Quatre heures du matin et un seul souffle pour écrire

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On te vend l'enfance comme un chouette rêve plein de tendresse et de douceur. Je l'ai sûrement eu, ce chouette petit rêve ; mais ma mémoire ne se souvient que d'échecs et de larmes et de mots ratés. Je ne savais pas parler correctement, je ne savais pas bouger correctement, je n'ai jamais su être correctement ; je regarde les autres et je m'adapte mais même quand je m'ouvre, mes yeux fuient et je dois les ramener aux autres, mes mains doivent s'accrocher quelque part, je veux me rouler en boule, me rouler en boule pour protéger mon torse et son coeur trop fragile. Je m'effrite comme du vieux papier brûlé à chaque caresse et chaque choc fissure une couverture déjà pas bien propre.

Quand on me demande ce qui me va pas, y'a cette voix, je l'ai surnommée Jojo, qui crie "je me déteste". Pourquoi ? Comment ? Depuis quand ? Pas de réponse, Jojo répond plus, c'est juste un fragment de pensée, un bug de connexion entre mes neurones, une anomalie psychiatrique. Jojo, il regarde les murs en ricanant et en se disant que ce serait cool d'y encastrer mon crâne ; Jojo, il se marre quand on regarde du haut du balcon du quinzième étage en imaginant notre gueule une fois par terre. Jojo, sur sa chaise longue au fond de mon cerveau, me regarde pleurer devant des devoirs maison en me rappelant quel échec scolaire je suis ; il me regarde paniquer dans les transports, il me regarde fuir le contact en me rappelant que je suis un échec social ; il regarde les gens auxquels je tiens et s'amuse à noter chaque rejet de leur part, et chaque fois où j'ai échoué à être un ami présent et à l'écoute. Echec amical. Familial ? N'en parlons pas. Amoureux ? J'ai blessé des personnes les plus importantes dans mon univers... Et ce n'est que ma dernière histoire.

Pourquoi continuer
Et pourquoi essayer
Et pourquoi je suis là, épuisé et le coeur plein qui toque comme une montre déréglée, à quatre heure du matin à essayer de me convaincre que ça en vaut la peine
C'est comme cueillir des orties pour en faire une soupe
Ca pique un peu
Mais j'ai jamais mangé de soupe aux orties alors
Est-ce que ça en vaut la peine ?

J'écris à l'instinct et par électrochoc. Ce que j'aime chez moi ? C'est le fait que j'aime. Que je puisse aimer à m'en rendre fou, que je puisse aimer et tout pardonner, que je doive lutter pour ne pas juste laisser les gens qui m'ont fait du mal revenir dans ma vie. Je ne veux pas devenir dur et si je dois passer les trois quarts de ma vie à pleurer ceux que j'ai perdus, ainsi soit-il. Je veux aimer, parce que d'une certaine façon, c'est ma seule chance d'aider ; je vois pas ma vie, je vois pas mon moi essayer d'être utile. Souvent, je me sens comme un poids, un sac de noeud dépressif et pesant sur mes proches. Et pourtant... J'aimerai tellement les protéger. Les mettre sous une coupelle et leur offrir une stabilité. Les rendre heureux et cracher sur le monde extérieur qui pourrait leur faire du mal. J'aimerai... Juste un espace calme et sécurisé pour qu'ielles puissent se sentir bien et entier et eux-mêmes. Une fois dans leur vie.

Matez-moi ça, ce ptit con de trans, neuroatypique, avec le coeur en vadrouille, poly malgré lui. Ce bonhomme dysfonctionnel qui s'endort n'importe où et dont le corps lâche aléatoirement dans sa vie. Il fonce droit dans les murs. Peur des cours ? Direction les études. Incapable de tenir debout ? Allons faire du patinage. Une série d'échec sur des paris risqués mais... Au fond... Pas de regret.

Ce que j'aime chez moi c'est qu'au bout de 24 ans à me supporter, je sois encore en vie. Ce que j'aime, c'est que parfois, j'ai encore assez de flamme pour avoir envie de survivre ; ce que j'aime, c'est de pouvoir faire sourire ceux que j'aime. La vie, c'est compliqué, et j'ai tendance à foncer tout droit tête baissée ; je suis têtu, un peu stupide et je sais que je m'en demande trop. Mais même quand je suis au fond, j'essayerai, j'essayerai de pas trop blesser, j'essayerai de me tenir à mes valeurs. Le sens de la vie, j'en trouve pas. Le sens de ma vie ? Faire le moins de mal possible autour de moi si je le peux. Je veux crever sourire au lèvre, après une vieille blague nulle faite à un proche. Je veux mourir en me disant qu'au moins pour un être sentient, j'aurais fait une petite différence. Ce que j'aime chez moi, c'est que je suis têtu et que j'aime pas abandonner ; sacré défaut aussi. Quand je prends trop sur moi ? Je me brise.

Je casse facilement et pourtant je finis toujours dans des situations impensables. Trois personnes qui veulent crever à rassurer avec une lame de rasoir à mes côtés. Tenir le coup, tenir le coup pour eux, pour ceux qui m'aiment. Garder l'esprit ouvert et trouver le meilleur.

Je sais pas parler aux gens, et parfois, ils me disent que je ne sais pas écouter. Pourtant j'essaye. Je crois que je ne suis pas bon en sous-entendus. Si c'est pas dit clairement, comment je peux comprendre ? Mon regard fuyera et mes mots s'emmêleront et plus j'essayerai de comprendre, moins je comprendrai. "C'est évident, pourtant". Pourquoi est-ce évident ? Pourquoi suis-je le seul à ne pas comprendre ?

J'aime le fait que j'essaye. Chaque message que j'envoie est un travail de longue haleine. Quel mot utiliser pour faire comprendre ce que je veux dire ? Comment ne pas les blesser ? Comment échanger sans risque ?

J'échoue souvent mais j'essayerai encore. Quite à avoir l'air froid et distant. Quitte à avoir l'air bizarre et trop pompeux. Je veux comprendre. Je veux aider.

Je m'aime parce que je suis dysfonctionnel, inadapté, bizarre, souffrant, difforme ; je m'aime parce que je suis encore là malgré tout, pour les personnes merveilleuses qui m'entourent, mes balanciers sur ma corde de funambule. J'espère un jour pouvoir rendre ce qu'on m'a donné ; en attendant, je me contenterai d'aimer donner. Je me contenterai d'aimer aimer.

Et je tenterai du mieux que je le puisse, comme on dit, de "porter sur le monde un regard sans haine".

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