Chapitre 1
Dans le dédale complexe de notre société, il y a deux catégories d'âmes : celles qui, ayant le bonheur à portée de main, choisissent de s'en éloigner, et celles qui le chassent sans jamais réussir à l'atteindre. Voici l'épopée de notre existence, une danse avec l'insatisfaction et l'incapacité de saisir le bonheur dans un monde égoïstement individualiste et dans lequel on oublie facilement la beauté des plaisirs simples. Les uns sont aveugles à la chance qui leur sourit, les autres, éternels aspirants à une joie inaccessible, tous sont prisonniers de paradoxes personnels, luttant perpétuellement contre les autres et contre eux-mêmes, errant sans savoir ce qu'ils désirent vraiment, ce qu'ils peuvent obtenir, et ce qu'ils finiront par avoir.
Taleb perçoit les épreuves de la vie non pas comme des murs infranchissables, mais comme des défis à relever. Loin de se plaindre, il se forge une philosophie de vie autour de deux piliers essentiels : la famille, qui sculpte chaque être en préparation à la vie, et la spiritualité, quête incessante de connaissance et de force intérieure.
Pour l'adolescent, la vraie force réside dans l'équilibre entre corps et esprit. Chaque matin, il se lève animé d'une volonté inébranlable : élever son âme grâce aux enseignements spirituels, aiguiser son corps à travers l'art de l'Aïkido, et nourrir son intellect par la connaissance dans les livres.
À 16 ans, Taleb adopte une routine rigoureuse. Ses matinées débutent à l'aube, puis se prépare pour un entraînement d'Aïkido, où il apprend à repousser toute forme d'agression contre son assaillant, une harmonie du mouvement et de l'esprit qui lui apprend la maîtrise de soi, le calme, et l'observation.
Les premières années de sa vie d'adolescent sont marquées par un besoin de ressentir de l'adrénaline pour se sentir vivant, l'amenant à divers excès, se battre de façon impulsive, à tester les limites de la société en faisant toutes sortes de choix discutables avec ses amis du quartier.
Mais c'est lors d'un cours de démonstration d'art martial qu'il découvre que l'Aikido est le moyen pour lui de se canaliser et d'utiliser toute cette énergie qui le submerge.
Aujourd'hui, Taleb trouve son équilibre dans la discipline et la sagesse, du moins, il essaie. Ses années d'attitude de bad boy l'ont mené à plusieurs renvois scolaires, un redoublement, et c'est à présent dans un lycée privé catholique qu'il se voit offrir une dernière chance.
Dans cette quête du changement, il commence dès l'été à se préparer pour sa nouvelle rentrée scolaire chez "les riches", comme il aime le dire. À la fin de ses entraînements, il prend toujours le temps de raccompagner Clélia, une camarade de son club qui a toujours été bienveillante à son égard. Sa bonne humeur, amplifiée par son grand sourire, ses yeux verts contrastant avec ses cheveux châtains foncés et sa lucidité, fait naturellement écho à sa petite bouille joufflue et sa gentillesse. Mais ne vous laissez pas tromper par son physique ; Clélia pratique les arts martiaux depuis sa tendre enfance. D'abord inscrite au karaté dès la Primaire, c'est en 4e qu'elle découvre l'Aïkido. Dès lors, elle n'a de cesse de s'entraîner pour la compétition et arriver le plus vite possible à la ceinture noire du premier Dan.
Depuis deux mois, ils vont deux fois par semaine à l'entraînement matinal de maître Takahashi. Même si Taleb ne le montre pas, il est content de se retrouver dans le même lycée que Clélia. Il n'y a rien de plus désagréable que d'arriver dans un nouveau lycée et de ne connaître personne, surtout lorsque 90% des élèves qui rejoignent ce lycée privé sont les anciens de Troisième et se connaissent déjà tous plus ou moins.
S'intégrer est un défi subtil, car on se retrouve malgré soi sous les feux de la rampe, et le jugement des autres, ainsi que les idées préconçues, peuvent être déstabilisants dans un monde où les apparences priment souvent sur l'essence. Néanmoins, pour faire abstraction de cette pression, il faut se voir comme un explorateur, qui découvre et emprisonne chaque événement dans son esprit en l'analysant pour en tirer des bénéfices.
Au sein de chaque classe, il existe généralement des figures de proue, des leaders naturels chez les garçons comme chez les filles. Ce sont ceux capables de rallier les autres élèves autour d'eux, reflétant à travers leur leadership leurs forces et leurs faiblesses. Reconnaître et collaborer avec ces leaders peut s'avérer stratégique pour s'assurer de leur soutien ou éviter l'exclusion.
Dans l'écosystème social typique d'un lycée, divers groupes se dessinent suivant un schéma presque universel. On y trouve les intellos passionnés, les inséparables amis, les personnes populaires peu studieuses, les introvertis, les marginaux, et ceux qui partagent nos propres affinités. Comprendre les dynamiques de ces groupes, c'est apprendre à naviguer dans les eaux sociales sans se laisser submerger par les jugements extérieurs.
Et pour y parvenir, il faut faire des alliances, se rapprocher de certaines personnes. La communication est le pilier de chaque relation qu'on construit tout au long des interactions sociales qu'on est voué à vivre. Plus tôt vous êtes capable d'engager une discussion avec un inconnu, plus vite vous parviendrez à établir des liens qui vous seront utiles.
C'est dans cet état d'esprit que Taleb se place à côté du frêle Clément, un camarade de classe assis à côté de la fenêtre, les yeux rivés sur son cahier en train de relire les cours précédents, qui semble éviter les regards des autres. Il est toujours bien coiffé et habillé, ses lunettes lui donnant un air intello. Le camarade parfait pour Taleb afin de se faire discret dans cette nouvelle école.
Un groupe de trois garçons mené par Joshua vient d'arriver dans la classe. Ils se dirigent vers Clément pour l'humilier avant le début des cours. Taleb n'a pas spécialement envie d'intervenir, mais avoir trois personnes qui bousculent un élève juste à côté de lui, ça l'importune inévitablement. Alors, il leur demande d'arrêter et de retourner à leur place. Mais c'est sans compter sur la supériorité numérique qui donne des ailes à la bande de Joshua. Sauf que Taleb n'est pas du genre à baisser la tête. Au contraire, il déteste voir les plus forts s'en prendre au plus faible. Et si cette attitude lui a rarement rendu service, il décide de ne pas employer la méthode forte, simplement de les calmer verbalement.
" Vous pourriez retourner à votre salle car vous dérangez tout le monde."
Eric, taillé comme un sportif, se rapproche de Taleb et lui dit en se moquant :
" C'est quoi cette trousse ? J'avais la même quand j'étais en primaire."
" C'est normal, c'est ta mère qui me l'a donnée après lui avoir rendu visite hier soir."
Eric, fou de rage, s'emporte et Joshua le retient.
"Doucement, Eric. On n'est pas là pour foutre le bordel. Le prof va arriver d'une minute à l'autre."
Taleb ne lâche pas du regard.
Le professeur arrive enfin. Tous les élèves entrent en classe et s'assoient.
Clément prévient Taleb que les trois élèves risquent de revenir l'embêter car ils n'aiment pas qu'on leur tienne tête.
Dommage pour eux, Taleb n'est pas du genre à s'écraser.
Et il sait comment gérer ce genre d'adversaires qui pensent que tout leur ait dû sous prétexte qu'ils sont nés avec une cuillère en argent dans la bouche. Mais la richesse ne peut acheter la nature d'un individu. Et c'est cette frustration qui va pousser Joshua, Destin et Eric à prendre en embuscade Clément à la fin des cours. La tension s'épaississait dans la ruelle où Clément, seul et démuni, subissait l'humiliation sous les yeux moqueurs de Joshua, Destin et Eric. La scène, captée par un smartphone, diffusait en direct ce spectacle cruel.
Smartphone à la main, ils prennent un malin plaisir à humilier Clément en lui demandant d'embrasser le sol, ensuite d'aller embrasser une poubelle à côté, puis leurs chaussures.
Taleb passe à côté de cette ruelle et voit Clément dans cette situation. Il s'avance vers eux. Il se met à côté de celui qui filme.
" Clément, tu ne dois pas te laisser faire. Ce sont des merdes, envoie-les chier. "
Joshua, qui a le sourire aux lèvres, Eric, qui se moque de Clément, et Destin, qui tient le téléphone, se retournent car ils n'avaient pas fait attention que Taleb était là.
Joshua lui dit que ça ne le regarde pas et qu'il ferait mieux de partir s'il ne veut pas finir comme Clément. Eric, le boxeur semi-pro du groupe, s'avance vers Taleb, imitant des jabs qu'il pourrait lui donner s'il ne part pas. Joshua, relève Clément et lui dit qu'ils sont amis en vrai et que c'est juste pour s'amuser. Destin fait un zoom sur Taleb et dit de retourner dans sa cité à vendre du shit. Et les trois se marrent.
Taleb ne compte pas partir sans Clément alors il s'avance vers Clément et lui dit :
" Je peux réaliser ton souhait Clément. Si tu deviens mon ami alors je m'occuperai d'eux. Qu'est-ce que tu en dis ?"
Joshua, ce blond aux yeux bleus, éclate de rire. Ses deux autres amis se moquent de Taleb et de Clément, disant qu'une amourette se forme entre eux.
Taleb tend la main à Clément. " Si tu deviens mon ami, alors je te protégerai. "
Clément est surpris, le sentiment de peur qui l'envahit laisse place à de l'admiration pour ce garçon qui est devant lui. Ses paroles lui font oublier le temps d'un instant qu'il est régulièrement persécuté depuis le début de l'année par ces trois-là et il croit qu'il a enfin un échappatoire. Il n'a aucun ami non plus. Il a toujours eu du mal à s'exprimer envers les autres. Il a toujours eu peur que ceux qui viennent lui parler le fassent soit par intérêt soit pour se moquer de lui comme cela l'a déjà été au collège. Il s'est toujours senti seul se réfugiant dans les jeux vidéo. Et même s'il est d'une riche famille, il n'a pas de bonnes relations avec ses parents. Pourtant c'est un gentil garçon, simplement introverti, timide et qui préfère jouer aux jeux vidéo toute la journée que parler à des individus.
Mais c'est la première fois qu'on vient le voir pour demander à être son ami. Clément s'essuie la main et va pour serrer celle de Taleb et c'est à ce moment-là qu'Eric lui assène un coup de poing qui fait tomber à terre Clément et fait voler ses lunettes par la même occasion.
Taleb regarde Clément droit dans les yeux, la main toujours tendue : " Ne pleure pas. Et avance vers moi. "
Destin streame la scène et Joshua commente en les faisant passer pour des amoureux en transit, en se moquant d'eux.
Clément a les larmes qui coulent mais il les essuie. Ce coup de poing l'a bien amoché, il saigne du nez. Mais Taleb a une telle prestance, une telle assurance et une aura qui se dégage de son être, qu'il se relève en chancelant encore étourdi par ce coup de poing pour courir vers Taleb et c'est à ce moment-là qu'Eric va pour lui redonner un coup de poing. Mais cette fois-ci Clément se baisse pour esquiver le coup, et attrape la main de Taleb ! Il crie de tout son corps qu'il veut être son ami !
Eric se retourne et avance pour attraper Clément et c'est à ce moment-là que Taleb sourit à Clément en posant sa main sur son épaule. " Je m'occupe du reste, mon ami. "
Il lance un regard noir à Eric. D'un coup Taleb n'a plus son sourire qui le caractérisait tant jusqu'à présent. Il y a une tout autre atmosphère qui se dégage de lui. Quelque chose de sombre. Eric va pour attraper la veste de Clément mais à quelques centimètres, Taleb l'agrippe et le repousse. Eric tombe par terre.
Joshua rigole et incite Eric à se défendre. Après tout, un Arabe qui s'attaque à un Français, c'est de la légitime défense. Tout est en diffusion en stream et le nombre de viewers est passé de 22 initialement à 149 depuis.
Eric se met en position de boxeur pour mettre KO Taleb. Mais Eric se fait méchamment enchaîner. Et avec seulement deux coups de poing, Éric tombe à terre. Joshua profite que Taleb soit de dos pour lui donner un gros coup de pied mais Taleb esquive et Joshua tombe sur Eric tout seul avec la force centrifuge de son coup dans le vide.
Taleb avance vers Joshua et Eric qui se relèvent tous les deux. Joshua indique à Eric qu'ils vont l'attaquer à deux. Et chacun des deux part dans deux directions opposées pour frapper à droite et à gauche Taleb. Sauf que Taleb est trop rapide et a le temps de frapper d'un coup de poing Éric et d'esquiver le coup de Joshua pour lui mettre une droite qui met par terre Joshua.
Destin menace d'appeler la police. Taleb avec son regard noir s'avance vers Destin qui se pisse littéralement dessus. Taleb prend le téléphone et l'éclate au sol. Et il prévient la bande que dorénavant Clément est son pote et que si jamais ils posent un seul regard sur lui, ce sera perçu comme de la provocation et qu'il reviendra les voir pour les terminer cette fois-ci.
Clément est encore choqué par la scène qu'il vient de voir. Taleb a ramassé les lunettes de Clément et lui tend. Elles sont cassées mais Clément le remercie. Il lui tend un billet de 20 euros. Taleb rigole et il a à nouveau sa personnalité souriante.
" Tu m'invites à manger ! J'en demandais pas tant ! " Il part en direction d'un fast-food et Clément le suit en lui disant à quel point il était impressionnant. Et ce fut le début d'une nouvelle amitié pour tous les deux.
Évidemment au lycée, cette scène n'est pas passée inaperçue. Taleb passe de l'inconnu au gars violent, faisant enfler les rumeurs à son sujet. Certains vont le trouver cool et d'autres vont en avoir peur. Pourtant, il n'a qu'une envie : passer une année scolaire tranquille.
Taleb entre dans sa classe. Quelques élèves sont déjà présents, debout près des fenêtres. Certains regardent dehors et commentent le live d'hier sur la bagarre qu'il y a eu, d'autres discutent entre eux, certains écoutent de la musique, et d'autres jouent sur leur mobile.
Il se pose à sa place et sort son livre du moment, L'Enchanteur. Une légende arthurienne qu'un membre de son club d'Aïkido lui avait conseillée. D'ailleurs, son sac d'entraînement est à côté de lui par terre. Il a hâte que les cours se terminent pour aller s'entraîner. Mais la journée semble longue, il entend les messes basses et sent les regards portés sur lui. Alors, il se lève de son bureau et marche vers un groupe de trois filles plutôt intellos. Il leur demande si elles veulent savoir quelque chose en particulier à son sujet.
Deux d'entre elles baissent le regard, rougissent et disent que non. La troisième, aux yeux pleins de vie et aux lunettes qui grossissent son regard, lui donne un air de Véra dans Scoobydoo. Même tête, même grain de beauté, il ne lui manque plus que la coupe au carré car Emilie a les cheveux jusqu'aux épaules. Toute la classe a vu ce qu'il avait fait hier. Elle se demande où est-ce qu'il a appris à se battre comme ça. Cette fan de séries d'action était impressionnée par sa dextérité et sa rapidité.
" Je fais de l'Aikido mais je ne l'utilise pas pour attaquer. Je me défends. Et je ne frappe jamais quelqu'un à terre. Hier, c'était exceptionnel car je défendais un ami. "
Une autre fille lui dit : " Je ne crois pas que la violence résout quoi que ce soit. Elle crée plus de souffrances qu'autre chose. Tu aurais pu régler cette histoire sans les frapper.»
Taleb laisse échapper un rire : " Le discours que tu tiens, c'est celui de ceux qui n'ont jamais connu d'injustice, " répond-il.
La troisième fille lui coupe la parole pour répondre à sa copine :
" C'est facile de rejeter la faute sur lui alors que tu oublies que c'est Joshua et ses copains qui ont commencé à harceler Clément ! "
" Merci de remettre l'église au milieu du village. " Et à peine a-t-il eu le temps de finir sa phrase, qu'il reçoit un coup de cahier sur la tête. Cela fait sursauter les filles devant lui et les autres de la classe sont tout aussi effarées par ce que Clélia, une fille assez populaire d'une classe voisine, vient de faire.
Taleb passe sa main sur sa tête pour atténuer la douleur et se retourne.
" Mais pourquoi tu me frappes ?! "
Clélia, avec ses yeux verts perçants et son visage énervé, répond :
" Sans doute parce que tu m'avais dit que tu n'allais pas faire de vague dans cette école ! "
" Pour sa défense, il m'a aidé contre la bande à Joshua, " ajoute Clément, qui vient d'arriver et sort les affaires de son sac pour les poser sur sa table.
" Tu aurais dû le voir, c'était incroyable. Il les a à peine touchés. Donc techniquement, il n'a rien fait de mal, " continue-t-il en s'avançant vers le groupe.
Taleb regarde Clément et lui fait un signe de main pour le saluer.
" Tu vois que je n'y suis pour rien. Et tu me connais. Je déteste la violence. "
Taleb pointe son doigt sur la joue de Clélia pour tenter de la faire rire. Et son visage se décrispe pour laisser apparaître un doux sourire.
" Mouais... Je te laisse le bénéfice du doute pour cette fois, mais tiens-toi tranquille sinon tu ne pourras pas venir au voyage scolaire en avril. Toi qui adore la Bretagne. Tu as la chance de la voir de tes propres yeux alors ne fais pas de bêtises. "
Taleb se met au garde-à-vous, en saluant comme le font les militaires.
" Oui Chef ! " s'exclame-t-il, et tout le groupe explose de rire. La discussion part sur divers sujets et chacun retourne à sa place car le cours commence.
Le professeur d'histoire-géo, Delacroy, captivait toujours ses élèves avec ses méthodes d'enseignement innovantes, mêlant l'actualité à l'univers geek. Avec une entrée théâtrale, il posa son regard bleu perçant sur la classe attentive.
"Dans quelques mois, vous allez partir en Bretagne pour y découvrir un pan de la culture française à travers le folklore celtique breton. Nous allons explorer l'univers des sorcières celtiques aujourd'hui. Qu'est-ce qui vous vient en tête ?" lança-t-il, suscitant un vif intérêt.
Personne n'ose répondre. Alors il écrit sur le tableau : Sorcellerie celtique.
Plusieurs élèves se lancent en disant ce qui leur vient en tête. Et quand on parle de sorcière, on pense assez vite à Salem.
Une jeune fille timide, lunettes avec ses cheveux longs bruns qui lui cache une bonne partie de son visage, lève les yeux vers Mr Delacroy et commence avec sa petite voix douce :
"Dans le folklore celtique, notamment breton, les sorcières sont souvent liées à la nature et à des éléments de la mythologie ancienne. Elles utilisent des herbes, des pierres et des incantations pour interagir avec le monde naturel, souvent dans un but de guérison ou de protection, mais parfois elles sont craintes pour leurs malédictions."
Le professeur applaudit l'intervention. "C'est un excellent point de départ. Les sorcières dans la tradition celtique, et notamment en Bretagne, sont des figures ambivalentes qui reflètent la dualité de la nature humaine et la profonde connexion avec l'environnement.
Jérémie lève la main pour intervenir.
"Et par rapport aux légendes arthuriennes. Il y a Morgane et la Dame du Lac."
Morgane intervient. "Celle qu'on nomme la fée Morgane, par exemple, est un personnage qui navigue entre le bien et le mal. Elle est une ambitieuse sorcière mais aussi une figure de protectrice dans certains récits arthuriens. Elle montre bien la complexité des personnages de sorcières dans le folklore celtique.
Le professeur félicite Morgane. "Exactement, Morgane. Ces figures mythologiques sont riches en nuances et ne se laissent pas facilement réduire à de simples caricatures de bien ou de mal. Elles nous montrent que la sorcellerie, dans le contexte celtique, est profondément enracinée dans un combat spirituel et culturel des anciens peuples celtiques.
"Alors pourquoi le cinéma et la littérature populaire se concentrent-ils souvent uniquement sur des figures comme les sorcières de Salem ou les chasseurs de sorcières inquisiteurs ?" pose comme question Clément.
Le professeur retourne au tableau : "Pourquoi ces tribunaux ont accusé des femmes innocentes ?"
"L'accusation de sorcellerie servait souvent à expliquer l'inexplicable ou à canaliser des frustrations sociales. Dans les communautés, cela pouvait aussi servir à réguler les normes communautaires ou à sanctionner ceux qui s'écartaient des comportements acceptés," répond Morgane.
"Et tu sais de quoi tu parles, hein Morgane ?" lance Michael en mimant une fellation.
"Michael, lève-toi." intervient le professeur.
"Tu vas présenter immédiatement tes excuses à Morgane. Je ne tolérerai pas ce genre de comportement." continue t-il en s'approchant de Morgane.
"Je suis désolé, Morgane. C'était pour plaisanter." tente de se justifier le lycéen avant de devoir donner son carnet au professeur.
Après cette altercation, le professeur Delacroy marche dans l'allée entre les tables. Et reprend la main sur la discussion.
"Savez-vous pourquoi cette année vos sujets portent sur les légendes ?"
Les élèves se regardent et attendent la réponse qu'ils n'ont pas.
"C'est pour vous montrer qu'en Histoire, nous ne nous basons pas uniquement sur des versions officielles mais que les historiens ont ce devoir de mémoire d'aller chercher la vérité et pour cela, il faut aller chercher aussi dans les histoires orales qui se racontaient de générations en générations. C'est l'essence même de l'éducation que nous vous transmettons. Vous devez avoir l'esprit critique pour trouver la vérité et pas seulement accepter ce qu'on vous dit."
C'est lors de ce cours que Taleb fit la connaissance de William et Ambre. Ils devaient préparer un exposé sur la thématique "Histoire et Sorcière", tandis que Clément, Aurélie et Emma avaient été choisis pour travailler sur les histoires et légendes celtiques. Au total, neuf groupes furent formés.
La fin de journée arriva et Taleb devait maintenant se rendre à son dojo pour son entraînement d'aïkido et iaido. À peine les grilles du lycée passées, Ambre et William l'interpellèrent.
Ambre lui tendit un bout de papier. "Mercredi après-midi, on se rejoint chez moi pour travailler sur l'exposé."
Taleb le prit et regarda. "C'est pas à côté. J'en aurai pour 1h."
William proposa alors de se retrouver à la bibliothèque.
"C'est déjà plus intéressant pour moi," répondit Taleb.
"Super ! Dans ce cas, après le cours de maths, on a qu'à aller manger au centre commercial et on va à la bibliothèque juste après."
Les trois s'échangèrent leurs numéros et Taleb fila sans plus attendre en petites foulées à son entraînement.
Mercredi fut une journée bien remplie puisqu'ils restèrent jusqu'à la fermeture de la bibliothèque.
William, ce brun aux yeux bleus, membre de l'équipe de volley du lycée et populaire sur Instagram, était particulièrement gentil. Cette journée passée ensemble fut l'occasion de discuter de tout et de rien et surtout de rire. Quelques selfies pris ensemble montrèrent à quel point Taleb n'aimait pas être pris en photo. Mais cela faisait rire la bande et l'ambiance était bon enfant entre eux. Ils continuèrent à raconter des anecdotes à Taleb sur certains élèves comme Morgane :
"Je me souviens que l'année dernière, Morgane a été prise par une CPE en train de fumer de la weed dans les toilettes. Elle a été collée 5h," confia Ambre, amusée.
William rétorqua : "Je m'en souviens aussi car, suite à ça, le mois suivant, on s'est tapé une vidéo sur les méfaits de la consommation de cannabis. La vidéo c'était des adultes qui jouaient des collégiens et c'était malaisant à en être drôle !"
De fil en aiguille, Taleb se vit invité à la fête qu'organisait un ami de William.
Bien qu'il fût flatté de l'invitation, Taleb déclina poliment. À vrai dire, il préférait de loin rester chez lui et jouer en ligne, ce qui était souvent son programme du vendredi et du samedi soir.
William lui communiqua quand même l'adresse de la fête de ce weekend au cas où il changerait d'avis.
Le lendemain, à la pause de midi, Taleb et Clément se posèrent sur un banc dans l'enceinte de l'établissement. Taleb s'allongea dessus pendant que Clément s'assit par terre à côté.
"Tu es invité à l'une des fêtes les plus populaires de la ville et toi tu n'as pas envie d'y aller ?!" lui répéta Clément depuis une bonne minute.
Taleb ferma les yeux et se laissa porter par le calme de la pause, car la majorité des élèves étaient encore à la cantine ou à l'extérieur. Pendant 20 minutes précisément, l'atmosphère du lycée en effervescence laissa place à un silence où l'on entendait les oiseaux.
Clément se leva. "J'ai trop envie d'y aller. Viens, on va jeter un coup d'œil. On y reste juste 1h et après on passe la soirée chez moi."
"Ces soirées sont ennuyeuses. Ça boit, ça crie, ça danse, ça fait des jeux stupides. C'est toujours la même chose," répondit Taleb.
"Justement !! Je veux avoir une expérience. On ne m'invite à aucune fête" lança désespérément Clément en joignant ses deux mains pour supplier son ami.
Et à ce moment-là arrive Zak. "Qu'est-ce que vous faites ?"
"Taleb est invité à une soirée ce WE et il ne veut pas y aller," lui explique Clément.
"Ça ne m'étonne pas. Mais il faut que tu sortes un peu, Taleb. Comment tu comptes rencontrer des meufs si tu restes à jouer en ligne tous les soirs ?" "Vas-y, on y va !" lui lance Zak en lui secouant l'épaule pour le réveiller.
Zak et Clément se tiennent juste au-dessus de sa tête et lui scandent : "On y va ! On y va ! On y va ! On y va !"
Taleb ouvre les yeux et voit ces deux têtes qui lui crient dans les oreilles.
"Ok, ok ! Je vais faire un effort. On y va 1h et après on se fait une soirée gaming chez Clément."
Clément tend sa main pour sceller le pacte : "OK !"
Zak, avec son sourire habituel, pose sa main au-dessus des leurs. "Et la mission, c'est qu'on parle chacun à une fille !"
Clément en rajoute : "Ça va être dur pour moi. La seule fille à qui j'ai parlé, c'est ma grande sœur et ses copines."
"T'as une grande sœur ?!" s'exclament Zak et Taleb.
"Bah oui, pourquoi ?" répond Clément.
Zak et Taleb se regardent sans avoir besoin de se parler car ils pensent exactement à la même chose.
Zak commence : "Elle peut nous présenter ses copines !! T'imagines pas à quel point ça nous ferait gagner des points auprès des filles du lycée de côtoyer des filles plus âgées. Elles nous verraient comme des gars super intéressants, mystérieux qui attirent des filles plus âgées. Tu n'as pas idée à quel point ça rend les filles de notre âge envieuses."
Taleb acquiesce pendant que Clément s'étonne.
"Tu crois ?"
Zak pose ses deux mains sur les épaules de Clément et prend son air sérieux.
"Évidemment ! Fais-moi confiance. Les femmes, ça me connaît !"
Clément, sceptique, se dit que ça ne coûte rien d'essayer. Après tout, les copines de sa sœur squattent souvent leur maison alors si Zak et Taleb sont là, ce ne serait que de la politesse que de demander à sa sœur de faire les présentations.
"D'accord. Si l'occasion se présente, je demanderai à ma sœur de vous présenter à ses copines."
Taleb et Zak se regardent avec un sourire complice et se checkent !
Les deux dernières heures de cours étaient dédiées au sport. Pour ce premier trimestre, c'était volleyball et badminton. Les quatre classes de seconde étaient mélangées et séparées entre trois professeurs d'EPS.
Taleb, sportif, se débrouillait plutôt bien au badminton. Le cours d'aujourd'hui était une initiation, donc l'objectif était que le volant reste le plus longtemps possible en l'air pour favoriser le jeu d'équipe plutôt que la compétition, afin que chacun puisse apprécier ce sport assez peu connu.
Le professeur répartit les élèves en groupes de deux.
Taleb jouait en binôme avec Morgane face à William et Ambre.
L'échauffement commença d'abord en binôme. Chacun sur son terrain devait échanger des coups de volant. Morgane cherchait à en savoir plus sur Taleb.
"Tu étais à quel lycée avant ?" lui demanda-t-elle.
"Au lycée Ber Jerac. Et je peux te dire que je préfère être ici. C'est plus calme."
"Ber Jerac est réputé pour être un lycée difficile. Tu as choisi de venir ici ou tu as été renvoyé de Ber Jerac ?"
"Tu es sacrément curieuse."
"Dans la classe, tout le monde pense que tu as été viré."
"Ce que pensent les gens, je m'en fous." et Taleb donna un coup bien plus fort que d'habitude sur le volant que la jeune fille n'arriva pas à rattraper.
Morgane le regarda désespérée pour lui faire comprendre qu'elle n'aimait pas son comportement. Et se retourna pour aller chercher le volant qui avait atterri deux terrains plus loin.
Le volant fut pris par deux jeunes qui s'amusaient à agiter le volant devant Morgane en lui disant d'essayer de l'attraper.
"Allez Morgane ! Saute pour prendre le volant. On veut voir ta belle poitrine en mouvement," murmura l'un des deux.
"Trop!! ou alors on va vite fait aux toilettes pour passer un petit moment ensemble" continue l'autre.
Morgane, dépitée : "Vous pouvez rêver les puceaux. Je vous laisse fantasmer sur moi et je vais aller chercher un autre volant auprès du prof."
"Comment tu fais ta belle alors que t'es qu'une grosse salope qui allume ! T'as vu comment tu t'habilles ?" s'agace le plus petit des deux garçons qui s'avance vers Morgane.
"Comment je m'habille ? C'est pour que tu puisses voir ce que tu n'auras jamais dans la vie" lui sort l'adolescente avec un sourire en marchant en arrière pour avoir un œil sur eux malgré tout.
Le second garçon dépasse son ami pour attraper par le bras Morgane de sa main gauche en la serrant de plus en plus fort.
"Tous les mecs avec qui t'a couché disent que t'es une vraie cochonne alors fais pas ta sainte nitouche" et lui claque les fesses avec sa main droite.
"On ne joue pas dans la même ligue. Je ne prends pas en dessous de 22 cm alors lâche-moi, pauvre gars!"
Morgane se débat violemment pour qu'il lui lâche le bras.
Et il lâche immédiatement son bras sous la douleur : "Aie Aie Aie...!!" crie le jeune homme. Il se retourne et Taleb se retrouve face à lui. Sa main sur son épaule qu'il tient fermement.
Taleb avec son regard noir : "Petite merde. Tu vas t'excuser maintenant"
Morgane va derrière Taleb et lui dit que ça ne fait rien. Qu'elle en a rien à faire de ces minables.
Mais Taleb ne le lâche pas et Quentin reste à genoux à terre lui suppliant d'arrêter.
Le pote à Quentin arrive sur la droite de Taleb pour le frapper mais il esquive et d'une rapidité chirurgicale lui met une claque qui le fait tomber à la renverse. Le bruit de la claque à résonné dans tout le gymnase. Alors que Taleb n'a même pas laissé le temps à Quentin de se relever, il le chope par le col de son t-shirt pour le relever.
"Tu touches à Morgane encore une seule fois, tu as un geste déplacé ou tu lui parles mal et je m'occupe de toi. T'as compris ?" Le regard de Taleb est encore plus sombre tout comme sa voix qui est désormais grave.
Morgane pose sa main sur le bras de Taleb pour le calmer. Et lui dit : "Il a compris. Ne prends pas de blâme pour un pauvre gars comme lui. Il ne mérite pas l'attention que tu lui porte. Il est insignifiant." Et elle ajoute en parlant à Quentin : "Toi, tu ne m'adresse plus la parole, tu ne me regardes plus et je te le redis. Tu ne m'intéresse absolument pas. Ni maintenant, ni jamais."
Taleb le rejette violemment, ce qui le fait tomber par terre. Quentin tombe sur les fesses.
"T'as compris ? Excuse-toi maintenant."
"Ok ok, je suis désolé. Je recommencerai plus. On plaisantait, c'est tout. Je m'en bats les couilles de cette sorcière."
Le pote de Quentin qui s'est pris la claque va les voir et leur tend le volant.
"Allez Taleb, viens! on retourne sur notre terrain. Tout le monde nous regarde." Morgane tire le bras de Taleb pour l'emmener sur leur terrain. Et l'emmène en lui prenant la main. Taleb remarque qu'il tient la main de Morgane et rougit.
Le professeur fait mine d'avoir rien vu et claque des mains pour dire qu'il est temps maintenant de commencer les matchs deux contre deux. Toujours dans le but de garder le volant le plus en l'air.
William va voir Taleb.
"Quentin et Frédéric sont des guignols. Ils jouent les durs mais ils sont inoffensifs"
Ambre claque des mains : "Hey oh ! On commence à jouer ou vous voulez prendre une chambre, les garçons ?"
William éclate de rire. "Tais-toi ! et t'as intérêt à bien jouer. J'ai une réputation à tenir !"
Morgane rit en regardant Taleb.
"Et toi, ça te fait rire ?" lui demanda Taleb en fronçant les sourcils pour faire mine qu'il n'était pas content tout en gardant un sourire.
"Ta tête est trop drôle ! J'espère que t'es assez bon pour lui tenir tête car William c'est un bon sportif." répondit Morgane, se positionnant prête à jouer.
"On va surtout voir si tu me porte bonheur alors." répliqua Taleb, se mettant en position de pro.
Les deux échangèrent un regard complice et se sourirent.
Le match à quatre se passa plutôt bien. William jouait vraiment le jeu de faire en sorte que les échanges soient faciles pour chacun d'eux. Taleb, tout comme Morgane, prirent plaisir à jouer ensemble, se poussant amicalement pour déconcentrer l'autre, se taquinant. Morgane s'amusa à lui claquer les fesses pour lui faire perdre un tir, ce qui fit éclater de rire Ambre, rendant difficile de garder son attention sur le volant et obligeant William à courir partout pour récupérer chaque coup. Les quatre finirent par rire à chaque échange.
Le match à quatre se passa plutôt bien. William jouait vraiment le jeu de faire en sorte que les échanges soient faciles pour chacun d'eux. Taleb, tout comme Morgane, prirent plaisir à jouer ensemble, se poussant amicalement pour déconcentrer l'autre, se taquinant. Morgane s'amusa à lui claquer les fesses pour lui faire perdre un tir. Ambre était morte de rire rendant difficile de garder son attention sur le volant et obligeant William à courir partout pour récupérer chaque coup. En effet, Ambre ne souhaitait pas transpirer alors elle a fait travailler son ami deux fois plus. Les quatre se retrouvaient à rire à chaque échange pratiquement.
Ce vendredi soir, Taleb et Zakaria s'étaient rejoints au cinéma de quartier qui projetait une anthologie de films amateur d'horreur. Après les frissons, rien de mieux que de se promener dans les rues vides du centre-ville pour discuter des courts-métrages les plus réussis selon eux et pour aller manger un morceau au fast-food.
Zak en ouvrant la porte du restaurant : "Vas-y, on va se mettre là pour manger. Pose-toi, je vais nous commander les wraps."
Taleb retire sa veste et la pose à côté de lui sur la banquette. Il allume son téléphone pour regarder les réseaux sociaux, notamment Clélia. Elle était en train de faire une soirée films comédie romantique avec ses copines d'après les photos postées.
Un groupe de jeunes arrive dans le restaurant. L'alcool les avait déjà bien désinhibés.
Les deux garçons s'incrustent à la table où deux filles étaient posées.
Zakaria arrive avec son plateau et le pose sur la table. Son regard est porté sur la scène qui se joue à deux tables de là.
Taleb prend son wrap, ses frites et sa boisson. Il sait que son ami risque à tout moment de partir jouer les justiciers. Il tente de l'en dissuader : "Assieds-toi. On est là pour manger."
Zak va pour se déplacer en direction des jeunes et il remarque qu'il est retenu par la manche de sa veste.
"Il y a des caméras, et le personnel va intervenir si la situation s'envenime. Viens manger. J'ai trop faim."
Zak, avec son sourire que son ami connaît que trop bien, part en direction du groupe : "T'inquiète, je vais simplement demander aux filles si tout va bien et je reviens."
Zak s'est approché avec un sourire désarmant, tentant de calmer le jeu avec diplomatie et humour. Mais les rires moqueurs et les paroles acerbes des deux garçons avaient rapidement fait monter la tension.
Taleb, qui venait tout juste d'ouvrir son wrap : "Reste ici ma belle, je reviens."
Il quitte la table. Il marche vers le groupe. Son intervention a été rapide. Il a chopé par le col celui qui était le plus proche de lui et l'a fait sortir de la table. La scène avait été brève, mais l'efficacité brutale de Taleb avait choqué les deux garçons. Zakaria lui dit : "Taleb! J'avais la situation en main."
Taleb, qui retourne à sa place : "Peut-être, mais tu as pris trop de temps donc viens manger. Je suis de mauvaise humeur quand j'ai faim."
L'un des deux garçons, qui aide son pote à se relever, s'exprime : "C'est Taleb du lycée Saint-Joseph ? Putain! On ne voulait pas créer de problème. Tu pourras dire à ton pote que tout est ok entre nous. On y va."
Et les deux garçons partent aussi vite qu'ils étaient entrés.
Zakaria, en se tournant vers les deux filles : "J'espère que ça va aller les filles. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, je suis assis juste à côté."
Quelques minutes à peine après avoir regagné sa place, les filles arrivent à leur table.
"Ça ne vous gêne pas de nous tenir compagnie ce soir ?" dit la plus entreprenante des deux.
Il n'en fallut pas plus à Zakaria pour être aux anges.
Taleb, timide concernant ses interactions avec les filles en public, était quelque peu mal à l'aise de voir que l'une le collait particulièrement. Zakaria, qui connaissait son ami comme son frère, profita de cette situation pour que la soirée se termine chez lui.
Comme à leur habitude, Zakaria a emmené celle avec laquelle il avait une affinité dans sa chambre. Pendant que Taleb avait comme aire de jeu le salon et son célèbre canapé noir qui en avait vu passer des filles.
Pendant ce temps, Morgane, l'adolescente au style gothique souvent ornée de symboles ésotériques, avait elle aussi vécu une expérience révélatrice. Son groupe d'amies était composé de 4 filles aux personnalités complètement différentes. Si de prime abord, il était facile de s'imaginer que Morgane s'intéressait à la culture witch. Il était beaucoup moins évident avec ses amies dont la cheffe de file, Hannah.
Ce soir-là, elles s'étaient rejointes chez la très riche Hannah qui vivait à l'extérieur de la ville à la limite de la forêt et dont les parents étaient partis en week-end.
Les trois autres filles, Inès, Sophie et Ambre, étaient déjà là, chacune d'elles portant un pendentif représentant un élément : air, feu, eau, et terre. Inès, la plus posée, avait toujours un sourire rassurant et des mots doux pour apaiser les esprits. Sophie, à l'esprit vif et curieux, était passionnée par l'histoire des sorcières et collectionnait les grimoires anciens. Ambre, enfin, était la plus joviale, trouvant toujours le moyen de rire, même dans les moments les plus sombres.
La réunion de ce soir était spéciale. Les filles avaient prévu de réaliser un rituel ancien pour renforcer leur lien avec les forces de la nature. Hannah déroula un vieux parchemin sur la table du salon, éclairé par des chandelles.
Inès, calmement, ajustait les pierres autour du cercle, tandis que Sophie examinait un ancien grimoire avec un enthousiasme palpable.
"Chaque mot de ce rituel doit être précis, nous jouons avec des forces que nous commençons seulement à maîtriser," murmura Sophie en levant les yeux vers Hannah.
Hannah, les cheveux tressés avec des rubans argentés, acquiesça. "Exactement, Sophie. Ce soir, nous invoquons la protection de la forêt. Prêtes?"
Ambre, toujours souriante, répondit en riant légèrement, "Prête depuis le premier jour de lycée. Qui aurait cru que notre rencontre sur un forum aurait conduit à créer notre propre coven?"
Les filles formèrent un cercle, main dans la main, concentrées. Hannah commença à psalmodier, sa voix claire résonnant dans la pièce tandis que les flammes des bougies vacillaient.
"Esprits de la terre, guidez-nous. Esprits de l'air, entourez-nous de votre sagesse..." récitait-elle.
Morgane, fermant les yeux, sentit une énergie parcourir le cercle, ses mots se mêlant aux incantations : "Esprits du feu, brûlez tout mal autour de nous. Esprits de l'eau, lavez nos peurs..."
Un vent fort s'engouffra soudain par la fenêtre ouverte, faisant vaciller les bougies et frissonner les filles.
Inès serra fort les mains de ses voisines. "C'est... normal ça?"
"La nature répond. C'est bon signe," répondit Morgane, les yeux toujours fermés, concentrée.
Le calme revenu, une ombre immense se profila à l'orée de la forêt, visible depuis la fenêtre. Ambre murmura, une pointe d'inquiétude dans la voix, "Qu'est-ce que c'est que ça?"
"Quelque chose a été attiré par notre rituel," dit Hannah, scrutant l'obscurité. "Préparez-vous à défendre le cercle."
Les cinq amies reprirent leurs positions, unissant de nouveau leurs voix en un chant vibrant. L'ombre que l'on distinguait mal, peut-être était-ce simplement leur imagination ? On entendait les arbres craquant sous un poids invisible.
Morgane, le cœur battant, commanda, "Ne laissez pas la peur briser notre cercle. Ensemble, nous sommes fortes."
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