Périple en Audi C
Les corps des convives éméchées jonchaient le sol de l'hôtel Troie étoiles où la fête s'était déroulée. Festivités en cascades de champagne et avalanches de LSD auxquelles Ulysse et ses compagnons s'étaient incrustés en s'infiltrant à cheval entre un groupe d'invités et une horde de traiteurs armés de plateaux d'amuse-gueules.
Mais l'heure du retour avait sonné.
Et voici maintenant nos compères, installé à bord de la vieille Audi C 2 Ulysse, sillonnant des routes inconnues après qu'une tempête, les frappant de plein fouet, ne les ait égarés.
Rencontrant une sénile et curieuse femme à qui ils avaient demandé leur chemin, la vieille rombière leur avait donné des conseils sibyllins non sans les avoir traités de « sales porcs ». Puis ils avaient accidentellement percuté une brebis noire, la tuant sur le coup, et Ulysse, encore sous l'emprise de drogues, avait perçu sa défunte mère dans le reflet des éclaboussures de sang maculant le capot de la voiture.
Ainsi le périple se poursuivait.
Euryloque était au volant quand Ulysse, sentant la nausée l'envahir, ouvrit rapidement la vitre et passa la tête à l'extérieur. L'air vivifiant de la nuit soulagea ses haut-le-coeur. C'est alors qu'il la vit. Aussi vulgaire que soit son accoutrement, elle était irrésistible. Ses longs cheveux bouclés retombant sur ses épaules dénudées. Sa bouche, outrageusement couverte de rouge, qui avait dû en voir tant passer. Elle le fixait d'un regard aguicheur quand le véhicule parvint à sa hauteur.
« Bonsoir mon mignon ! Ça te dirait qu'on s'amuse un peu tous les deux ? »
Mais la voiture roulait trop vite et déjà la donzelle disparaissait au loin dans l'obscurité.
« Euryloque, vite, fais demi-tour! »
Celui-ci ne l'entendait pas, battant la mesure du morceau craché par les baffles et montant un peu plus le volume.
« Putain ! J'adore ce son ! »
Il remuait la tête en riant, accompagné par leurs deux autres compagnons d'infortune avachis sur la banquette arrière, hurlant le refrain à l'unisson.
Un second mirage érotique illumina alors les yeux d'Ulysse. Deux sublimes femmes s’embrassaient langoureusement, leurs mains parcourant avec sauvagerie leur peau dévêtue. Jamais, de toute son existence, il n'avait vu aussi belles créatures. Quand elles plantèrent toutes deux leurs regards dans le sien, il ne put s'empêcher de ressentir un irrésistible afflux de sang dans son entrejambe.
« Qu'attends-tu pour nous rejoindre ? Nous t'enseignerons les ultimes plaisirs de la chair ! »
Elle s'embrassèrent de nouveau. Leurs langues s'unissaient jusqu'à ne plus faire qu'une.
Ulysse ne put réprimer plus longtemps cette bouffée de chaleur, ce magma qui fusionnait en lui. L'écho de leurs voix résonnait, vibrait dans sa tête. Il ne tenait plus en place. Il gesticulait, hurlait. Mais ses cris étaient étouffés par le grésillement des enceintes qui diffusaient toujours ce satané morceau.
« Euryloque je t'en supplie ! Arrête-toi ! Je dois descendre, maintenant ! »
Ulysse était possédé. Le diable au corps, il devait toucher leurs corps sublimes et parfaits, leurs cheveux longs et doux. Il devait parcourir chaque parcelle de leur peau, effleurer leurs bouches de ses lèvres, embrasser leurs seins fermes. Il devait entendre résonner leur voix hypnotique, leurs murmures au creux de ses oreilles. Pour toujours.
Il remuait de plus en plus violemment sur son siège, envoûté par la fièvre, tentant désespérément dans sa folie aveugle de se détacher du siège pour s'extraire du véhicule.
Alors la musique se tut, aussi soudainement qu'Euryloque, interloqué par le comportement de son compagnon qu'il remarquait alors, resserra fortement l'étreinte de la ceinture de sécurité.
« Alors mon bon Ulysse, t'es en redescente ? »
Les trois compères rirent en choeur face à Ulysse désemparé qui, résigné à son triste sort, sentait le charme ensorceleur de ces filles de joie petit à petit s'estomper.
« Alors au prochain rond-point, on prend direction Charyble ou Scylla ? »
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