Les robots arcs en ciel
— Maman, tu peux me lire les arcs-en-ciel ?
— Encore ? On le lit tous les soirs !
— S’il te plait, Maman.
Bien que cela ne soit pas un argument, Maman céda. Elle prit le livre adossé au lit de la fillette et s’installa à ses côtés. L’enfant se pencha vers le livre serrant contre elle une peluche d’un camion noir avec de grands yeux orange.
— « L’histoire des arcs-en-ciel commença il y a plusieurs années. Lorsque la planète était recouverte par des poubelles. Les pays du monde entier débordaient de déchets. Les incinérateurs poussaient plus vite que des champignons et malgré leurs fumées aux mauvaises odeurs, les déchets continuaient de grossir formant de nouvelles montagnes. Allant même jusqu’à tomber et polluer la mer. Le plastique flottait sur l’eau et les enfants jouaient sur ces nouvelles îles. jusqu’au jour des larmes. Comme avant lui l’Atlantide, l’ilot plastique coula au fond des eaux. Les hommes et femmes en costumes firent alors le tour de la table pour que cela ne se reproduise plus. Le pays où lieu le drame fut le premier à utiliser ce nouveau programme. »
— C’est notre pays, Maman ?
— Oui, ma puce, répondit Maman en accueillant sous son bras la fillette.
— Heureusement que toi t’étais pas sur l’ilot !
Maman reprit la lecture.
— « Les habitants du pays avaient peur. Peu avaient fait les travaux dans leur maison. Ils avaient peur mais ils sont allés voir. Cachés derrière leur fenêtre, ils regardaient le ramassage des ordures. Ils furent les premiers à voir un petit robot sur une unique roue et un tout aussi unique œil rouge. Le robot était fort. Il possédait un plateau circulaire qui s’allongeait afin de transporter les ordures. Le petit robot devait faire de nombreux allers-retours afin de tout évacuer. Il fit peur aux curieux. Les parents racontaient aux enfants pas sages que le robot à l’œil rouge allait venir les chercher. Cela ne se produit jamais. Le robot ne voulait de mal ni aux enfants, ni aux adultes pollueurs. Ses développeurs le modifièrent rapidement afin de lui donner un visage et deux yeux. Comme il s’occupait de recyclage, on leur donna la couleur verte. Le petit robot prit le nom de Vert.
Il y avait des Verts partout, ils se déplaçaient la nuit, en silence, et transportaient leur collecte aux cabanes construites en urgence dans les villes. Là aussi les gens allèrent voir ce qui se passait. Il n’y avait pas de fenêtre car, à l’intérieur, personne n’en avait besoin. Tout ce qu’ils voyaient était des rayons bleus sous la porte. Le bleu était la couleur des capteurs visuels du second robot. Bleu possédait un énorme ventre qui réceptionnait le butin des verts. Avec ses douze yeux, il analysait les déchets. Avec ses douze bras, il les dirigeait sur le bon chemin. Le ventre de ce géant se décomposait en de multiples chemins.
Au bout de chaque chemin se trouvait un Rouge. Ils ne possédaient pas de visage, juste une énorme gueule qui broyait, fondait, brulait ou compostait. Les anciennes personnes chargées de la collecte des déchets étaient les seules à pouvoir aller voir les robots. Parfois, des curieux venaient leur rendre visite. Ils leur avaient offerts des visages à la bombe de peinture. Ces rares incidents firent rire leurs amis humains. Les modèles suivants héritèrent donc à leur tour de visage. Les Rouges possédaient une sortie. Le résultat de leur travail était ainsi évacué.
Les personnes qui s’occupaient avant de ramasser les ordures avaient désormais la charge de ces nouveaux matériaux. Mais le travail était difficile à cause de la chaleur et du bruit. Les développeurs trouvèrent une solution. Un nouveau robot apparut. »
— Je sais qui c’est, dit la fillette. C’est Violet.
— Je te lis ce livre tous les soirs, j’espère bien que tu sais qui c’est, répondit Maman en caressant les cheveux de la petite qui riait aux éclats. « Violet fit entra en scène. Il ressemblait plus aux humains. En plus de récolter la production des cabanes bleu, il l’installait dans les camions qui attendaient devant. Les Violets devaient se tenir loin des humains. Ceux-ci avaient encore un peu peur des robots.
Les camions, conduits par des humains, se rendaient aux usines de retransformation. Tout le monde voulait ces nouveaux matériaux. Il y avait des camions partout et malheureusement, les humains étant faillibles, il y eu des accidents. La réponse arriva vite. »
La fillette s’agitait. Elle secouait sa peluche aux yeux orange sous les yeux de Maman qui souriait, comme tous les soirs.
— « Les Oranges amenèrent avec eux beaucoup de curieux. Ces camions intégralement autonomes aux grands yeux orange et au large sourire firent veiller petits et grands. Les accidents de la route diminuèrent. La production pu arriver aux usines permettant de continuer à vivre comme avant. Les gens venaient de tous les pays afin de voir les Violets et les Oranges travailler main dans la main. Un adolescent particulièrement malin réussit à modifier un Violet. Celui-ci se mit à dire bonjour de la main. Grâce à un simple téléphone, le monde entier découvrit en riant ce Violet particulièrement poli. Les développeurs rirent eux aussi. Les Violets se mirent à dire bonjour, à danser ou à soulever de leur tête un chapeau imaginaire.
Tout les enfants voulaient maintenant voir les Violets et en avoir un. Des jouets à leur effigie virent le jour. Ils rentrèrent dans toutes les familles avec sur eux un étrange dessin. Les trois célèbres flèches vertes tournant en rond, se trouvaient maintenant accompagnées des cinq couleurs des robots. Les nouveaux robots fournis portaient eux-mêmes ce label.
Les anciens messieurs des poubelles continuaient de s’occuper des robots. Ils allaient les voir tous les jours pour vérifier que tout allait bien. Ils retournèrent à l’école afin de pouvoir mieux veiller sur eux. Ils complétèrent le coffre à jouet des enfants.
Les montagnes n’avaient pourtant pas disparu. Certaines personnes sales continuaient même de les faire grossir. Les Oranges accompagnaient les Verts en journée afin de ramasser les ordures des montagnes. Certains Verts furent abimés par des déchets trop lourd. Il fallait trouver une autre solution.
Les développeurs créèrent les Indigos. Leurs derniers nés intégrèrent les améliorations de leurs grands-frères. Leur détection surpassa celle de Bleu, leur force celle de Vert et leur swag celle de Violet. Les montagnes s’érodèrent sous leur effet. Les Indigos avaient été dotés de nouvelles capacités. Ils pouvaient fouiller afin d’atteindre certains déchets. Dans le même but, ils pouvaient plonger. Pour être sûr qu’aucun se serrait blessé par des charges trop lourdes, ils avaient le don de communiquer entre eux. Les Indigos s’entre-aidèrent si bien que les montagnes nouvelles furent de l’histoire ancienne. Il leur fallu trouver une nouvelle occupation et ils en trouvèrent de nombreuses. Ils fouillèrent des jardins, des champs et même des routes. Les Indigos durent être mis en pause. »
— J’aime pas cette partie-là, Maman !
— Je sais mais moi c’est ma préférée.
— « Après plusieurs semaines d’enquête, on comprit le malentendu. Les capacités des Indigos étaient si grandes qu’ils pouvaient trouver des objets de fabrication humaine plusieurs mètres sous le sol. Mais ils ne pouvaient dire depuis combien de temps les objets étaient sous terre. Des commissions furent créées afin d’étudier les trouvailles. Les dossiers s’empilèrent sur les bureaux. Des archéologues arrivèrent à la rescousse des commissions. Les premières équipes robots-humains virent le jour. Les trouvailles des Indigos ne furent plus recyclées mais exposées. Les Indigos firent d’autres découvertes qui firent intervenir des commissaires de police à côté des archéologues. Les demandes se faisaient pressantes d’équiper les Indigos de nouvelles compétences. Le travail des commissions s’allongea à l’infinie.
Il restait une couleur de l’arc-en-ciel qui n’avait pas encore eu droit à son robot. Jaune devint le plus humain de tous les robots. En plus du langage qui lui était indispensable pour parler avec les équipes robots-humains, il possédait tout le savoir de l’humanité. Il proposait les lieux de fouilles. Les Jaunes proposèrent les nouvelles modifications des Indigos. Ils furent reprogrammés afin de fouiller les vestiges sans, ni les emporter, ni les abimer. Leur capacité subaquatiques furent augmentées. Pas afin de déplacer le Titanic comme de nombreux Indigos proposèrent mais pour aller lui rendre visite. Ils permirent de découvrir de nombreuses épaves, de splendides trésors et aussi des villes englouties. Ce travail fonctionna si bien que certains archéologues demandèrent à tout le temps travailler avec des Indigos. Les Jaunes acceptèrent. Les temples mayas furent ainsi les premiers monuments à être visités par des Indigos. Leurs résultats furent incroyables. Des villes furent cartographiées. Les développeurs ajoutèrent des options à ceux-ci. Le rire des enfants devant le sautillement de joie des Indigos fit le tour de la planète.
Bientôt tout le monde demanda à avoir un Indigo ou un Jaune dans … »
— Maman, est ce que je peux voir Vert ce soir ?
— Vert va passer tard. Il faut que tu dormes.
— Mais y a pas école demain, demanda la fillette les larmes aux yeux.
Maman souffla tout en fermant le livre.
— C’est bon, tu as gagné, pour ce soir. Mais ne redemande pas ça tous les soirs ! Ça doit rester exceptionnel.
La fillette avait déjà sauté hors de son lit. La peluche d’Orange toujours dans ses bras. Elle se saisit en plus de celle de Vert qui attendait sur sa chaise. Maman et elle s’installèrent dans le canapé sous une couverture. Elles avaient décidé de veiller mais leur fatigue prit le dessus. Elles s’endormirent rapidement. Un clic réveilla Maman. Le bruit venait de la fenêtre de la cuisine. Dès le scan de la clef de Vert, la fenêtre s’ouvrit. Vert pénétra sans bruit. Il se mit en place et les déchets de la famille glissèrent sur son réceptacle circulaire. Il ne ressemblait plus au premier que la fillette d’alors avait vu. Vert avait changé ces vingt dernières années. Il ressemblait maintenant à un enfant à cause de sa petite taille. Il vit Maman qui l’observait. La fillette qui s’éveilla alors était celle au fond d’elle. Celle qui jouait sur les ilots plastiques. Celle qui cachait dans sa chambre une figurine de Violet de la première édition. Elle leva haut son bras afin que Vert la vît saluer. Vert lui répondit. Un sourire se traça sur son visage. Il lui fit un clin d’œil avant de repartir en direction des cabanes Bleu. Maman baissa sa main. Sa manche était retombée. Elle vit la longue cicatrice qui courrait sur son avant-bras. Elle avait survécu. Elle était l’une des rares. Elle voulait l’enlever de sa mémoire. Oublier le naufrage de l’ilot plastique. Sa cicatrice ne le lui permettait pas.
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