Chapitre 19 : Une agression en boîte de nuit
Nous nous trouvions à quelques pas du Mix Club, dans la rue de l’Arrivée. L’ambiance extérieure était électrique : un groupe de fêtards occupait les trottoirs, certains fumaient, d’autres dansaient sur des tonneaux poussiéreux, leurs rires se mêlant au crépitement des feux de camp disséminés de part et d’autre de la rue. Des silhouettes se pressaient autour des flammes, se réchauffant tout en expirant de longues bouffées de fumée. Une odeur âcre flottait dans l'air, une odeur trop forte pour être celle du simple tabac. Non, à en juger par l'odeur entêtante, c’était bien autre chose.
— Tu es sûr que c'est une bonne idée de venir ici ? On ne peut pas aller ailleurs ? Demandai-je avec une hésitation palpable.
— Mais oui, fais-moi confiance ! C’est l’un des meilleurs endroits pour faire la fête, répondit Gwen avec un enthousiasme débordant. Je suis déjà venue, tu vas voir, c’est génial.
Je jetai un coup d'œil autour de nous, notant le côté un peu trop délabré du lieu.
— Ça m'a l'air un peu... Malfamé.
— Bien sûr que ça l'est, c'est une discothèque, Vic. On n’est pas dans un salon de thé ! Rit-elle. Où est-ce que tu as grandi, sérieusement ?
— Pas dans ce genre de milieu, ça, c’est sûr, répliquai-je en haussant les épaules. Et je te signale qu’on n’a grandi dans pratiquement le même endroit Gwen. Lui fis-je remarquer.
— Allez, fais-moi plaisir, insista-t-elle en me regardant avec un sourire en coin.
Je soupirai, hésitant encore, mais incapable de lui refuser quoi que ce soit.
— D’accord… Mais pas trop longtemps. Brandon risque de s’inquiéter s’il ne me voit pas rentrer.
— Oh, ça va, ton Brandon peut survivre à une soirée sans toi ! Il ne va pas mourir de t’attendre.
— Tu devrais vraiment arrêter avec ces références morbides, Gwen. Ça devient franchement inquiétant.
— Et pourquoi donc ? J’adore ça ! Plaisanta-t-elle. Je ne changerai pas pour tout l'or du monde. Mais pourquoi ça t’inquiète tant ?
— Je ne sais pas... C’est juste… Je trouve ça un peu glauque, dis-je en haussant les épaules, évitant de la regarder dans les yeux.
— Mouais… Soupira-t-elle en haussant les sourcils.
Sans plus tarder, nous nous dirigeâmes vers l’entrée du club, où deux vigiles imposants montaient la garde.
— Vos pièces d’identité, mesdemoiselles, ordonna l’un d’eux d’une voix monocorde.
Nous leur tendîmes nos cartes d’identité, et après un rapide coup d'œil, ils nous laissèrent passer. Cette fois, pas besoin de fausses cartes, nous étions enfin majeures. J’avais encore du mal à croire que nous avions eu l'audace d’utiliser de fausses identités auparavant, mais à l'époque, l'idée de transgresser les règles avait quelque chose d'excitant. Un brin de rébellion qui, aujourd’hui, me semblait bien futile.
Nous pénétrâmes dans le club. L’endroit était immense. Une vaste salle s’étendait devant nous, remplie de corps qui se mouvaient au rythme de la musique assourdissante. Au fond, une scène se dressait, illuminée par des jeux de lumières étourdissants. Un DJ mixait avec frénésie, et à notre gauche, un bar animé s’alignait contre le mur, où un barman s’affairait à servir des cocktails multicolores. L'endroit était bondé, si bien qu’il était presque impossible de se frayer un chemin.
— Viens, on va au bar ! Cria Gwen, excitée, avant de m'entraîner dans la foule.
Nous réussîmes à nous glisser jusqu’au comptoir, où elle s’installa sur l’un des tabourets vacants.
— Que puis-je vous servir, mesdemoiselles ? Demanda le barman avec un sourire poli.
— Deux shots de vodka, s’il vous plaît ! Ordonna Gwen sans hésiter.
— Tout de suite, répondit-il avec efficacité.
Je jetai un regard autour de moi, encore mal à l’aise dans cet environnement. Gwen me poussa gentiment du coude.
— Allez, Vic, détends-toi un peu !
— Désolée, c’est juste que je ne suis pas habituée à ce genre d’endroits, lui répondis-je en haussant légèrement les épaules.
— Il faut te lâcher ! Va danser par exemple, proposa-t-elle en riant.
— Moi ? Danser ? Jamais ! Protestai-je aussitôt. Tu te rappelles la dernière fois ?
— Oui, oui, mais c’était juste un mauvais moment. Ça ne veut pas dire que ça va se reproduire.
— Je préfère ne pas tenter le coup, insistai-je en secouant la tête.
— Comme tu veux. Moi, j’y vais ! Déclara-t-elle en se levant précipitamment.
Elle fila vers la piste de danse sans même attendre ma réponse. Je la regardai s’éloigner avec une certaine admiration mêlée d’envie. Gwen avait cette incroyable capacité à se libérer, à vivre pleinement l’instant présent. Moi, j’étais son contraire, toujours sur mes gardes, trop consciente de chaque détail. Perdue dans mes pensées, je portai mon verre à mes lèvres, savourant le goût brûlant de la vodka.
Soudain, je sentis une présence à mes côtés. Je tournai la tête et vis un homme, dans la trentaine, habillé tout en noir. Des tatouages ornaient son visage, lui donnant un air intimidant. Mon estomac se noua, mais je tentai de ne rien laisser paraître.
— Vous êtes toute seule ? Demanda-t-il, sa voix grave et légèrement rauque.
Je le regardai brièvement avant de répondre.
— Non, je suis venue avec une amie, dis-je calmement, espérant mettre un terme à la conversation.
— Ce n’est pas très prudent, vous savez, ajouta-t-il avec un sourire en coin. Les rues ne sont pas sûres la nuit.
Je fronçai les sourcils, sentant l’inconfort monter en moi.
— Comment ça, pas sûr pour nous ? Répondis-je, feignant l’ignorance.
— Vous avez l’air si... Innocente, reprit-il, son regard glissant sur moi avec insistance. Ça fait longtemps que je n’ai pas vu une jeune fille comme vous.
— Je ne suis pas aussi innocente que vous semblez le penser, précisai-je, tentant de garder un ton assuré.
— Oh, bien sûr. Vous n’avez jamais mis les pieds dans un endroit comme celui-ci, pas vrai ? Lança-t-il, amusé.
Je sentis la conversation déraper, mais quelque chose dans son regard me maintenait paralysée. Après quelques échanges supplémentaires, il m’invita à danser. Malgré mes réticences, et après un moment d'hésitation, je finis par accepter. Tristan, comme il s'était présenté, semblait étrangement insistant mais charmeur, et je me retrouvai à le suivre sur la piste.
La soirée se poursuivit ainsi, dans une ambiance de fête étourdissante, mais un malaise profond ne cessait de grandir en moi. Alors que je pensais que tout se déroulait de manière relativement inoffensive, la suite, des événements allaient me faire basculer dans un cauchemar dont je ne pouvais me relever.
Après quelques danses, Gwen vint m'annoncer qu'il était temps de partir. L'heure avait filé sans que je ne m'en rende compte. Je m'excusai auprès de Tristan, échangeai mon numéro sous sa pression insistante, puis quittai la piste. Tandis que nous nous dirigions vers la sortie, une envie soudaine d'aller aux toilettes me stoppa.
Je me tournai vers Gwen, ma meilleure amie, en lui lançant un sourire un peu nerveux.
— Je dois aller aux toilettes. Je te rejoindrai ensuite.
Gwen hocha la tête, un sourire complice sur les lèvres.
— D’accord, mais fais attention. On ne sait jamais ce qui peut arriver dans ce genre d’endroit.
Je ris doucement en la regardant.
— C’est plutôt à toi de te dire ça, avec toutes tes histoires de défense personnelle.
Gwen dégaina une bombe lacrymogène de son sac à main et la brandit en direction de mon visage, une lueur taquine dans les yeux.
— Tu n’as pas ça, toi !
— D’accord, tu as gagné. Je ferai attention, je te le promets.
— Bien ! Alors à tout de suite.
— Oui, à tout de suite.
Je m’éloignai en direction du fond du couloir, ma silhouette se perdant dans l’obscurité. À mesure que je m’avançais, l’ambiance changea. Le couloir était encombré de personnes ivres, assises par terre, gémissant de douleur et parfois en train de vomir. L'odeur aigre de l'alcool mélangée à celle des produits de nettoyage me donna la nausée. Je trouvai la porte des toilettes et l’ouvris en la poussant avec une force désespérée.
À l’intérieur, l’espace était aussi déplorable que le reste du lieu. Un homme se tenait penché sur le lavabo, le visage tordu par l’effort. Il était grand, vêtu d'un t-shirt blanc et d'un jean usé. Ses bras, ornés de tatouages qui serpentaient comme des veines bleues, tremblaient alors qu'une seringue était plantée dans l'une d'elles. Le liquide blanchâtre à l’intérieur de la seringue se vidait lentement, et l'homme était en proie à des convulsions visibles.
— Vous allez bien ? Demandai-je, la voix tremblante.
L’homme sursauta, ses yeux dilatés se tournant vers moi avec une lueur sauvage. Il éclata d’un rire rauque et glacé, me faisant sursauter. Dans ce moment de terreur, je regrettai amèrement de ne pas avoir pris la bombe lacrymogène de Gwen avec moi.
Avant que je ne puisse réagir, l'homme se précipita sur moi. Dans la panique, je heurtai violemment la porte qui se refermait derrière moi.
— Écoutez, je ne vous veux aucun mal. Je voulais juste utiliser les toilettes, je vous en prie, laissez-moi sortir.
L’homme ricana de façon démente, son haleine chargée d’alcool me parvenant avec une intensité insupportable.
— M’aider ?! Mais tu es qui, toi ?! Tu ne sais pas que c’est une zone réservée ici ?
— Je suis vraiment désolée, je ne voulais pas vous déranger. Je m’en vais tout de suite.
— Oh non, maintenant, que tu es là, je vais profiter de l’occasion.
Je paniquai, essayant de me dégager, mais il me saisit brusquement par le visage. Sa bouche se posa sur la mienne, tentant d'introduire sa langue de manière brutale. Sa main glissa sur ma poitrine et déchira mon vêtement, exposant mon soutien-gorge.
— Laissez-moi ! Suppliai-je, mes larmes coulant sans cesse.
— Tais-toi ! Hurla-t-il, serrant mon visage avec une violence redoutable. Si tu cries encore, je t’étrangle.
Il me balança brutalement contre un radiateur métallique. La douleur fusa le long de ma colonne vertébrale, une douleur si intense que ma respiration se coupa. Je gisais là, haletante, alors qu’il me tirait par les cheveux et crachait sur mon visage, ses gestes empreints de mépris.
Il m’allongea sur le sol, écartant mes jambes avec une force démesurée. Les larmes continuaient de couler sur mes joues meurtries alors que je le suppliais d’arrêter.
— Je vous en prie, arrêtez !
— Tais-toi, putain ! Tu vas arrêter de hurler ou je te tranche la gorge. Je ne rigole pas.
Il défit son pantalon et son boxer. À ce moment-là, je compris que la situation était désespérée. Mon corps était paralysé par la douleur et la terreur. Il continua à maltraiter mon corps, chaque mouvement renforçant ma souffrance.
La douleur devint insupportable, et des flash-backs effrayants envahirent mon esprit. J’étais paralysée, incapable de bouger ou même de crier. L’absence de douleur à certains endroits me fit croire un instant que je pouvais être morte, mais une silhouette noire apparut devant moi. Un membre se déplaça avec force, atterrissant dans mon ventre. Je sentis mes côtes se briser, éclatant en mille morceaux sous la violence des coups. Mon ventre, ma poitrine, mon visage, tout était frappé sans relâche. Le goût métallique du sang envahit ma bouche, que j’avais peine à garder fermée.
Avant de sombrer complètement dans l’obscurité, je vis la porte s’ouvrir en grand. Un nouvel homme entra, et une bagarre éclata immédiatement entre lui et mon agresseur. Alors que la scène se déroulait autour de moi, je ne pouvais que remercier silencieusement ce sauveur, ma vision se brouillant et se remplissant de taches noires.
Je perdis connaissance dans cette pièce de cauchemar, sombrant définitivement dans les ténèbres.
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