Chapitre 9 - Poison
— Ah ! Voilà enfin Tory, s'exclama Valcor, il a... Oh non...
Le jeune homme fît un geste vague de la main et de l’autre comprimait l’estafilade sur sa gorge.
— C'est rien, ça va...
— Qu'est-ce que c'était cette fois?
— C’était bien un Traqueur.
— Bon rentre, on va soigner ta plaie à la gorge.
Le garçon entra dans le refuge, lâcha sa gorge, la plaie s’était arrêter de saigner. Il s’accroupit devant la malle en bois et fouilla à la recherche de bandelettes à tremper dans de l’eau de rivière et de la poudre de cristal vert. Si l’épée du Traqueur contenait quel que poisons que ce soit, il n’en subirait par les symptômes.
Valcor le rejoint, les oreilles plaquées sur le crâne et l’œil inquiet.
— Tu es sûr que ça va ?
— Valcor…J’en ai vu d’autres. Ne t’en fait pas.
En vérité, il était inquiet pour Lahynn et ses questions se dirigeaient vers la rapidité à laquelle Tzaïr les avait retrouvé. Ils étaient en danger ainsi exposés.
Il trouva enfin les bandelettes.
— Il faut qu’on fasse appelle aux elfes, décréta Valcor en s’asseyant.
— On était censé les retrouver dès que la voie serait sans risque.
— Je le sais bien... Mais il a été plus rapide que prévu. Je sens dans l’air qu’il nous observe et je suis persuadé que le Traqueur était un rejeté.
Un rejeté. Une créature qui ne correspond pas aux standards de Tzaïr. Elles sont alors laissées à l’abandon, sans explication et coupées de tous liens télépathiques avec leur maître.
Errant comme les bêtes qu’elles sont.
Mourant comme des âmes en peine.
Chassées et montées en trophée par les braconniers.
Tory resta pensif quelques instants. Un souvenir voulait immerger, il savait ce qu’il était, mais ce n’était pas le moment, ni l’endroit de se laisser submerger par lui.
— Si tu sens ses Yeux, tu dois aussi sentir que les elfes vont venir nous porter secours.
Valcor ria dans le fond de sa gorge, ce qui ressemblait à un grognement entrecoupée.
— Ce sens, c’est toi qui le portes. Moi je me fie à mes cinq sens. Je sens dans mon épiderme et dans mon flair que quelque chose rôde. Je suis dépourvu d’Entité.
Valcor se tourna afin de sortir, puis se ravisa :
— Au fait, le Zàrd qui a voulu s’en prendre à Lahynn était jeune. Pas plus de trois semaines je dirais. Ses ailes n’étaient pas encore sorties de son dos.
— Donc sa queue ne contenait pas de poison.
— Dans le doute, prépare quand même un remède pour Lahynn. Je te l’envoie.
Tory acquiesça.
Penché sur un autre bol, Tory préparait une autre décoction d’eau et de poudre pour Lahynn. En attendant l’arrivée des elfes, Valcor s’était éclipsé pour faire une ronde et estimer la menace. Lahynn attendait les bras croisés dans l'entrebâillement de la maisonnette, les lèvres pincées.
— Ça va toi ? Les ennuis commencent on dir…
— Non ça ne va pas ! Même pas du tout à vrai dire !
— Mais qu'est-ce que...
— J'en ai marre ! Marre tu comprends ? Ras le bol de vos histoires, je m’en vais ! cria-t-elle
— Attends tu ne peux pas partir comme ça ! rétorqua-t-il en bondissant pour la rattraper par le bras, éberlué.
Lahynn avisa son bras puis jeta sur lui des yeux noirs de menace :
— Lâche-moi tout de suite, siffla-t-elle entre ses dents.
— Pas temps que tu auras retrouvé la raison. Je comprends que tu aies eu très peur, mais rentre calmement avec moi, sourit-il pour l’apaiser.
— Je ne me calmerai pas tant que tu n'arrêteras pas de prendre cet air niais ! Tu sais ce que tu es ? Tu n'es qu'un faible, un lâche qui se cache derrière un sourire pour montrer que tout va bien ! Mais c'est faux !
La mine du jeune homme se durcit, il articula entre ses dents :
— Là tu vas trop loin.
— Trop loin ? railla-t-elle en dégageant son bras, mais il n'y a que la vérité qui blesse mon cher ! Et moi ? Tu as pensé à ce que je ressens depuis que je suis là ! Hein ? Tu as pensé que peut être j'étais morte d'inquiétude à l'idée de mourir ici ? Tu y as pensé ? Mais si par malheur je dis ce que je pense, je vais trop loin ! C'est ça ? Eh bien puisque je dérange, je vais t'enlever une épine du pied, j'irai me poser des questions ailleurs ! Comme ça tu pourras recommencer ta vie paisible à chasser, et jouer à l'aventurier ! Moi je m'en vais, loin de toi et de tes mensonges ! cria-t-elle en faisant des moulinets avec ses bras.
— Mais attend ! On va se poser autour d’un bon repas et en parler calmement.
— Vas te faire voir !
Alors qu'elle commencer à s'éloigner, Tory lui lança :
— Eh bien part, idiote ! Vas-y, si le danger ne te fais peur, va faire ta vie ailleurs, c'est plus mon problème ! De toute façon tu n'es qu'une hypocrite et une égoïste.
Puis il rentra.
Lahynn s'arrêta net, et fît volte-face.
— Tu oses ? ! Moi qui te croyais plus réfléchi, tu n'es qu'un... Oh...
Le monde vacilla et elle s'effondra à terre.
— Alors ? Je ne suis qu'un quoi ? Tu n'as plus d'arguments ?
Il sortit fulminant et voulu continuer mais se stoppa :
— ... Lahynn ? il aperçut son corps inerte, Lahynn !
Il courut et la secoua pour la réveiller, mais elle ne réagit pas. Il se résolu donc à la porter jusqu'à son lit :
— On peut dire que t'as bien choisie ton moment toi ! …
~~~~~~
« — Héwine je ne suis plus loin à présent, tu ressens comme moi sa volonté l'abandonner, je ferais mon possible.
— Faites attention à vôtre ressource magique. Votre corps vous le fera savoir. »
Lenjja sourit intérieurement. Elle avait raison. Ainsi métamorphosé grâce au pouvoir de son Entité, il mettait sa vie en danger. Mais il se reposerait une fois que Lahynn serait en sécurité. L’Espoir avait refait surface, cela valait largement la peine.
~~~~~~
Valcor déboula dans la demeure, stupéfait et inquiet :
— J'ai entendus des cris, qu'est-ce qu’il s’est passé?
— Elle s’est évanouie Valcor ! Et je ne sais pas quoi faire ! ...
Il fît retomber ses épaules avec une impuissance manifeste. Une bandelette gorgée d’eau et de poudre de cristal vert, dans la main.
La peau de Lahynn était livide, même ses lèvres avaient perdu de leurs couleurs. Mais le plus inquiétant était sa balafre à la joue, qui s'était remise à saigner, mélangée à une sorte de lymphe. Tory plongea le chiffon dans le bol d'eau chaude, pour tamponner de nouveau sa joue. Sa peau était aussi froide qu'une morte.
— C'est ma faute… Je n’aurais pas dût m'emporter comme ça, quel idiot ! Mais pourquoi Valcor ? Pourquoi je fais toujours tout de travers ! Elle a raison… Je ne suis qu'un lâche.
— Ne te sens pas coupable Tory. Tu es une bonne personne. Si ta prédiction est juste, nous allons recevoir un avis éclairé.
— Espérons qu’il ne sera pas trop tard…
Le soleil commençait à décliner, et Lahynn ne reprenait toujours pas ses esprits. Tous deux avaient veillé sur elle, pour percevoir le moindre signe, mais elle semblait être sous l'emprise d'un profond coma.
Sa blessure ne se résignait pas à guérir, et la sueur formait de grosses bulles sur son front et trempa bientôt tout son corps glacé, malgré les couvertures de laine pour la réchauffer. Tory garda sa main dans la sienne, dans l’espoir qu’un peu de chaleur lui permettrait de se ressaisir.
Ils patientèrent. Impatients et trépignants sur place. Soudain, le garçon et le loup furent prit d'une violente vague de fatigue, qui les obligèrent à fermer les yeux.
Ils étaient sourds.
Muets.
Aveugles.
Un trou noir.
Un vide.
« Tory… »
Une lumière éclatante l'éblouit, il voulût mettre sa main en visière, mais il n'avait plus de main. Plus de corps. Juste ses sens en éveils.
Une forme humaine apparue progressivement, atténuant l'éclat. Elle flottait dans les airs, des voiles et des rubans violets, bleus et blancs voletaient autour d'elle, comme ses cheveux de jais.
«Héwine…» pensa Tory, incapable de bouger, ou de parler. Il était seulement une forme immatérielle, semblable à une boule d'énergie.
« — Mon père arrive et va prendre en charge la suite des opérations. Merci de nous l’avoir amené jusqu’ici.
— Mais nous avions convenu que je vous l’amènerais !
— Ne t’en fait pas, nous allons prendre soin d’elle et la garder en sécurité pour l’aider à accomplir ce pourquoi elle est née.
— Et tu vas laisser nos corps plantés là ?
Elle sourit et pencha la tête sur le côté.
— Tu t’y es déjà attaché ? avant de le laisser rétorquer, elle ajouta :
— De toute façon le rituel de mon père risquerait de faire ricocher l’emprise sur l’un de vous, si je ne vous tiens pas à l’écart.
— Tu as donc une emprise sur nos Esprits et mon Entité ?
Elle se mit à applaudir lentement :
— Tu saisis vite, Passeur ! »
Tory voulût répliquer, mais elle disparût aussi vite qu'elle était venu. Le décor s'évanouit, et ce fut de nouveau le trou noir.
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