Chapitre 7 - Essence de magie
11 ans plus tôt, sur Ortilâ…
Peu de temps après que la petite Lahynn ne soit mise en sécurité, les évènements s’étaient précipités : des villages avaient été rasés, essentiellement ceux qui prônaient l’étendard des Mains d’Iéonïsse. Isâârd voulait lui faire goûter sa perte en faisant prisonnier ses sujets humains. Ce fut une impressionnante et inégale battue. Les sujets aux dons magiques les plus intéressants, virent leurs âmes se faire enfermer dans des sphères cristallines. Les plus belles jeunes femmes gardées dans le manoir, comme le dragon veille sur son trésor.
Le règne d’Isâârd venait de recommencer.
Rapidement, il se mit en quête de la petite aux yeux de perles.
En vain.
Fou de rage, il chercha avec frénésie les dernières images que ses sbires avaient saisies de la petite. Il vît Jwane se tenant devant un des arbres Passeur, puis apparu Alna.
Alna…
Elle avait disparu, emmenant avec elle l’Espoir des Iéoniens.
Jwane, quant à elle, disparue de son champ de vision pendant seulement quelques jours. Il lui réserverait une vengeance à la hauteur de son acte. Tandis qu’il préparait son départ dans ses appartements, une secousse ébranla le manoir. L’homme et le dieu qui l’habitait eurent en même temps un terrible pressentiment. Tzaïr se précipita sur son balcon et tendit la main dans le vide.
Rien.
La brise du vent avait été remplacée par une sorte de grésillement sur ses doigts.
Une prison de magie très ancienne chapeautait son domaine.
~~~~~~
— Les racines de Tùrn sont des antidotes très puissants. Elles te permettront de te débarrasser des symptômes des voyages dans les mondes parallèles.
Tory avait raccompagné Lahynn dans son lit, lui tendant quelques tranches d’une racine grossière, semblable à du gingembre. Elle les mastiqua en grimaçant : l’âcreté de la plante se propagea sur sa langue.
— Qu’Onireyèll veille sur ton sommeil, lui souhaita-t-il en s’installant dans son lit à même le sol
— Toi aussi, se contentas de répondre Lahynn, qui était trop fatiguée pour poser une énième question
Tous deux s'endormirent avec cette impression réconfortante d’avoir retrouvé un bout d’eux même…
« ...
— Encore un peu de patience, fait confiance au destin qui t'as été accordé, souffla Onireyèll.
— Et si je n'en étais pas digne de ce destin ? Je ne peux plus me cacher, je dois faire quelque chose, fulmina Iéonïsse.
Onireyèll la regarda avec ses innombrables yeux, d'une grande douceur.
— Je comprends ma sœur mais... Ah ! Nous avons de la visite...
La déesse du monde onirique posa une de ses pattes sur le fil qui s'était connecté à son domaine.
«…
— Lahynn tu seras bien sage avec Alna, elle va bien s’occuper de toi. Et rappelles toi : je serais toujours dans ton imagination, quand tu te réveilleras tu oublieras ce méchant rêve, d’accord ? avait dit Jwane.
Lahynn avait dût fermer les yeux en entrant dans une grande lumière aveuglante, la main froide qui lui tenait le poignet fermement, elle la connaissait. C’était Alna, qu’elle prenait pour sa tante. Elle prenait soin d’elle quand sa maman était occupée. Surtout depuis quelques jours : sa mère était partie faire un grand voyage, lui avait expliqué sa tante.
Elles avaient marché longtemps, dans un couloir rempli de lumière, il n’y avait aucun bruit. Même pas ceux de ses enjambées d’enfants qui essayaient de suivre le rythme d’Alna, jusqu’à ce que leurs pieds buttent sur une terre plus meuble. C’était un endroit étrange, avec beaucoup de maisons en pierres grises communes les unes aux autres. Il commençait à pleuvoir, alors que l’instant d’avant le soleil d’été la brûlait presque.
— On est à Tapèkh, tata ?
Elle avait souvent entendu parler de la ville où sa mère vendait du tissu et s’imaginait la ville ainsi. Alna ne lui répondit pas. Lahynn tira sur sa main et réitéra sa question. Sa tante sembla se réveiller et lui répondit le regard dans le vague :
— Non, ma princesse. On est dans un autre village.
— C’est comme Tapèkh ?
Alna la regarda et pour seule réponse, dégoupilla une des fioles vertes et s’accroupie en face de la petite :
— Bois un peu, c’est du jus de Sélerasse.
Lahynn avala la potion et grimaça :
— Pouah ! Il est plus bon ton jus de Sélerasse, tata.
Ainsi à la hauteur de la petite fille, Alna prit fermement ses petits bras entre ses mains elle lui expliqua droit dans les yeux :
— Lahynn, tu es une grande fille maintenant. Il faut que tu oublies Ortilâ, Tory et tout ce que tu as imaginé jusqu’ici. Dans quelques mois tu rentres en maternelle, je ne pense pas que tu veuilles que tout tes petits camarades se moquent de toi ?
La petite sentait sa tête lui tourner et ses souvenirs devenir flous. Seul restait un nom : Tory.
— Non, je ne veux pas qu’ils se moquent de moi, tata. Dit-elle nébuleuse
— C’est bien, petite luciole. Maintenant, si on allait visiter notre nouvelle maison ?
Lahynn parti devant, en quête d’exploration et ne vit pas les larmes d’Alna couler sur ses joues. Des larmes de soulagement. Des larmes de remord. »
Elle ouvrit grand les yeux sur le plafond du refuge. Encore un souvenir. Le soleil était déjà levé et l’air matinal s’engouffrait dans la petite bâtisse. Lahynn s’assit sur le lit, enfin reposée pour de bon. Le lit à ses pieds était vide. Attrapant une pomme posée sur la table de chevet, elle tomba sur un mot griffonné à la hâte par Tory :
« Je suis partie faire une ronde et trouver de quoi manger. Si tu veux te rafraichir, il y un lac en sortant du refuge. Passe entre les deux chênes et continue tout droit. »
C’est en se levant qu’elle remarqua les vêtements propres pliés à l’entrée de la bâtisse. Elle avisa son pyjama : elle ne s’était pas changée depuis son retour. En dépliant les amples vêtements, elle trouva une chemise en coton écru et un pantalon en toile taupe. Des couleurs sobres pour ne pas attirer l’attention. Croquant dans sa pomme elle se mit en chemin, sillonnant entre les imposants troncs de la Vieille Forêt. Les pins et autre conifères étaient aussi grands et robustes que des chênes, laissant rarement s'infiltrer la lumière. Il y régnait donc un froid humide, et une énergie apaisante semblait s'échapper des arbres.
Les arbres, les êtres les plus mystérieux et les plus sages de ce monde, encourageaient Lahynn à errer parmi leurs racines, et s'agitaient lorsque ses pieds manquaient de peu un jeune arbrisseau.
Les arbres chuchotent entre eux. Seul celui qui sait écouter, sait que ce n'est pas seulement le vent qui agite leurs branches, mais des murmures qui défilent comme des frissons, secouant leurs bras et faisant chanter leurs feuilles.
Toute cette magie, Lahynn ne la percevait pas, elle n'était qu'une simple humaine.
Au bout d'un court instant, la forêt laissa place à un tapis de verdure, une vingtaine de pas plus loin se dessinait un lac lisse comme un miroir, bordé de roches roses pâles et de roseaux aussi hauts qu’elle.
Elle se dirigea vers un imposant rocher étoffé de roseaux et de joncs. A l’abri des regards, elle se débarrassa de son pyjama et de son trognon de pomme, plongea la pointe du pied dans l'eau qui ne parût pas se mouvoir à ce contact. À sa grande surprise, le lac n'était pas aussi froid qu'il le présageait.
Les bras couvrant sa poitrine, elle s’immergea rapidement jusqu’aux épaules, ses longs cheveux s'étalèrent sur la surface lisse avant de passer à travers.
Tout était parfaitement calme. Il n'y avait que le bruit de son souffle, alentour un rideau de brume s'était posé, masquant l'orée de la forêt.
Bientôt elle aurait de nouveau des questions à poser, mais pour le moment elle savourait le calme environnant.
En sortant, elle se rendit compte qu’elle n’avait rien pour se sécher : son pyjama fit l’affaire, avant d’enfiler les vêtements en coton et en toile que lui avait laissé Tory. C’est une fois habillée, qu’elle se surprit à se demander s’il n’était pas en train de l’épier. Mais c’était un brouillard à couper au couteau qui était tombé à l’orée des arbres.
Vêtu de sa nouvelle tenue, son pyjama humide à la main, elle commença à rebrousser chemin quand un vrombissement sourd lui parvint. Un bruit quelque part dans la brume.
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