Le reflet de la folie
Jules venait à peine d'aménager dans sa nouvelle maison qu'il tomba malade. C'était un jeune garçon de quinze ans, au teint cireux et aux yeux vitreux et enfoncés dans ses orbites, il avait presque tout le temps l'esprit ailleurs. La veille, alors qu'il rêvassait en classe, son père était venu le chercher et l'avait amené chez Dunkin' Donuts, le restaurant préféré de Jules. Son père, Edward Mcjohn, était il y a quelques années un bel homme joyeux qui se vantait sans cesse d'avoir été l'un des meilleurs joueurs de football américain de sa génération. Cependant, il y a six mois, sa femme Miranda est décédée. Jules ne se rappelle pas des circonstances et son père n'en parlait jamais. Dès lors, il avait beaucoup maigri et avait désormais le visage tendu, les yeux cernés et les cheveux gris. Chez Dunkin' Donuts, il avait alors annoncé à Jules avoir mis leur maison, maintenant trop chère et trop grande pour eux deux, en vente il y a quelques semaines. Elle venait d'être achetée et ils devaient faire leur valise le soir même pour partir le lendemain. Malgré la nervosité qui trahissait son père à sa façon de serrer ses mains au point que ses jointure devenaient blanches, Jules n'était pas inquiet, même à l'annonce de son changement d'école. C'est ainsi qu'il se retrouva, quelques heures plus tard à disséquer sa chambre petit à petit. Cette dernière était relativement vide mais il décida tout de même de ne pas tout garder. Il choisit de prendre avec lui seulement deux livres, l'Institut de Stephen King et Le Parfum de Patrick Süskind, quelques vêtements, un vieux miroir, qui était le dernier cadeau de sa mère avant sa mort et une poignée de CD. Lorsqu'il apporta ses trois gros cartons dans le coffre vide de la voiture, son père était déjà au volant. Jules se demanda alors si il avait déjà apporté ses biens dans leur nouvel appartement car il n'y avait rien d'autre que ses propres cartons à l'arrière et Edward lui répondit que c'était effectivement le cas. Après ce bref étrange, il mit le contact et ils regardèrent dans le rétroviseur leur ancienne vie s'évanouir doucement.
Le trajet dura trois heures et pendant ce voyage, aucun des deux hommes ne parlèrent. Ils regardaient silencieusement la route devenir de plus en plus sombre, les arbres de plus en plus nombreux et oppressants et les maisons disparaitre peu à peu. Enfin, Edward bifurqua à droite et ils tournèrent le dos à l'interminable route brodée de chênes. La nuit était maintenant bien installée mais Jules pouvait distinctement voir l'immense bâtisse à l'architecture élisabéthaine. Elle était aussi grande qu'un petit hôtel et une cinquantaine de fenêtres encore allumées illuminaient la vaste cour. Soudain, une discrète porte s'ouvrit devant eux et une grande femme en sortit. Elle était affreusement maigre et l'étrange blouse qu'elle portait lui donnait l'air d'un fantôme. Son visage sec contrastait avec ses cheveux noirs jais attachés en queue de cheval. Elle s'approcha d'Edward d'un pas décidé et lui serra la main en lui murmurant quelques mots. Avant même que Jules n'ait le temps de se présenter, elle l'empoigna doucement et l'amena vers l'entrée. Elle lui expliqua qu'elle était chargée par son père de l'amener dans son nouvel appartement et sa nouvelle chambre, lui donner à manger et l'amener dormir pendant que son père déchargeait les carton. Il était très tard et dans la précipitation, Jules n'avait eu le temps que de prendre un carton. Lorsque la porte se referma, il crut voir les phares de la voiture se rallumer mais n'y prêta pas attention. Le jeune homme suivit la femme dans un long couloir puis il la vit se débattre avec une, non, deux clés avant d'ouvrir la porte de leur appartement. Elle le fit alors entrer dans une suite neutre, sans la moindre décoration puis dans sa chambre. Cette dernière se composait d'un petit meuble en bois qui faisait office de bureau dans un coin, un petit lit en fer forgé repoussé contre le mur avec un simple drap de couleur claire et de murs blancs cassés. Il n'y avait aucune fenêtre mais les murs lumineux donnaient une impression de grandeur. Un repas avait été déposé sur son bureau et la femme, qui s'appelait Anissa, lui dit de le manger rapidement avant d'aller dormir, puis elle sortit de l'appartement. Affamé, Jules dévora son pain et avala d'une gorgée sa soupe. Repu, il décida de déballer le carton qu'il avait emporté et réalisa en l'ouvrant qu'il s'agissait de celui qui contenait le miroir. A l'aide du vieux clou qu'il avait emporté, il réussi à l'accrocher au mur face à son lit. Un peu plus rassuré et soulagé, il sentit soudain la fatigue s'abattre sur lui.
Le lendemain matin, il se réveilla avec la gorge horriblement sèche, comme s'il avait été drogué et un violent mal de tête. Il ne prit pas la peine de se lever mais se redressa légèrement dans son lit et son regard se posa automatiquement sur le miroir. C'était une forme de carré entouré d'un liseré vermeil. Soudain, pendant un instant qui dura une fraction de seconde mais semblait durer beaucoup plus, un fuseau de lumière déforma le miroir et Jules se vit assit dans son lit, habillé d'un trop grand vêtement blanc dans une pièce aux murs comme des vagues. Surpris, il cligna des yeux mais lorsqu'il les rouvrit il ne vit plus que son simple reflet qui le regardait avec stupéfaction. Malgré ses tremblements de peur, il se rassura en se disant qu'il était seulement fatigué et son mal de tête n'arrangeait rien. Il réussit pourtant à se rendormir après de longues minutes. Le jeune garçon se réveilla plusieurs heures plus tard, bien moins malade et bien plus rassuré. Tout en s'habillant distraitement, un éclat attira son attention sur le miroir. Sa curiosité l'emportant sur la peur, il s'approcha lentement de l'objet. Au départ, il ne vit que son reflet, lui renvoyant un regard perturbé et bancal, puis, il crut apercevoir derrière lui un fin scintillement. Sur les gardes, il se retourna brutalement mais ne vit rien d'autre que le vide. Alors, très lentement, silencieusement, il se tourna face au miroir, et c'est là qu'il comprit. Dans le reflet, il était tordu dans une camisole immaculé, dans une pièce vide à l'exception d'un lit en fer et d'un sombre bureau. Les murs qui l'enfermaient étaient capitonnés, jaunis par le temps et tachés de taches brunâtres. Derrière lui, une femme menue, le regard vide et les cheveux roux tachés de sang coulant d'un triangle de verre... de miroir dans la tête, lui souriait. Puis, sans prévenir, Miranda poussa Jules à travers le miroir. Au lieu de s'y écraser, il le traversa comme de la guimauve et se retrouva face à son reflet, les yeux fous, il éclata de rire.
A l'extérieur de la pièce, Edward venait d'apercevoir son fils donner un violent coup de tête dans le miroir déjà fissuré. Il se tourna vers Anissa, directrice de l'Hopital psychiatrique pour criminel de Denver.
- Docteur Brendy, plus jamais je n'amènerai mon fils manger des Donuts.
Table des matières
En réponse au défi
#VERYSHORTHORRORSTORIES
Salut Scribay !
Je vous propose le défi suivant : écrire une courte histoire d'horreur !
Votre histoire devra être flippante, percutante et très courte (250 à 1000 mots max) !
Bonne session d'écriture !
Commentaires & Discussions
Le reflet de la folie | Chapitre | 8 messages | 2 ans |
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