Chapitre 11 : Des chaleureuses retrouvailles
Le lendemain matin, je me réveillai avec un certain degré d’excitation. Celui de revoir ENFIN mes parents, après quelques semaines de séparation. Leurs visages me manquaient, et cette journée promettait d’être celle des retrouvailles tant attendues.
Sans perdre une seconde, je me levai précipitamment et me dirigeai vers la salle de bain. Il fallait que je sois impeccable pour leur arrivée. Pendant ce temps, j’entendis à travers la cloison de ma chambre, que tante Suze s’activait déjà dans le salon, terminant avec frénésie le ménage qu'elle avait entrepris la veille.
Après m’être longuement douchée, maquillée puis apprêtée, je décidai de porter une élégante combinaison grise, accompagnée de collants noirs, une longue écharpe noire qui tombait avec grâce sur mes épaules, et mes bottes en cuir préférées. Prête, je rejoignis ma tante qui, à genoux sur le sol, passait l’aspirateur avec énergie.
— Bonjour tante Suze ! Lançai-je joyeusement.
— Bonjour ma puce, bien dormi ? Répondit-elle en me souriant brièvement, sans pour autant interrompre son mouvement régulier avec l'aspirateur.
— Très bien, merci ! Tu veux que je t’aide à finir de ranger ?
— Oh oui, je ne dirais pas non ! J’ai l’impression que cet appartement ne sera jamais vraiment propre, soupira-t-elle, épuisée.
— Tu as fait le ménage toute la nuit ?
— Oh, mon Dieu non ! Répondit-elle, feignant une mine horrifiée. Heureusement !
— Tant mieux ! Bon, je vais chercher le balai pour te donner un coup de main.
Nous passâmes ainsi la matinée à nettoyer chaque recoin de l'appartement. Quand enfin tout était en ordre, la fatigue s’abattit sur nous comme un lourd manteau, et nous nous affalâmes sur le canapé, les muscles endoloris. À peine fermions-nous les yeux que la sonnette retentit brusquement.
Je me levai, intriguée, pour aller voir qui était à la porte.
— Bonjour, voici votre pizza quatre fromages, annonça un jeune livreur avec un sourire courtois, tenant une boîte encore fumante entre les mains.
— Euh... Il doit y avoir une erreur, nous n’avons pas commandé de pizza, répondis-je, un peu confuse.
Le livreur fronça les sourcils en consultant sa tablette.
— Pourtant, c’est bien cette adresse. C’est étrange...
— Peut-être qu'elle est destinée à l’un de nos voisins ? Proposai-je poliment, cherchant une solution.
— Désolé de vous avoir dérangée, dit-il, prêt à repartir, avant que la voix de ma tante ne l’arrête net
— Attendez ! S’écria-t-elle en accourant.
Essoufflée, elle s'approcha de la porte.
— C’est moi qui ai commandé la pizza ! Désolée ma chérie, j’avais complètement oublié de te prévenir. Nous étions si absorbées par le ménage... Vous pourriez patienter un instant, le temps que j’aille chercher de quoi vous régler ? Demanda-t-elle au livreur, un peu embarrassée.
— Bien sûr, pas de problème, répondit-il avec une bienveillance qui me fit sourire.
Ma tante s'éclipsa rapidement pour aller chercher l’argent tandis que je restai seule avec le livreur, sentant une légère gêne s'installer.
— Désolée pour tout à l'heure, je ne voulais pas paraître impolie, dis-je timidement.
— Ne vous inquiétez pas, cela arrive souvent, répondit-il avec un sourire apaisant. Vous n’avez pas à vous en faire.
Je lui adressai un sourire reconnaissant. Peu après, ma tante revint avec le billet de vingt dollars en main, et nous pûmes enfin déguster la pizza sur la table du salon. Entre deux bouchées de fromage fondu, elle me confia qu'elle avait préparé un grand gâteau de bienvenue pour fêter l'arrivée de mes parents, prévu pour plus tard, dans l’après-midi.
L’heure approchait où il nous fallait nous préparer à partir pour l’aéroport. Je ramassai mes affaires : un grand sac, mes clés et mon téléphone portable. En un rien de temps, nous étions prêtes à nous mettre en route. Le trajet fut des plus agréables ; la circulation fluide, le ciel dégagé, et les paysages qui défilaient sous nos yeux semblaient tout droit sortis d’une carte postale. À peine croyable pour un jour comme celui-ci.
— Heureusement qu’on n’habite pas loin de l’aéroport, fit remarquer ma tante avec soulagement, car nous étions passées tout près de l’heure de pointe.
Nous nous garâmes dans un parking payant, faute d’autre option, et nous précipitâmes vers le hall d’arrivée. Mon cœur battait à tout rompre, l'excitation montait à chaque pas. Revoir mes parents après tout ce temps me faisait l'effet d'une grande vague de bonheur. Même si nous avions échangé quotidiennement au téléphone, rien ne valait le plaisir de les retrouver en chair et en os. Je savais aussi que ma tante, même si elle masquait bien ses émotions, était impatiente de revoir son frère et sa belle-sœur après tant d'années sans véritable rencontre.
— Calme-toi un peu, tu vas finir par te blesser ! Me sermonna-t-elle, en me voyant sautiller d'impatience.
Je souris en réponse, reconnaissant que j'avais l'air d'une enfant surexcitée à l'approche de Noël, mais comment aurais-je pu rester calme en ce jour si spécial ?
— J’ai tellement hâte de les voir ! Tu n’imagines pas, tante Suze ! Ils m’ont tellement manqué !
— Oh, je le sais très bien. Tu n’as pas arrêté de me parler de ça, ces derniers jours ! Répondit-elle en riant doucement. Maintenant, respire un coup.
Je m’efforçai de me calmer, mais en vain. Autour de nous, l’aéroport bourdonnait d’activité. Les allées grouillaient de voyageurs pressés, les files d'attente interminables s’allongeaient devant les magasins et restaurants, et le brouhaha des conversations en toutes langues envahissaient l’air. Plusieurs guides attendaient des groupes de touristes en brandissant des pancartes. L'atmosphère frénétique de l’endroit me fascinait.
Je jetai un coup d'œil à ma montre. Le vol de mes parents avait déjà atterri. Je scrutai la foule avec attention, mais aucun signe d'eux.
— Mais qu’est-ce qu’ils font ?! M’écriai-je, la frustration montant en moi.
— Patience, ils ne devraient plus tarder, tenta de me rassurer ma tante. Ils sont sûrement partis se rafraîchir aux toilettes après le vol.
J’acquiesçai, tentant de me convaincre de ne pas m'inquiéter. Quelques minutes, plus tard, alors que l'attente me semblait interminable, je les aperçus enfin.
Mes parents, chargés de valises, traversaient le hall d’un pas lourd mais enthousiaste. Le sourire de ma mère, large et radieux, me réchauffa instantanément le cœur. Mon père, quant à lui, peinait à manœuvrer les bagages, mais il m’adressa un signe de la main, essoufflé mais heureux.
Je me précipitai vers eux à toute vitesse et me jetai dans les bras de ma mère, l’étreignant avec force.
— Tu m’as tellement manqué, ma chérie ! Dit-elle en m'enlaçant chaleureusement.
— Toi aussi, maman !
Mon père, toujours aux prises avec les valises, laissa échapper un rire en voyant notre étreinte.
— Et moi alors ? Lança-t-il en déposant enfin ses bagages à terre.
Je lui sautai dans les bras, heureuse de le retrouver.
— Tu m’as manqué aussi, papa.
— Oh, et toi, encore, plus ! Répondit-il en me serrant fort.
Nous échangeâmes de grands sourires, puis ma tante, un peu à la traîne, nous rejoignit, essoufflée.
— Tu aurais pu m’attendre, Vic. Je ne suis plus toute jeune, tu sais ! Plaisanta-t-elle.
Mon père la taquina en retour, et bientôt, il enlaça chaleureusement sa sœur, un sourire ému aux lèvres. La scène était attendrissante, et je sentis un doux picotement de bonheur à l’idée que cette réunion familiale allait nous faire du bien à tous. Ces jours, à venir promettaient d’être précieux, même si mon travail risquait de m’occuper une bonne partie du temps. J’espérais pouvoir profiter de chaque instant avec eux avant leur retour en France.
Nous rejoignîmes la voiture et je me chargeai de placer les lourds bagages dans le coffre. Durant le trajet de retour, mes parents ne cessèrent de s'émerveiller devant la ville de New York, et ma mère s’extasia sur chaque détail, ne manquant jamais de signaler à mon père les monuments ou les boutiques qu’elle avait repéré. Il était évident qu'elle avait étudié la ville en détail avant de venir, comme à son habitude.
Ma mère déteste arriver dans un pays sans en connaître les traditions, les modes de vie, la langue, les monuments historiques ou les activités à faire sur place. Et bien sûr, elle ne repart jamais sans un souvenir, que ce soit pour elle ou pour ses proches, notamment ses amies.
Ses parents sont morts dans un grave accident de voiture lorsqu'elle avait environ onze ans. Je n’ai donc jamais eu la chance de connaître mes grands-parents. D’après ce que ma mère m’a raconté, ils étaient formidables. Elle est convaincue qu'ils m'auraient adorée et gâtée, tout comme ils l'avaient fait pour elle. Malgré le temps qui passe, cette histoire la rend toujours mélancolique. Elle se souvient parfaitement du jour où la voisine est venue lui annoncer, avec des mots d'enfant, que ses parents étaient "partis au ciel pour toujours". Pendant des années, ma mère s'est enfermée dans le silence, isolée, se renfermant sur elle-même. Puis, à seize ans, elle a rencontré un homme de trois ans son aîné, qui deviendra plus tard son mari et mon père.
Chaque fois qu’elle me raconte cette période de sa vie, j’ai du mal à retenir mes larmes. Son enfance n'a pas été facile, souvent teintée de noir, mais elle a tenu bon. Aujourd'hui, elle est plus épanouie que jamais. Elle a une maison de rêve, un métier qui la passionne — elle est vétérinaire —, un mari qu’elle aime profondément, une fille (moi) et un fils qu'elle adore.
— Ça va, ma chérie ? Me demande-t-elle en posant une main légère sur mon épaule.
— Mmmh … Hein ?
— Tu as l’air ailleurs.
— Ah, oui... Je pensais au travail.
— Ce n’est pas le moment de penser au boulot ! Détends-toi et profite de nous.
— Tu as raison.
— Je sais, j’ai toujours raison, répond-elle avec un clin d’œil complice.
Le reste du trajet se déroule dans une atmosphère légère. Ma tante, enjouée, raconte l’histoire de la ville, amusée par les visages émerveillés de mes parents. Mon père, imitant ma mère avec des grimaces exagérées, déclenche mes rires. Ma mère, s'en apercevant, lui donne une tape taquine sur l’épaule, riant elle aussi.
Nous arrivons enfin à destination après quelques minutes de route supplémentaires. Mes parents sortent de la voiture, admirant l’architecture typique de l’immeuble new-yorkais.
— C’est magnifique ici ! S'exclame ma mère.
— Oui, et si calme. Ce qui devient rare en pleine ville, lui répond ma tante.
— Attendez, papa, je vais prendre vos valises. Allez-vous installer, reposez-vous après ce long voyage.
— Merci, ma puce, me dit mon père en me serrant dans ses bras. Je te revaudrai ça !
— Ne t’inquiète pas, file maintenant ! Lui dis-je en le poussant gentiment vers l’entrée, accompagner de ma tante et de ma mère.
Je prends les bagages et les rejoins à l'intérieur. Dès que je franchis la porte de l’appartement, j’entends déjà la voix enjouée de ma mère.
— C’est vraiment splendide ici ! Et cette décoration, c’est toi qui l’as faite ? Demande-t-elle à ma tante.
— Oh, tu sais, rien d’extraordinaire.
— Ça a dû te coûter une fortune !
— Eh bien, on peut dire ça, oui.
— Et cette cuisine ! Quelle merveille, si grande et fonctionnelle, ajoute ma mère en scrutant les moindres détails.
Il faut dire que ma mère a toujours eu une passion pour la décoration d’intérieur. Après son travail, c’est son hobby. Chaque printemps, elle se lance dans un nouveau projet de relooking de la maison. Personnellement, ça ne me dérange pas, j’ai même fini par m’y habituer.
— Maman...
— Oui ?
— Vous ne voulez pas vous reposer un peu, toi et papa ? Comme ça, on pourra faire une balade ensemble après.
— Très bonne idée, je suis épuisée ! Où est la salle de bain ?
— Au bout du couloir, porte à droite.
— Merci, tu viens, chéri ? Lance-t-elle à mon père.
— J'arrive, répond-il en montant les bagages.
Ma mère s'éclipse en direction de la salle de bain, chantonnant, et mon père la rejoint quelques minutes plus tard, après avoir rangé leurs affaires dans la chambre d’ami.
Ma tante s'installe sur le canapé et je la rejoins. Nous lançons un film et nous nous installons confortablement. Après une heure et demie, ma mère revient au salon, baillant discrètement en plaçant une main devant sa bouche.
— Mmmh... S’étire-t-elle, comme si c'était un rituel familial.
— Tu t’es bien reposée ? Lui demandais-je.
— J’ai dormi comme un bébé.
— Et papa, il dort encore ?
— Non, il s’est réveillé il y a dix minutes, il est en train de se préparer.
— Pas trop dur avec le décalage horaire ?
— Pour l'instant, ça va, mais demain, je sens que ça va être plus compliqué, répond-elle en riant.
Elle attrape un verre d’eau et un biscuit avant de venir s’asseoir à nos côtés.
— On part à quelle heure ? Demande-t-elle.
— Je ne sais pas… Dans un quart d’heure ? Dis-je en me tournant vers ma tante.
— Oui, ça me va. Je vais me changer et on y va, répond-elle en se levant.
Une fois seules avec ma mère, nous profitons de ce moment pour discuter, comme au bon vieux temps.
— Alors, comment va ma puce ?
— Ça va. Un peu débordée par le travail.
— Ton patron est sympa ?
— Très sympa, dis-je, rougissant malgré moi.
— Tu n’aurais pas quelque chose à me dire par hasard ?
— Non, pourquoi ?
— Quand ma fille rougit, c’est qu’elle a le béguin pour quelqu’un.
— Mais non !
Elle me dévisage avec son regard perçant, cherchant la vérité derrière mes mots.
— Allez, arrête de faire la mystérieuse et raconte-moi tout, dit-elle en s’installant plus confortablement sur le canapé.
— Je t'assure, il n’y a rien à raconter.
— Oh, ma chérie, ne me fait pas ça ! Allez, dis-moi tout !
— Maman ! Tu es vraiment insupportable ! Il n’y a personne ! Dis-je en rigolant nerveusement.
— D’accord, si tu ne veux pas me le dire... Je vais voir ce que fait ton père, parce que si on ne se dépêche pas, on ne sortira jamais.
Elle se lève, débarrasse son verre et biscuit, et se dirige vers leur chambre où mon père se trouve encore.
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