Fiona

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Ah, marcher sur le sable, par tous les temps...

  • Fiona, combien de fois devrais-je te le dire, regarde où tu mets les pieds quand tu trottes .

La fillette ne répondit pas, elle trouvait sa mère dure et distante en ce moment, mais elle ne lui en voulait pas, elle savait, tout n'était pas rose pour elle. Fiona se baissa, ramassa rapidement l’objet et le fourra dans son petit sac à dos, sa mère ne s'était pas retournée et ne l'avait donc pas vue.

Fiona connaissait chaque parcelle de ce petit bout de terre, elle l'arpentait avec curiosité depuis un mois déjà; chaque recoin était une cachette, chaque promontoire, un mirador où elle aimait se dissimuler, se percher pour observer les oiseaux, les animaux marins qui déambulaient sur le sable fin.

La silhouette de sa mère était son point de repère, ce matin-là. Elle aimait la voir courir, les cheveux dans le vent et réalisa que c'était un des rares moments où son visage semblait serein . Elle le pressentait, cela ne servirait à rien de la questionner, au mieux elle niera, au pire elle grognera. Voilà sa mère était une ourse en ce moment. Qu'à cela ne tienne, il lui faudrait lui trouver un ours, ça lui irait bien un ours, peut être verra-t-elle alors, revenir, un vrai sourire sur ce visage trop sérieux.

Mais elle était bien trop jeune pour s'inquiéter du monde des adultes, elle avait bien trop de soucis et de problèmes à régler elle-même. Elle n'aimait pas sa nouvelle école, cette maitresse bien trop sévère qui lui criait toujours dessus. Et les filles de sa classe, toutes des chipies, il n'y avait qu'avec les garçons que le courant passait plutôt bien; c'est simple à vivre un petit gars :

  • Tu joues au foot !
  • Ouais !
  • Tu viens courir !
  • Ouais !
  • Tu aimes bien jouer avec une fille ?
  • On joue au foot et on court, et pis c'est tout !

Le problème, avec la maitresse c'était qu'elle la questionnait tout le temps :

Fiona, a la place de courir sur la plage et observer les goélands tu devrais réviser tes leçons, as tu déjà ouvert ton livre de lecture au moins ?

Ce n'était pas sa faute, le a et le u donnaient le o, le I et l’y grec n'étaient pas à côté dans l'alphabet, alors que le V et le W l'étaient, elle confondait consonne et voyelle. Le S à la fin ne se prononçait jamais alors que le E toujours. Elle avait essayé d'en parler, mais on y avait répondu

  • Fiona, Fiona, si tu ouvrais ton livre magique que je vous ai donné, tu le saurais.

Elle avait été punie ce jour-là, car elle lui avait tiré la langue pour se défendre...

En se souvenant de cela de petites perles lui venaient au coin des yeux, elle marcha vite et attrapa la main de sa mère. Les battements de son coeur c'étaient accélérés quand elle sentit la caresse du pouce de Morgane sur sa paume, contact éphémère apprécié par Fiona qui n'en attendait pas tant tu cette simple caresse venait de l'emporter dans un univers de douceur. Main dans la main elles avançaient en silence radieux par cette douce matinée de printemps.

Une fois seule dans sa chambre,Fiona jeta son sac sur son lit au lieu de le poser, oubliant la bouteille qui aurait pu se briser. Elle jura.

  • Quel est ce Bruit, putain !

Dans la pièce d'à côté, sa mère avait entendu et la gourmandait déjà

  • Fiona quel vilain mot j’ai entendu ! que fais-tu ?

Surtout éviter à tout prix que sa mère entre dans la pièce avant qu'elle n'ait pu mettre en lieu sûr son nouveau trésor. Ouf, le verre ne s'était pas brisé !

Sa mère réitéra la question

  • Fiona, quelle était l'origine de ce juron si tu fais encore des bêtises ?
  • Non maman, j'ai failli tomber, mentit-elle, tout va bien, je m'excuse, j'aurais dû dire Cornebidouille de cornebidouille comme une petite sorcière que je suis !

Ouf, elle l'avait échappé belle, elle entendait maintenant le téléphone sonner, ce devait être sa mamie, elle téléphonait tous les jours, sa mère en aurait pour au moins vingt minutes, ensuite, elle lui passera l'appareil. Elle ne savait jamais que dire à cette vieille personne qui lui faisait un peu peur, mais elle devait la respecter, car elle était malade et fragile, du moins c'était sa mère qui le disait.

Elle sortit avec précaution le flacon de son sac, l'observa, il devait y avoir le plan d'un trésor à l'intérieur. Délicatement elle retira le petit bouchon en liège et attrapa avec ses petits doigts fins le parchemin roulé à l'intérieur

Horreur ! Pas de plan, mais, a la place , une lettre indéchiffrable ! sauf si...le livre magique de la maitresse, il fallait qu'elle se dépêche, le ton de la voix au téléphone avait changé, bientôt sa mère l'appellerait. Justement, tiens voilà !

  • Fiona, tu viens, ta mamie est au téléphone...

Vite, elle enroula la lettre rapidement, en faisant bien attention, son séjour dans l'eau de mer l'avait rendu friable. Elle emporta aussi le livre magique, ouvrit précautionneusement la fenêtre et s'enfuie par le jardin, non elle n'avait aucune envie de parler à même dragon, qui allait encore lui demander si elle savait enfin lire.

À l'angle de sa maison, se dressait une autre maison, presque identique à la sienne en pierre rose et toit de chaume. L'homme qui l'habitait était son ami, elle toqua à sa porte, il lui ouvrit, ce vieux bonhomme à la barbe blanche de père Noël sentait bon le feu de bois, les embruns, le varech et le caramel beurre salé...il chaussa ses vieilles bésicles et dit :

  • Fiona quel bon vent t'emmène, ta mère sait elle que tu es là ?
  • Eh hum oui !
  • Ne ment pas, Fiona, ton nez risque de s'allonger...tu lui reproches quoi à Morgane aujourd'hui ?
  • R..., rien Papy Phil, je ne voulais pas mentir à mamie dragon
  • Tu n'es pas très sympa avec cette brave Danielle, elle va te demander si tu as progressé en lecture, c'est ça. Il te faudra bien apprendre un jour !
  • Justement Papy Phil, j'ai une lettre à traduire...
  • Bon écoutes, je te prête, un beau livre, l'ile au trésor de monsieur Stevenson. Je le mets sur la table, je vais téléphoner à ta maman pour la rassurer que tu es avec moi. Après on mangera des crêpes en traduisant ta lettre, mais c'est toi qui travailleras...
    Fiona ne voulait pas travailler, il l'ennuyait Papy Phil, et puis si sa maman n'était pas d'accord, il faudrait qu'elle rentre, qu'elle téléphone à mamie dragon, elle ne voulait pas, ils étaient embêtants les adultes. Elle profita du fait qu'il tourne le dos pour s'esquiver... Elle avait un plan, elle irait au port...

Elle rasa la haie de troènes pour ne pas que le vieux monsieur la voie quitter sa maison, elle pestait

C'est pour ça qu'il est gros Papy Phil, il veut toujours manger des crêpes, des gaufres, du caramel...et puis il cafte, il dit tout à maman, je ne peux pas lui faire confiance.

Le port n'était pas très loin, on le voyait de la fenêtre du vieux monsieur...Tous les bateaux étaient partis pour la pêche, la météo était bonne...Elle pestait à nouveau.

Je souhaite que tous les filets se déchirent, pauvre petit Poissons...Moi, si je pouvais, je ne mangerais que des carottes et du poulet, c'est idiot les poulets, on peut les manger les poulets, mais les poissons qui nagent dans l'eau c'est trop beau...

Seul le vieux Popeye était assis sur son banc, il attendait le retour des bateaux, il s'ennuyait depuis qu'il ne pouvait plus travailler, il avait été pêcheur avant d'être vieux ,mais Gaspard, son fils ne voulait plus qu'il aille en mer, c'était trop dangereux, lui disait-il. Alors, depuis Popeye s'ennuyait. Qu'il vente, qu'il pleuve ou qu'il fasse beau comme aujourd'hui, il était assis, sur son banc, face à la mer et il guettait, les bateaux.

Fiona s'approcha à pas de loup du vieux marin et l'interpella.

  • Dis Popeye, tu peux me lire l'ile au Trésor? Je l'ai dans mon sac, c'est Papy Phil qui me l'a donné, mais je ne sais pas lire .

Ce dernier, se retourna, l'arrivée de la gamine ressemblait à une bouffée d'oxygène, il souriait de toutes ses rides, il prit le livre que la petite fille lui tendit et l'invita a s'asseoir à ses côtés, sur la digue et plissant ses larges sourcils broussailleux, il dit enfin:

  • Je ne suis pas le meilleur lecteur du monde, je peux te raconter des histoires, tu veux que je te raconte une histoire ?
  • Non, je voudrais que tu lises mon livre
  • Et bien, nous allons le lire ensemble alors, je vais te montrer les lettres et le son qu'elles font
  • Tu m'ennuies Popeye, je ne sais pas lire, au revoir

La gamine, brusquement arracha le livre des mains du vieux marin, le ferma et le rangea dans son petit sac...

Les lettres, elle les connaissait, elle connaissait l'alphabet par coeur, mais elle ne comprenait pas comment on pouvait leur arracher un son, dans le grand livre magique que lui avait donné la maitresse, il y avait des groupes de lettres, Le A et le I, ça faisait pour elle A et I, lorsque la maitresse disait que ça faisait é. et les autres élèves répétaient bêtement ééé, et quand on mettait un tréma sur le i, le son n'était plus é, mais A et I, sans oublier toutes les autres façons de faire é, avec un T, un S et un T...quelquefois aussi on disait é, ou è, ou ê...

Elle tourna le dos au vieux marin qui n'y comprenait rien et s'engouffra dans la bibliothèque à l'angle de la rue. La bibliothécaire, une jeune femme très jolie avait le dos tourné, elle discutait et riait avec un beau jeune homme blond. Elle pestait, Magalie est jolie, Magalie est mariée, elle devrait laisser le beau blond aux autres femmes. À sa maman par exemple, elle l'entendait pleurer tous les soirs. Le beau blond devrait se raser, il serait plus beau sans barbe, elle était sûre Fionna, que cet homme pouvait rendre le sourire à sa maman, mais il préférait rire bêtement avec Magalie la pas jolie.

Fionna s'installa en trombe au bout de la pièce, là où étaient entreposés les livres, 0 à 3 ans...elle prit au hasard un Papoum, qu'elle connaissait par coeur.

  • Fionna, lui dit Magalie, tu fais quoi, tu le sais bien, ce coin est interdit aux grandes de ton âge... Je dis au revoir à Pierre, le nouveau gardien du phare de la pointe et je suis à toi

ainsi, il s'appelait Pierre et il habitait à l'autre bout de l'ile...elle posa son Papoum, de toute façon cette histoire ne l'intéressait plus, elle faisait trop bébé, la bibliothécaire avait raison. Mais comme elle ne savait pas lire... Mentalement ,elle épela le mot bibliothécaire. B,i, b, l, i, o ,t, euh, ensuite il y avait un H, il lui semblait,et là ça se corsait, il devait y avoir un E, avec accent, de quel coté l'accent. Le plus compliqué c'était la fin, alors que bibliothèque s'écrivait avec un Q et un U, à bibliothécaire, c'était un c et la son é, était remplacé par...un a et un i,à la fin il y avait un R et un E, si les bibliothécaires étaient plusieurs on devrait mettre un s’à la fin, un s muet !

Perdue dans ses pensées, elle n'entendit pas Magalie arriver et s'installer à côté d'elle sur les tapis.

  • Tiens, Fionna, je te prête mon plus beau livre, Tintin et le secret de la Licorne.
  • Madame, je crois que je sais lire...
  • Tu te moques de moi Fionna, tu étais avec le bonnet d'âne mardi au fond de la classe de madame Picoiseaux...
  • Si, si, je te promets , donne-moi une feuille et un stylo
  • Tiens et quel mot veux-tu écrire
  • Bibliothèque et Bibliothécaire
  • Il y a plus simple non, mais comme tu voudras, voici la feuille et le crayon...

Alors, Fionna, se cala bien contre le coussin, déposa bien à plat la feuille qu'on venait de lui donner sur l'album de Tintin écrivit, B,i, b,l,i,o,t,h,é,q,u,e e,t,B,i,b,l,i,o, t,é,c,a,i,r,e

  • Mais c'est merveilleux ça
  • Maintenant, je vais voir si je sais vraiment lire...

Elle posa à terre son petit sac à dos et sortit la bouteille qu'elle venait de trouver ...

Magalie observa gourmande le trésor que la gamine venait de trouver, elle en avait de la ressource cette Fionna, observatrice, têtue, intelligente...Elle avait déroulé enfin le vieux parchemin et commençait à le lire, elle lisait bien en plus, sans accrocs, quelle peste cette gamine, elle devait savoir lire depuis longtemps en plus

bonjours, je suis le nouveau gardien du phare, si vous trouvez la bouteille de pirate que je viens d'enterrer dans le sable c'est que vous êtes invités à venir boire un verre de rhum dans la tanière d'un vieux loup de mer. Mercredi soir à partir de 17 h, enfants bienvenus, je suis gardien de la mer à temps plein, affabulateur, conteur le reste du temps !

Quel malin ce pierre, quel magnétisme, et ces yeux, pensait Magalie...le regard perdu dans le vague!

  • Oh là, là ! pesta Fionna, ce n’est même pas une vraie bouteille, d'un vrai naufragé !

Magalie, se pinça les lèvres pour ne pas rire. La déception de la petite était trop évidente pour être moquée. Elle prétexta une envie pressante d'aller aux toilettes pour se débarrasser d'elle, il était l'heure de fermer la médiathèque, de plus, sa mère devait certainement la chercher partout.

Justement, tiens quand on pense au loup, on en voit la queue. Morgane venait de rentrer dans la pièce. Elle interpella la jeune lectrice;

  • Ah ? te voilà, ma coquine, je te cherche partout, je commençais à m'inquiéter !
  • Oui maman, je ne le ferais plus... minauda la gamine.
  • Bon, il va falloir te faire belle, on sort ce soir ! Pierre, le nouveau gardien de phare nous a invités.
  • Dis maman, tu vas te faire belle ?
  • Oui ma fille, je mettrai ma petite robe rouge qui plait tant aux garçons !

Magalie qui venait tout juste de sortir des toilettes, salua la mère et la fille tout en cachant le faux parchemin qu'elle avait aussi trouvé ce matin sur la plage en faisant son footing, elle aussi mettra sa petite robe mauve, celle qui plaisait tant à Jean, avant qu'il ne quitte l'ile où il étouffait.

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