Chapitre 13 - Le monde des dieux
Lorsque Lahynn ouvrit les yeux, elle était nouveau bordée dans les draps en soie. Elle souffla d’agacement : « Je me suis encore évanouie ! ».
Elle s’assit pour la seconde fois dans ce matelas moelleux, comme si le chapitre précédent recommençait. Elle se trouva face à elle les deux elfes, Lenjja assis au pied du lit, Héwine les bras croisés, Tory qui la regardait inquiet, Valcor qui avait posé ses deux antérieurs sur le lit et un homme grand et blond, au fond de la pièce.
Tous la regardais, silencieux.
Elle aurait voulu se terrer sous les draps, mais elle devait faire face à ces yeux braqués sur elle. Sentant que le poids de leur regard commençait à devenir de plus en plus embarrassant, elle se racla la gorge :
— Je suis désolée, lâcha-t-elle.
La pression retomba aussitôt et Lenjja prit la parole en premier.
— C’est nous qui sommes désolés, Lahynn.
— Vous avez l’air inquiet…
— On voulait être sûr que tu avais repris totalement le contrôle de toi-même, reprit Tory.
Lahynn se souvenait de manière lointaine de sa course frénétique à la recherche de la liberté et de ses instincts qui avaient pris possession de sa raison.
Elle se souvenait avoir pris de plein fouet une masse de poils longs, sans odeur, qui l’avaient aidé à revenir dans son corps. Puis de nouveau le vide.
Lahynn sentit une présence chaude et moelleuse se coller à elle. Lenjja faisait un dernier examen de son esprit et de ses émotions.
Il retira enfin la présence et congédia tout le monde de la chambre. Il n’y avait plus rien à craindre et il devait continuer de parler en privé à la jeune fille.
Lenjja prît le temps de lui expliquer tout depuis le début, à commencer par l'histoire de cette petite planète et de son panthéon de dieux.
Pour commencer, les deux dieux à l’origine de la guerre de religion actuelle, Iéonïsse et Isâârd. L'harmonie et le chaos, l'amour et l'affrontement, la guérison et la souffrance.
Puis il lui narra la prophétie de ces dieux, leur combat et l'explosion qui s'en suivit. Puis comment Isâârd tua en premier sa compagne et comment ils parvinrent à se réincarner de siècles en siècles, en un cycle infini de temps de paix et de temps de chaos.
Au-dessus d’eux régnaient les quatre dieux fondateurs de ce monde.
Thedehus, dieu du temps, des saisons et à l’origine de la loi Thedehus, celle qui efface la mémoire de ceux qui passent de mondes en mondes et retarde ou accélère le vieillissement.
Onireyèll, déesse du monde des rêves, de l’inconscient et du premier monde, celui de l’inconstruit.
Gartèm, dieu de la gravité et de l’encrage de l’Entité dans le corps. Egalement du deuxième monde, celui dans lequel chaque être se meut.
Viémiène, déesse de la vie et de la mort. Egalement du troisième monde, celui qui offre un répit aux âmes avant d’entamer le voyage vers la réincarnation.
Il lui énonça également la présence des dieux parallèles, le jour et la nuit. Le soleil et la lune. Le dieu et la déesse, Ezhop et Ouménaléa.
Lahynn essayait de retenir tous ces nouveaux noms. Ces dieux qui représentaient à présent sa nouvelle vie.
Elle pouvait visualiser cette nouvelle pyramide déifiée. A sa base, se trouvait les deux dieux de la paix et de du chaos.
Puis venait les quatre dieux fondateurs.
Les dieux parallèle ne faisait pas partie de la pyramide, car ils étaient présent bien avant la vie sur Ortilâ.
Et au sommet de cette pyramide se trouvait le dieu Suprême. Le dieu des dieux. Dieu du destin de chacun. Pardéhouss.
Chacun des dieux étaient vénérés et craints à la fois. Certains croyants avaient même érigé un culte en leur nom. Ainsi, il existait des royaumes prônant certains dieux et construisant une religion, des valeurs et un mode de vie autour de la divinité. Le culte d’Iéonïsse avait pris naissance dans la région où se trouvait Lahynn. La plupart des populations avaient une confiance infinie en son incommensurable amour maternel. La déesse représentait l’antidote face au poison d’Isâârd. Elle était l’incarnation d’une mère protectrice et dévouée.
Des prières avaient même était rédigées en son nom, commençant toujours par « Iéonïsse, Mère de nos mères. »
L’histoire autour du combat entre Iéonïsse et Isâârd, racontait également que de leur affrontement avait planté une graine au sein du néant, qui avait alors fait jaillir six fragments d’une âme. Ces six fragments seront ensuite nommés par les premiers Hommes comme tel : Chéldèm, Sheyva, Êwa, Stënère, Valcor et Vèzrine. Ce qui, en ancien langage voulait dire : Feu, Eau, Air, Terre, Foudre et Glace.
Cette histoire, Lenjja la raconta à Lahynn, en lui tendant l’épais grimoire d’Altan Hùr, le messager du dieu Suprême. Le titre « A la recherche de la vérité. » était inscrit en lettre dorées sur la couverture reliée de cuir. Cette prophétie autour des six éléments était enseignée dès le plus jeune âge aux enfants.
Mais était-ce la véritable histoire de la naissance des six éléments ? Seuls les dieux fondateurs avaient la réponse.
En attendant, Lahynn ne pouvait pas remettre en cause les dires de Lenjja et de ce grimoire. Elle apprit également que les six éléments étaient eux aussi vénérés par différents peuples. Ces peuples étaient rarement rattachés à la royauté, car les six éléments ne faisaient pas partie de la hiérarchie divine. Ils étaient affectés au rang de Gardiens. Une catégorie entre les dieux et les Hommes.
— Les six éléments sont la clé qui permettra de faire cesser cette guerre de religion. Les avoir à ses côtés, c’est s’assurer une protection pendant plusieurs centaines d’années. Tzaïr a tenté de les convaincre de se rallier à lui. Un seul s’est laissé duper et a ignoré les avertissements des autres. Il se pensait plus fort que le dieu du chaos.
— Lequel ?
— Chéldèm. Le gardien du feu… Tzaïr l’a forcé à lui donner son pouvoir. En extirpant son âme, celle-ci a explosé en trois parties. Tzaïr aurait réussi à attraper l’Immunité. Le Contrôle et le Pouvoir auraient réussi à s’enfuir et se cacher quelque part sur Ortilâ. Il ne restait que l’essence de Vie du gardien. Selon mes sources, Chéldèm aurait été réincarné de force dans une enveloppe charnelle. Les dieux seuls savent où il se trouve aujourd‘hui, sans aucun doute dans une amnésie la plus totale.
— C’est affreux…
Lahynn en avait le souffle coupé. Par cupidité, le gardien du feu errait à présent comme une âme en peine.
— Et les autres ?
— Les autres… A en juger de la faiblesse des éléments depuis plus de douze ans, je pense qu’ils ont subi le même sort.
Depuis que les élémentaires, avaient été approché par Tzaïr, tous les éléments n’étaient que l’ombre d’eux même. Les ruisseaux se tarissaient, les feux des camps n’étaient que de petits brasiers, les arbres poussaient plus lentement et les récoltes étaient difficiles. Le vent n’était qu’une bise quotidienne, le mont enneigés voyait sa robe se raccourcir chaque année. Seul le tonnerre avait encore un grondement, tout de même affaiblie. Les élémentaires étaient voués à finir leurs jours dans des corps de mortels, amnésiques et dépossédés de tout pouvoir.
— Tzaïr a commis bien des actes pendant toutes ces années et même bien avant ta naissance. Tout est resté dans le plus grand secret. Il est fin stratège et fourbe. C’est pourquoi ce silence depuis ton arrivée, ne présage rien de bon.
— Et la panthère ?
— Le Zàrd n’était qu’un avertissement…
Lenjja marqua une pause. Il parut hésiter à continuer de lui parler de l’histoire d’Ortilâ. Lahynn se mit à caresser le bijou que sa tante lui avait légué avant son arrivée, même si Isindh était d’une froideur ordinaire pour un bijou en argent, il avait beaucoup de valeurs à ses yeux et lui paraissait presque tiède au contact de ses doigts.
— Alna, ta tante, ne m’étais pas inconnu (Lahynn leva les yeux vers lui) à vrai dire, elle était connu d’un grand nombre de personnes, reprît Lenjja à brûle pourpoint.
— Qu’est-ce que vous voulez dire ?
— Elle était la femme de Jériio.
La nouvelle tomba lourdement dans son estomac, elle crispa ses doigts sur le bijou et ses yeux s’accrochèrent à la manche bleue de l’elfe.
— La femme de Tzaïr ?...
— Tzaïr est né par la suite. Non, elle était la femme de l’homme qui renferme le dieu du chaos.
— Comment c’est possible ? Elle ne le savait pas ?
— Le jour où il a révélé sa vraie nature, elle a fuis avec toi…
— Mais son fils ? …
— Elle n’a pas pût l’emmener. J’ignore encore la raison, mais elle a fait le choix de te sauver toi.
Lahynn fixait encore la manche d’un bleue pâle, presque lilas. Son cœur se serrait, elle s’en voulait de ne pas se souvenir de sa sauveuse. Elle qui avait sacrifié sa vie et son fils pour la sauver, elle.
— Ou est-il aujourd’hui ?
— Dénaël vit avec son père, au manoir. Ils vivent sur un territoire appelé la Terre du Regard. C’est à plusieurs centaines de kilomètres à l’Ouest.
— Alors il faut aller le sauver !
Lahynn repoussa ses couvertures, mut par une soudaine détermination.
Lenjja ne broncha pas.
Elle posa ses pieds sur le tapis épais et flageola un peu en se levant, elle portait encore ses vêtements en toile. Elle se dirigea vers le miroir de la coiffeuse : Ses yeux étaient tirés de cernes noirs, marquant encore plus le gris de ses pupilles. Ses cheveux bruns étaient en bataille et emmêlés. Ses boucles étaient désordonnées et floues. Elle était pâle, mais l’air de l’extérieur lui redonnerait vie. Elle était vivante et c’est tout ce qui comptait !
Elle rassembla ses cheveux en arrière, se saisie d’un lien en cuir posé sur la coiffeuse et se tourna vers Lenjja.
— Je suis prête ! lança-t-elle
Tout du long l’elfe l’avait observé avec une pointe d’amusement.
— Et sais-tu ou se trouve l’Ouest ?
— Vous allez me le dire ! Et ma mission sera de délivrer Dénaël des griffes de son père pour qu’il retrouve sa mère.
— C’est une action louable. Malheureusement, plusieurs éléments sont à prendre en compte : Tu ne sais ni te battre avec une arme au poing, ni maîtriser ton Entité. Tu ne connais pas encore les lois de ce monde, ni son histoire et tu as une mission avant celle-là.
— Quand est-ce que je serais prête ?
— Je n’ai pas de valeur de temps à te donner. Seule la valeur du cœur compte. Garde cet objectif en tête.
— Par quoi on commence alors ?
— Déjà, je vais finir de t’expliquer le rôle que tu auras à jouer. Tu as compris que tu étais une pourvue, tu possèdes une Entité qui est à la fois une bénédiction et malédiction. Elle permet d’ouvrir la porte à ton pouvoir, mais elle est aussi étroitement liée à tes émotions. Les prédateurs sont liés à la colère et les proies sont liées à la peur. Sur Ortilâ la moitié de la population est pourvue. Depuis le retour d’Isâârd, le nombre de pourvus a quasiment doublé, face à la menace. Les non-pourvus sont plus vulnérables et se font plus facilement attraper.
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