Chapitre 15
Mama Fishandships en était encore à vouloir ranimer la flamme chancelante de Tarzan quand elle sentit deux mains puissantes la saisir aux hanches. D'abord surprise, s'imaginant peut-être que son vieux mari était sorti du cirage, elle ne put retenir un cri de surprise quand elle ne reconnut pas les grognements gutturaux de celui qui venait d'arriver.
Toute autre personne qu'elle aurait tout fait pour se soustraire à ces mains gourmandes qui tentaient de découvrir ce que son pagne ne cachait pas trop. Mais Mama Fishandchips n'était pas de ces donzelles écharouchées, genre biches pas encore déberlinguées, qui auraient hurlé à qui mieux mieux qu'un affreux Jojo voulait visiter une intimité réservée aux Princes Charmants et consorts... Non, non, non... Mama était une walkyrie de la biroute. Une vraie, une dure, une tatouée.
Et chef de bande (si on peut dire !)
C'était le modèle femme-fatale-à-tous-les-hommes qu'elle approchait, en fait.
Une véritable mante religieuse, qui avait oublié d'aller à confesse parce qu'elle avait passé trop de temps à jouer à con-fesses...
Formée, du temps de sa jeunesse, alors qu'elle travaillait au service d'une française venue se perdre dans les régions équatoriales pour fuire la vindicte de quelques amants éconduits qui prétendaient lui régler son compte pour se laver la vertu, après s'être consciencieusement torchés dans les rideaux de quelque chambre d'hôtel sordide.
Cette patronnesse s'appelait Madame Zaza, c'était son petit nom sur les boulevards où elle chassait ses proies. C'était une petite bourgeoise parisienne, tardivement installée dans la région bordelaise, suivant les promotions fulgurantes d'un mari doué pour les affaires. C'était aussi une maîtresse de maison impitoyable. Frappée de quelques travers un peu particullier, elle ne supportait pas la poussière, les lits mal faits, la viande rouge, le sucre, le beurre, et tous les produits jugés trop gras. Rapidement arrivée aux limites de l'anorexie, elle avait trouvé logique de se faire porte-parole de la bonne-anorexie-bouffe, soulageant ses complexes en expliquant à ses contemporains que mourir de faim était un acte naturel. Et pour trouver des affamés, quoi de plus pratique que d'aller en Afrique, continent soumis à la voracité des nations industrielles qui s'ingéniaient déjà à piller des pays entiers sans jamais leur rendre une partie des richesses immenses qu'elles en tiraient ?
Naturellement armée d'une vénalité sans limite, l'or accumulé de son compagnon lui avait ouvert bien des portes, dont celle d'une issue de secours pour s'enfuir, le moment venu, après qu'elle eut largement abusé des nombreux atours que la Nature lui avait imprudemment offerts.
Dame Zaza, appelée ainsi peu de temps après son arrivée en Afrique, n'avait pas tardé à ouvrir un claque, pudiquement masqué sous l'enseigne sulfureuse d'une fumerie d'opium et produits dérivés, marchandises alors très en vogue et argument majeur de l'économie de tout Empire digne de ce nom. Elle fut pourtant vite rattrapée par son goût immodéré pour la bagatelle, incapable de maîtriser ses pulsions. La fusion de son sous-bassement était tel qu'il lui fallait satisfaire ses envies sans cesse, la poussant à fonctionner à voile et à vapeur, tant la pression était haute dans sa chambre à combustion. Qu'il suffise d'ajouter à cela un goût prononcé pour les vins, rouges de préférence, héritage indirect d'un père pas assez sage pour en prévoir les dérives, et le portait de cette initiatrice machiavélique suffira pour le moment.
Elle eut vite fait de repérer que mademoiselle Fishandships, fraîchement arrivée sur le marché aux esclaves de Matadi, semblait aussi prédisposée à avaler des kilomètres et des kilomètres de chimères masculines... Vite réunie dans les voiles soyeux de la chambre de la maîtresse de maison, ces deux-là devinrent assez vite deux ogresses réputées dans tout le pays, et les régions voisines.
Alors, les mains qui venaient de se saisir de la taille de la vieille reine de la biroute n'avaient plus qu'à tenir leurs promesses, puisque le pauvre Tarzan se révélait incapable de répondre à ses sollicitations...
Qui était celui qui venait l'honorer à l'improviste ?
Franchement... Quelle importance ?
A suivre...
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