A.1 Gwënaelle
Gwënaelle partit en courant, s’élança à travers la foule comme si le diable la poursuivait. À coups de coude et de désoler, l’adolescente traversa la piste de danse qui, floue de larmes, prenait des aires de labyrinthe. Elle se glissa entre les convives jusqu’à la porte par laquelle elle était entrée plusieurs heures plus tôt. Le souffle nocturne cingla Gwënaelle, plaqua sa robe contre elle et la gela jusqu’à l’os.
Malgré l’assaut des éléments, Gwënaelle ne recula pas et poursuivit sa course effrénée jusqu’au pied du skycraft qui l’avait déposé où, hors d'haleine, elle se laissa tomber. Les pleurs qu’elle avait retenus si longtemps se mirent à couler sur l’asphalte et ses sanglots se joignirent aux musiques lointaines de la fête battant son plein.
Elle se glissa sous l’aile du vaisseau et se recroquevilla contre le train d’atterrissage, enveloppée dans l’épaisse couverture noire qui pesait sur la piste.
Gwënaelle ne dut attendre que quelques minutes avant qu’elle entende des bruits de pas régulier.
— Gwënaelle ? Que fais-tu là-dessous ?
La voix sereine de son grand-père lui fit lever la tête. Elle ravala ses sanglots jusqu’au plus profond d’elle et se traina en dehors de sa cachette.
— Grand-père ! Je pense que j’ai commis une bêtise, gémit-elle en enfouissant sa tête contre le ventre de l'homme.
Le consul hocha lentement du chef et caressa la chevelure argentée de l'enfant.
— Commençons par rentrer dans le skycraft, tu risques d’attraper froid ici.
Solar prit la main de sa petite fille et l’aida à monter dans l’habitacle du skycraft. Une fois le décollage terminé, il se tourna vers l’adolescente qui observait l’infinie à travers le hublot.
— Grand-père, il arrive que rien ne se passe comme tu l’as prévu ?
— Si je pouvais compter le nombre de fois que cela m’est arrivé sur mes doigts, j’en serais bien heureux. Il posa la main sur l’épaule de Gwënaelle. Que s’est-il passé ? Un problème avec ton amie ?
La jeune noble fit la moue. Elle ne savait pas vraiment quoi répondre à cette question.
— Je lui ai demandé si elle voulait devenir une écuyère avec moi.
Les yeux du consul s’écarquillèrent.
— Tu lui as demandé de rejoindre les haïkadens ?
— C’est mal ?
Le rire du consul résonna à travers le vaisseau. Toute penaude, Gwënaelle l’interrogea du regard. Elle ne s’attendait pas plus à cette réaction que le consul lui-même qui dut prendre un peu sur lui pour ramener un semblant de forme à son visage.
— Ma douce, quelle réponse espères-tu ?
— Qu’elle dise oui, avoua l’adolescente. Je n’ai pas demandé ça sans y réfléchir, grand-père ! Dès que je l’ai rencontré, j’ai eu l’impression qu’elle n’était pas comme les autres nobles, plus comme moi, différente. Et durant la cérémonie, il y avait tous ces haïkadens et elle en connaissait même un que je n’avais jamais vu. Puis après, nous avons exploré le musée ensemble et trouvé cet énorme orca et cette épée magique.
— Une épée magique ?
— Carrément ! Elle était super bizarre. Je ne pouvais pas la toucher, mais Vaillance y est arrivée sans problème. Et puis avant de vernir à la fête je me suis endormie et là je l’ai…
Gwënaelle laissa sa phrase en suspens et son sourire se fana comme une fleur abandonnée en plein soleil. Solar prit une lente inspiration.
— Tu as vu la jeune Vaillance à tes côtés dans tes rêves ?
Gwënaelle se ratatina telle une tortue cherchant à fuir dans sa carapace.
— Oui, répondit-elle dans un souffle.
— Ma douce, je t’ai déjà dit qu’il ne faut pas confondre tes songes et la réalité.
— Mais cette fois j’en étais certaine, grand-père ! j’en étais absolument certaine !
Solar passa la main dans les cheveux de sa petite fille.
— Je suis toujours certain de mes plans et pourtant il arrive que certains échouent royalement.
— Tu ne me crois pas, gémit la fillette en s’écartant.
— Pas de caprice avec moi, Gwënaelle. Tu sais très bien que je te fais confiance. Cela ne change rien au fait que la jeune Vaillance à dût être fort surprise par ta demande. Ses parents ne lui ont sûrement jamais expliqué ce qu’était un écuyer.
Gwënaelle regarda devant elle et fit la grimace.
— J’ai bien voulu lui dire, mais elle ne m’écoutait déjà plus.
— Surprise et Précipitation sont de bien piètres guides. Quoi qu’elle t’ait dit, je ne pense pas que ton amie les ait réellement pensés.
— Comment peux-tu le savoir ? s’enquit Gwënaelle, sourcil froncé.
Il afficha un léger sourire en coin et toucha son nez du bout de doigt.
— Mon flair légendaire bien sûr.
Gwënaelle rit avec son grand-père alors qu’au même moment le skycraft se posa devant la demeure de ses parents. Le consul aida sa petite fille à descendre du vaisseau pour la rendre à sa famille, mais celle-ci décida d’en faire autrement. Elle sauta dans les bras de son grand-père et ce sera contre lui.
— Tu reviendras me voir bientôt ?
— À la seconde où ma Confluence n’aura plus besoin de moi, promit-il. Essaie d’appeler ton amie demain et excuse-toi, tu verras qu’elle en fera de même.
L’adolescente hocha la tête et s’écarta avec le sourire, hésita une seconde avant de croiser les doigts devant elle.
— Tu pourras ne pas en parler à maman ni à madame Dincer ?
— Cela restera notre secret, ma douce.
Tout sourire, l’adolescente salua son grand-père et courut jusque chez elle. Ce ne fut qu’une fois sa petite fille hors de vu que les yeux du consul se plissèrent, le sérieux était revenu sur le visage du consul. Il se rassit sur son siège et fit apparaître un grand holoécran devant lui.
— Mets-moi en contact avec la haute gardienne Axia Kaleban. J’ai une bien étrange histoire à lui raconter… Je pense que quelques détails pourraient bien l’intéresser.
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Quasar point :
Les consuls sont élus non pas par le peuple, mais par "le Demnos", aussi appelé la chambre des voix, un conseil constitué de politicien ayant servi la Confluence durant plus de cinq ans et appartenant aux diverses chambres chargées de gouverner le pays galactique.
Solar est le seul consul à avoir été élu à l'unanimité.
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