Les pages qui se froissent.

Il est 22 h 34. Je n'arrive pas à dormir. La fenêtre de ma chambre est ouverte. Le bruit du vent dans les feuilles, la chouette qui hurle au loin, les gouttes de pluie qui tombent à un rythme régulier se mélangent avec celui de mes pensées.

Pensée... C'est un si joli mot comparé à celui de la "science" qui la traque, la cherche, la cerne... Comme s'il y avait un champ de fleurs violettes, bleues, blanches, roses, jaunes, oranges, rouges quelque part au fond de notre tête, comme si chaque grain de pollen, chaque pétale qui la compose représentait une idée, une pensée...

Et c'est si agréable d'entendre le stylo qui gratte le papier résonner dans l'oreille, et le froid qui effleure ma peau. J'ai essayé de fermer les yeux mais le vacarme de mes pensées refuse de cesser. J'essaye de penser au bruit de la mer. Au bruit des vagues contre les rochers. Au bruit du silence. Mais le silence me fuit. J'ai l'impression que je ne l'entendrai jamais. Mais est-ce que c'est le silence qui me fuit ? Ou mes pensées qui le repoussent ?

Boum-boum. Boum-boum. Boum-boum. Mon cœur qui bat, et qui, comme le grattement du stylo, si familier à mes oreilles, résonne dans tout mon corps. Encore une fois, j'ai essayé de fermer les yeux et je me suis dit : "Ne pense à rien". Mais je me suis trompé(e) et il était trop tard : je n'ai pas pensé à rien, j'ai pensé au rien. Le rien est vicieux, il vous emplit, il prend votre âme et voilà qu'il vous manipule, il monopolise votre esprit. Perdu pour perdu, je repense au contrôle que j'ai demain en Allemand, je repense à ma dispute avec mes parents, à ce énième sapin que je n'aurai pas fait cette année encore.

Bonne nuit. Moi, je ne dormirai pas.