9 février 2235

Orbite de la planète naine B-216, terrain neutre entre la république Mercure et l’empire Asura

Vaisseau diplomatique "Le gris"

L’homme blond progresse à grands pas dans le couloir, sans s’occuper des gardes chargés de l’escorter.

Comme si quelqu’un de son importance allait ralentir le pas pour d’anonymes tas de muscles alourdis par leurs équipements ! Et s’ils ne s’en pas content, qu’ils se plaignent à leur chef de ne pas leur avoir fourni un matériel moins encombrant… comme ceux de son invention.

Après tout, c’est parfaitement possible étant donné que la paix a été signée !

Puis finalement, ils parviennent à leur destination, dont la porte s’ouvre automatiquement à leur approche.

« Bonjour, Théo. J’ai pris la peine de programmer le système pour t’ouvrir, histoire de t’épargner l’effort de le pirater comme tu en as l’habitude. » Salut celui qui se trouve déjà à l’intérieur de la pièce, assit à la table du salon, un verre à la main.

Le nouveau venu plisse les yeux, mécontent d’avoir été privé de son petit plaisir de hackeur, mais il fait prend sur lui de ne pas trop le montrer.

« C’est… très aimable de ta part, Olivier. »

« Et puis, ainsi, j’épargne aussi un peu les nerfs de ces messieurs de la sécurité qui aurait assurément été bien embarrassé de te voir pirater leur système. Nous sommes en terrain neutre, évitons les actions peu diplomatiques ! »

Le plus grand cerveau de l’empire Asura dévoile ses dents en un sourire crispé.

« Certes... Une situation qui va réduire mes sujets de testes pour mes canons, d'ailleurs... »

Le génie de la république Mercure esquisse pour sa part un rictus amusé, avant de reporter son attention vers celui que son confrère et rival porte.

« Voilà donc le fils dont tu m’as tant vanté les mérites… »

L’intéressé tourne ses grands cuivres vers l’adulte, sans lâcher le cou de son géniteur.

Un silence passe, au terme duquel le scientifique impérial vient s’approcher pour effectuer plus avant les présentations.

« Olivier, voici Adam. Adam, voici Olivier. Je t’en ai parlé de nombreuses fois, tu te rappelles ? »

L’enfant hoche la tête, avec un regard d’une fixité surnaturel…

« Il a cinq ans, mais il est très timide, comme tu peux le voir. »

« Effectivement… Je t’intimide, bonhomme, n’est-ce pas ? J’ai une fille, de trois ans ton ainé. Tu veux la rencontrer ? »

« …Ève. » Murmure le garçonnet, une lueur s’allumant dans ses prunelles.

« Oh, ton père t’en a parlé… » constate le scientifique en blanc, en dévisageant avec une pointe de suspicion son équivalent Asurien,

« Oui. Je considère que ta fille et lui sont l’avenir de la science. Normal que je lui ai parlé d’elle, non ? »

Le Mercurien n’approuve que du bout du menton, pas bien convaincu et habitué au côté parfois sournois de Théo.

« …Elle est dans la pièce à côté, viens. »

Il se lève là-dessus, pour leur ouvrir la marche vers une porte qu’il ouvre, dévoilant une chambre pour enfant au mobilier moderne.

Une fille de huit ans est assise sur le tapis en forme de fusée, concentré sur une tour de bric-à-brac, dont la forme fait se questionner sur sa capacité à tenir debout…

« Ma loupiote ? Tu peux venir un instant ? »

L’enfant pose avec application un stylo sur sa structure, qui trouve sa place dans un équilibre aussi improbable que précis, puis se lève doucement pour rejoindre à petit pas posé les adultes.

Ses yeux verts s’aimantent aussitôt à ceux métalliques d’Adam à peine leurs regards se sont croisés.

« Ève, je te présente le fils de Théo, … »

« Adam. »

L’inventeur vêtu de sombre laisse échapper un bref ricanement railleur.

« Tiens, tiens ? Toi aussi tu as parlé de mon enfant au tien ! »

« Mmm… Ma chérie, suite à la signature du traité de paix entre la république et l’empire : Théo et moi devons discuter de beaucoup de choses concernant l’avenir… Adam va rester avec toi pendant ce temps, cela te convient ? »

La fillette approuve, une flamme de maturité dans ses yeux.

« Excellent ! Tu es son ainée, je te fais confiance. »

Et sur ces paroles, les inventeurs géniaux laissent leur progéniture seule.

Les deux se dévisagent pendant précisément 22 secondes sans rien dire, puis le plus jeune demande de but en blanc : « C’est vrai que ta maman est pilote ? »

« Oui. Et toi ? »

« Je n’ai pas de maman. Papa m’a conçu tout seul, dans une cuve. »

Eve arque les sourcils, interloquée.

« C’est triste ! »

« Je ne sais pas. Je connais le principe de père et mère à travers ce que j’ai lu, mais ça ne m’a jamais manqué. »

« Je confirme : c’est triste. »

Le garçon penche la tête sur le côté, une note de curiosité dans sa posture.

« Mon père m’a mis onze fois en présence d’autres enfants, d’âges divers, mais aucun n’avait ton comportement. Tu ressembles à une adulte, pas à une gamine de huit ans. »

« Tout comme toi tu n’as pas l’air d’avoir cinq ans. Surtout au niveau du vocabulaire. »

Les deux ont un demi-sourire aux lèvres, désormais, se jaugeant mutuellement avec une touche d’amusement.

« Normalement, je ne perds pas de temps à parler aux gens. Ton père et toi êtes les premiers avoir qui j’ai envie de discuter des heures durant. »

« Tu ressembles à une machine, avec ce ton froid, c’est marrant ! »

C'est son tour d'arquer les sourcils.

« …"marrant" ? Les autres enfants me trouvaient inquiétant, bizarre et inamical. Pas "marrant"… »

« Ils sont idiots et conformiste, c’est tout ! Moi ça me donne envie de chercher tout ce qui pourrait être susceptible de te faire réagir... J'adore chercher. »

« Tu veux faire de moi ton cobaye, en d'autres mots. »

« Ouais, c'est tout à fait ça. Ah ! J’oubliais de te demander : est-ce que cela te dérange ? Papa a dit que je devais avoir la permission pour faire des expériences sur les gens… »

« Je suis d’accord. Et toi, tu pourrais m’apprendre à faire des tours comme la tienne ? C’est sur le principe de la tenségrité, je me trompe ? Et si tu as d'autres choses à m'apprendre sur la culture Mercurienne, je ne suis pas contre. »

« Je n'ai jamais croisé personne d'autre qui s'amuse à faire des tours comme moi. Mais pas de problème, je peux t'apprendre tout ça. »

Les deux nouveaux amis s’assoient donc sur le tapis là-dessus, procédant à leurs apprentissages respectifs, chacun curieux l’un de l’autre, comme les futurs grands esprits avides qu’ils commencent déjà à fortement être.