernière pensée fut donc misogyne et sur un stéréotype vis-à-vis des blondes. Ce qui en soit était lamentable. Qelkax perdit connaissance…

  Une vive douleur le ramena à lui. Le gobelin ouvrit les yeux et croisa ceux d’une jeune fille. Il prit alors une grande claque dans le visage, suffisamment forte pour lui arrocher les molaires ou presque.

 – Je suis… il en prit une autre sur l’autre joue. JE SUIS RÉVEILLÉ !

 – C’était juste au cas où, expliqua Riri qui semblait beaucoup s'amusée tout en lui administrant une dernière gifle. Si tu meurs, on serait VRAIMENT dans la merde.

 – Je sais, disait-il en se protégeant le visage. Merci en tout cas. Tu as fait fuir l’autre folle ?

 – L’autre folle ? répéta la petite, interloquée.

 – La réceptionniste ! Elle a tenté de me tuer !

 – Tu étais tout seul et inanimé quand je suis arrivée. J’avais oublié ma trousse de toilette donc je suis revenue. Mais… il n’y avait personne d’autre ici.

 – Ok… on va chercher tes frangines. On va défoncer et liquider cette nana !

  D’un bond Qelkax se releva et fila vers sa chambre avec Riri sur ses talons. Il expliqua rapidement la situation à Fifi et Loulou, ramassa son arme et les quatre redescendirent dans le hall d’entrée. Mais il n’y avait personne. Fifi poussa alors un cri de stupeur et pointa son doigt en direction du mur.

  Le grimoire hurlant y avait été accroché, transpercé par une épée. Avec son encre encore fraîche quelqu’un avait écrit sur une page à moitié arrachée :

« Ceux qui cherchent le sceptre de Kikram Memlo subiront le même sort. »