Je ne m'étais jamais vraiment intéressée à l'amour. Il fallait dire que je n'avais pas non plus eu le loisir de goûter à ce sentiment. Ayant vécu toute ma jeunesse dans un orphelinat, je ne connaissais que les soins et l'éducation. Les personnes travaillant dans ce genre d'établissement n'étaient pas réputées pour leur douceur, mais plutôt pour leur sévérité. Cependant, ça ne m'avait pas empêché de grandir, de terminer mes études et de mener aujourd'hui une vie tout à fait respectable. D'aussi loin que je me souvienne, j'avais toujours été passionnée par les enquêtes, les meurtres et c'était sûrement pour cette raison que j'avais intégré l'école de criminologie. D'un naturel énergique et rigoureux, j'avais obtenu mon diplôme avec aisance, pour ensuite me faire embaucher dans un petit commissariat de banlieue.

Cela faisait à présent un bout de temps que bossais pour les flics de mon quartier, je résolvais les enquêtes, prenais les dépositions, transférais les dossiers à la police principale quand cela était nécessaire. Au début, cette vie simple me convenait. Je me plaisais à aider mon prochain. Or, depuis quelque temps, je rechignais à me rendre au travail, ne trouvais plus aucun intérêt aux petites investigations de banlieue que je menais. En plus, la probabilité d'obtenir une mutation à la centrale était proche de zéro. Oui, je m'ennuyais. Mon quotidien se résumait à l'éternel adage « métro-boulot-dodo. »

Voilà où en était ma vie. Pourtant, un matin, alors que j'arrivais au poste, mon supérieur m'interpella. Dans la presse, un meurtre venait d'être signalé. Un jeune trafiquant de drogue avait été froidement tué. Selon le divisionnaire et les journalistes, il s'agissait d'un simple règlement de compte entre malfrats. Après une enquête bâclée, le dossier fut classé et l'on reprit le cours de notre vie.

Mais un deuxième assassinat, suivi d'une série d'autres firent remonter le cas. Alertée par ces différents crimes, la police centrale récupéra l'affaire. Elle envoya un de ses éminents commissaires sur les lieux de l’homicide. Malheureusement pour lui, l'inspecteur fit chou blanc et laissa des cadavres remplir les brancards de la morgue. L'investigation revint alors jusqu'à notre poste et l'on m'attribua ce cas. Ravie d'enfin obtenir un job intéressant et entrevoyant la possibilité de donner un coup de pouce à ma carrière, j'acceptais.

J'étais confiante quant au succès de cette entreprise. Je n'avais aucun doute sur ma capacité à résoudre ce mystère, à mettre le bon criminel sous les verrous. Oui, j'avais tout planifié. Ma réussite, ma notoriété, ma mutation, un avenir. Pourtant rien ne se passa comme je l'avais prévu. J'avais envisagé toutes les possibilités, sauf celle qui impliquait un bouleversement total de mon existence . Et sans le savoir, c'était dans cette brèche-là que j'allais m'engouffrer. Celle qui m'apporterait ce qu'il manquait tant à ma vie. Celle qui mènerait à le rencontrer, lui, mon autre, mon âme jumelle.