Chapitre 6 : Le porte bonheur.
« La chance n'a rien à voir avec la raison ni avec la morale. Elle est d'essence magique, l'attribut d'un niveau précoce et juvénile de l'Humanité. »
« Le jeu des perles de verre » Hermann Hesse.
Une fois dans sa chambre, Alex remarqua Patenchon qui était allongé en étoile sur son lit.
Elle lui tendit un chiffon dans lequel elle avait mis une miche de pain et un morceau de jambon. Le farfadet hésita quelques secondes avant de manger. Alex s’esclaffa en voyant la mine déconcertée de Patenchon qui mangeait le jambon.
- Mouais, ce n’est pas mauvais, lança-t-il après avoir tout engloutit.
Ils discutèrent encore un petit moment, tandis que la créature jouait avec le téléphone de son amie. Soudain, il appuya sur le bouton qui allumait la musique et une symphonie de guitares en sortit. Le farfadet fit un bond d’un mètre de haut avant de disparaître. Alex vit les couvertures de son lit se soulever toute seule tandis qu’une chose invisible s’y cachait.
L’adolescente partit dans un four rire à s’en rouler par terre. Patenchon sortit la tête de la couverture maintenant visible et s’esclaffa lui aussi.
Par la suite, la jeune fille se mis à bailler et déclara qu’il était l’heure pour elle de se coucher et demanda à Patenchon où il dormait habituellement. Ce dernier répondit qu’il ne sortait jamais de sa bibliothèque et aimait dormir entre les livres, s’enivrant de la délectable odeur des vieilles pages.
Ensuite, elle réussit à convaincre le farfadet de la laisser lui donner quelques chiffons qu’elle avait discrètement prit dans la cuisine, afin que Patenchon se confectionne un lit un plus confortable.
Après s’être préparée pour aller au lit , elle se glissa sous ses couvertures et s’aperçut qu’elle avait oublié de faire quelque chose : un petit geste sans importance pour beaucoup, mais qui pour elle, comptait énormément : mettre sur sa table de chevet, le petit porte-clefs qui comportait pour seul breloque une photo d’elle et de sa famille quand ils étaient tous réunis, quand son père était présent.
Elle se dirigea vers sa sacoche qu’elle avait remplie de ses affaires sèches et fouilla le contenu sans aucun résultat. Alex répéta l’opération en se disant qu’elle avait peut-être mal regardé. Elle en vida le contenu sur le sol, Patenchon se leva et alla vers la jeune fille qui commençait à paniquer.
- Quelque chose ne va pas Alexandra ? s’inquiéta le farfadet.
- C’est mon porte clef, je ne le retrouve plus. (Elle s’interrompit soudain). Reste là, ordonna-t-elle au farfadet. Je reviens dans une minute.
- Sait-tu où tu l’as perdu ? demanda-t-il inquiet pour sa jeune amie.
- Oui je crois qu’il est dehors.
Patenchon hocha la tête et lui fit signe de faire ce qu’elle avait à faire.
La jeune fille se leva, attrapa son imperméable marron, l’enfila rapidement et se munit de sa lampe de poche. Puis, elle attrapa une vieille paire de baskets avant de descendre à pas de loup.
L’adolescente était certaine que son porte-clefs était dehors. Il avait dû tomber quand elle-même était tombée en revenant de chez Annie Bartley.
Elle ouvrit prudemment la porte pour ne pas qu’elle grince et la referma derrière elle. La petite brune poussa un soupir en voyant le temps.
Dehors, une tempête se préparait. La pluie de tout à l’heure s’était arrêtée, mais elle ne tarderait pas à retomber de nouveau. Les feuilles mortes et rougeoyantes dansaient sur le sol en formant des toutes petites tornades et les branches des arbres balayaient le sol.
Alexandra fut satisfaite d’avoir pris ce blouson. Celui-ci lui couvrait bien les mains, comportait une capuche et lui arrivait au bas des genoux.
Elle avança tant bien que mal vers l’étang priant pour retrouver son porte clef. Elle s’agenouilla à l’endroit où elle était tombée et dégagea les feuilles mortes. La panique montait en elle. Et si elle ne le retrouvait pas ?
Elle s’immobilisa le cœur battant en entendant une voix derrière elle :
- Est-ce cela que tu cherches ?
L’adolescente se figea et se retourna lentement pour se trouva nez à nez devant trois petites créatures qui ne dépassaient pas les uns mètres.
Alex écarquilla les yeux à tel point qu’elle crut qu’ils allaient sortir de leurs orbites.
Ils étaient peut-être comme Patenchon ? Non, impossible. Même en dehors de la taille qui différait, ces... choses ne ressemblaient pas du tout à un farfadet.
Il semblait y avoir deux garçons et une fille. Leur peau pâle tirait très légèrement vers le vert olive. Ils portaient tous les trois une tunique et une sorte de capuchon vert foncé ainsi que des petites chaussures en tissus brun, fermés par une ficelle nouée autour de la cheville.
- Alors, reprit la créature, est-ce à toi ?
On lui tendit le porte-clefs.
Alex avait envie de hurler de terreur mais aucun mot ne sortit de sa bouche. Elle parvint tout de même à faire à ce qui ressemblait à un hochement de tête. Elle hésitait à tendre la main. Les créatures n’avaient pas l’air méchant, au contraire, mais l’angoisse et la peur lui nouaient la gorge. Elle avait peur d’eux même si elle connaissait Patenchon.
La créature déposa le précieux dans la main de la jeune fille.
- Merci, balbutia Alex.
- Dis bonsoir à Pat de notre part ! lança l’une des bêtes.
Alex n’eut pas le temps de répondre que les trois petites créatures s’élançaient déjà à toute vitesse dans la forêt.
La jeune fille resta quelques secondes sans bouger, le temps de reprendre ses esprits. Elle s’aperçut alors que la pluie tombait. Cela faisait déjà quelques bonnes minutes à en juger par l’état de son manteau : il était trempé. Par chance son pyjama avait été épargné. Elle se releva et regagna en vitesse la porte d’entrée, sans se rendre compte que quelqu’un, tapis dans la forêt, l’observait de près…
- L’as-tu trouvé ? la questionna Patenchon une fois sa jeune amie dans sa chambre.
Alexandra ne répondit rien et s’assit sur son lit le regard dans le vide, encore perturbée par cette nouvelle rencontre.
- Qu’y a-t-il ? demanda le farfadet.
Alex répondit en haussant les épaules :
- Dehors, il y avait trois autres créatures. Ils étaient petits, avaient un capuchon vert, ils t’ont appelé Pat et...
- Ne t’inquiète pas Alexandra, la rassura Patenchon, ce sont de vieux amis à moi. Ce sont des laminakes.
Il observa la jeune fille qui paraissait complètement perdue et posa sa toute petite main sur son bras.
- Ecoute, reprit-il, si on dormait ? Je t’expliquerai tout cela demain.
Elle hocha la tête tandis que Patenchon lui souhaitait une bonne nuit avant de filer vers la petite bouche d’aération qui lui servait à rejoindre sa précieuse bibliothèque.
Alex se glissa dans ses couvertures et déposa le porte-clefs sur la table de chevet de sorte à ce qu’elle puisse voir la photo. Puis elle éteignit la lumière.
Et pour attendre le sommeil, elle se remémora la journée qu’elle venait de passer.
Une chose était sûre : elle s’en souviendrait. C’était sa première journée dans sa nouvelle maison. Elle avait fait connaissance avec sa nouvelle voisine, bien qu’étrange était-elle et avait découvert un autre univers dont l’existence était inimaginable. À croire qu’il n’y avait plus aucune limite ; que l’inimaginable devenait imaginable, que l’impensable devenait pensable et que l’impossible devenait possible : un univers qui paraissait sans frontières.
En y repensant, elle se sentit flattée. Patenchon lui avait dit que très peu de gens connaissaient leur existence mais il y avait quelque chose dont Alex était sûre. Quelque chose allait changer. Quelque chose était en train de changer. Un tout nouveau chapitre était en train de s’écrire. Un chapitre, qui allait à jamais, changer sa vie.
Mais il lui fallait rester prudente malgré tout. Personne ne devait être au courant de ce qu’elle savait.
C’est sur ces dernières pensées qu’Alex s’endormit bercée par le bruit constant et rassurant de la pluie qui tombait sur la maison et sur l’inconnu qui, dissimulé par les arbres, observait toujours la maison.
Merci d'avoir lu jusqu'ici, j'espère que ce chapitre vous a plu.
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