Chapitre 22 : 1 mois plus tard

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— Brandon, j’en peux plus, j’en ai vraiment assez !


Ma voix tremblait légèrement, portée par une impatience que je ne parvenais plus à contenir. Les murs blancs et aseptisés de ma chambre d’hôpital, autrefois réconfortants, étaient devenus oppressants, étouffants.


— Ils veulent juste te faire passer quelques examens supplémentaires, ce n’est pas la fin du monde, répondit-il, essayant de calmer ma frustration, mais sa tentative, d’apaiser mes nerfs ne fit que renforcer mon exaspération.


— On dirait que ma meilleure amie a déteint sur toi, répliquai-je, une pointe de sarcasme dans la voix. Écoute, Brandon, ce n’est pas négociable ! Ça fait plus d’un mois que je suis enfermée ici, et je n’en peux plus ! La nourriture est infecte, les infirmières sont insolentes, et ne me parle même pas des autres patients ! Ils sont tous plus étranges les uns que les autres, et l’ambiance ! Bon sang, je t’assure, l’ambiance est insupportable ! Si tu m’aimes vraiment, sors-moi d’ici !

— Arrête de faire ta capricieuse, Vic, c’est pour ton bien, et tu le sais, répondit-il d’un ton ferme, croisant les bras pour renforcer sa posture autoritaire.

— Mais je vais bien, je t’assure ! Insistai-je, sentant mes nerfs à vif.

— Tu es restée six mois dans le coma, Vic. Excuse-moi si je ne te crois pas sur parole.

— Brandon… Soupirai-je, tentant une dernière fois de le faire fléchir.

— Non, la discussion est close, trancha-t-il sans appel avant de quitter la pièce aussi rapidement qu’il y était entré.


Je restai seule, immobile, le regard fixé sur la porte qu’il venait de claquer. Il avait raison, et je le savais. Depuis mon réveil, j’avais été exécrable. Entre l’ennui qui me rongeait et l’angoisse sourde qui m’habitait, j’étais devenue une véritable boule de nerfs, et c’était Brandon qui en subissait le plus les conséquences. Mais comprenez-moi, rester enfermée dans cette chambre minuscule, jour et nuit, pendant quatre longues semaines, avait fini par me rendre folle. Au début, la pièce me semblait presque accueillante, avec ses teintes pastel et ses rideaux tirés qui laissaient entrer juste assez de lumière. Mais à force de fixer les mêmes murs, les mêmes plafonds, tout cela m’avait rendue malade.


Je n’eus pas le temps de ruminer plus longtemps que le médecin fit irruption dans la chambre. Il portait son habituelle blouse blanche, son sourire professionnel plaqué sur son visage, comme s’il ignorait totalement la tempête intérieure qui me submergeait.


— Alors, comment allez-vous aujourd’hui, mademoiselle ? Me demanda-t-il d’un ton affable.

— Je vais bien, répondis-je, tentant de dissimuler ma lassitude derrière un sourire forcé, espérant secrètement que cette réponse suffirait à m’accorder ma libération tant attendue.


Il hocha la tête sans sembler convaincu, et je le vis sortir son stéthoscope, prêt à m’ausculter pour la énième fois.


— Attendez, docteur. Écoutez, vous êtes très gentil, mais la question n’est pas là. Ce que je veux vraiment, c’est rentrer chez moi, maintenant, dis-je d’un ton pressant.


Le médecin s’arrêta, relevant ses lunettes sur le bout de son nez avant de me fixer d’un air pensif.


— Hum… Je n’y vois pas d’objection pour l’instant. Votre état s’améliore de jour en jour, votre tension est stable, vous n’avez plus de commotion, et votre motricité est revenue à un niveau tout à fait normal, énuméra-t-il avec un sourire qui, cette fois, m’arracha un soupir de soulagement.

— Alors, je peux rentrer chez moi ? Insistai-je, mon cœur battant plus fort à l’idée de quitter enfin cet endroit.

— Si votre état se maintient d’ici demain, vous pourrez quitter l’hôpital dans la matinée.


À ces mots, je ne pus contenir mon excitation et, dans un élan irréfléchi, j’attrapai le médecin pour l’enlacer.


— Euh… Fit-il, visiblement embarrassé.

— Oh, je suis désolée ! M’excusai-je aussitôt, mes joues prenant une teinte rouge vif sous le coup de la gêne.

— Ce… Ce n’est rien, répondit-il, mal à l’aise, mais souriant malgré tout. Bon, avant que vous ne partiez, je dois vous informer que vous devrez suivre des séances de rééducation pour vos jambes. Ces séances auront lieu les mercredis et vendredis, ici, à l’hôpital, à 16 h 30. Elles sont essentielles pour que vous retrouviez pleinement votre mobilité.


Je fronçai les sourcils.


— Pourquoi dois-je suivre ces séances ? Je me sens bien…

— Votre corps a souffert de l’immobilité pendant ces six mois, et ces exercices sont nécessaires pour que vous récupériez complètement la motricité perdue, expliqua-t-il patiemment. Il ajouta avec un sourire en coin : vous ne voulez tout de même pas passer le reste de votre vie en fauteuil roulant, n’est-ce pas ?

— Et pourquoi pas ? Rétorquai-je, à moitié sérieuse, à moitié provocante.


Le médecin soupira, posant une main amicale sur mon épaule.


— Écoutez, Vic, je comprends que ce soit difficile, mais ces séances sont cruciales pour votre rétablissement complet. Vous pouvez marcher, certes, mais pas sans difficulté. Si vous ne suivez pas ce programme, vous risquez de voir votre état stagner, voire empirer.

— Je pourrais peut-être… Mais je ne vis pas en France, rappelai-je. Je suis ici temporairement. J’habite à Manhattan maintenant, et…

— Vous ne pouvez pas prendre l’avion dans votre état, coupa-t-il, son ton devenant subitement plus sérieux.

— Quoi ?! Protestai-je, abasourdie par cette nouvelle restriction.

— Vous m’avez très bien entendue. Votre corps ne pourrait pas supporter un vol long-courrier dans son état actuel.

— Un vol en avion est interdit pour une personne dans un fauteuil roulant ? Demandai-je avec une ironie amère.

— Vous n’êtes pas handicapée, Vic. Vous êtes en convalescence, c’est différent.


Je secouai la tête, dépitée. J’avais tant espéré pouvoir retrouver ma vie à New York, mon appartement, mon quotidien. Mais je comprenais qu’il n’y avait aucune échappatoire à cette nouvelle contrainte.


— Donc je n’ai pas le choix, c’est ça ? Soupirai-je.

— Je suis désolé, répondit-il d’une voix douce, mais ferme.


Le médecin quitta la pièce en me lançant un regard compatissant. Pendant ce mois passé à l’hôpital, il avait été plus qu’un simple soignant. Il avait répondu à mes innombrables questions avec patience et honnêteté, et je savais que derrière son professionnalisme, il y avait un véritable souci pour mon bien-être.


Je me remémorai les premières semaines après mon réveil. Ce fut un choc immense lorsque j’avais réalisé que je ne pouvais plus marcher. Mes jambes ne répondaient plus, et malgré les picotements que je ressentais parfois, elles restaient inertes. Ce fut une épreuve insupportable, et je n’avais pas su la gérer autrement qu’en criant, en hurlant, en pleurant. Ma terreur avait résonné dans les couloirs, alertant tout le personnel. Ce jour-là, j’avais compris que, malgré mon éveil, ma guérison serait longue et douloureuse.


Je me détournai de ces pensées sombres en roulant mon fauteuil vers la fenêtre. De ma chambre, j’avais une vue magnifique sur une chaîne de montagnes verdoyantes. Les arbres, d’un vert éclatant en cette saison, formaient un mur impénétrable de feuillage, dissimulant les animaux qui devaient s’y déplacer. Plus près, je pouvais voir le jardin de l’hôpital, un espace que je n’avais jamais eu l’occasion de visiter, mais que je rêvais d’explorer, même en fauteuil roulant.


— Hey ! Lança soudain une voix familière.


Je tournai la tête et vis Gwen passer sa tête par l’entrebâillement de la porte, son sourire habituel illuminant son visage.


— Hey ! Répondis-je, heureuse de la voir.

— Comment ça va, ma belle ? Demanda-t-elle en s’avançant.

— Comme tu vois, je vais bien, mentis-je en haussant les épaules.

— Tu m’as l’air un peu pâle… Remarqua-t-elle en plissant les yeux.

— J’ai toujours eu un teint cadavérique, tu le sais bien, plaisantai-je.

— Mouais… Mais quand même… Répondit-elle, visiblement peu convaincue.


Gwen entra dans la chambre, le sourire aux lèvres, en brandissant un petit sac en plastique. Elle semblait excitée à l'idée de me montrer ce qu'elle avait apporté, et je pouvais déjà deviner que cela allait apporter un peu de douceur à ma journée.


— Ça va, je te le jure, lui dis-je en haussant légèrement les épaules pour la rassurer.

— Bon… Si tu le dis, répondit-elle, bien qu'elle ne parût pas totalement convaincue. Elle scrutait toujours mon visage, probablement à la recherche du moindre signe de fatigue ou d'inconfort.


Je baissai les yeux vers sa main où se trouvait ce fameux sac.


— Qu’est-ce que tu tiens là ? Demandai-je, essayant de détourner l’attention de mon état de santé.


Elle agita le sac devant moi, comme pour attiser davantage ma curiosité.


— Je t’ai apporté des tas de bonbons ! Ça fait une éternité que tu n’as pas mangé autre chose que cette horrible nourriture d’hôpital.


Mes yeux s'illuminèrent à la vue des sucreries.


— Oh, ça fait des siècles, en effet, que je n’en ai pas mangé, avouai-je avec un sourire sincère.

— Je m’en doutais, c’est pour ça que j’en ai ramené autant. Tu vas finir par faire une crise d’hypoglycémie à force de ne rien avaler de comestible ici.


Je haussai les sourcils, tentant de défendre la nourriture de l’hôpital, même si au fond, je savais qu’elle avait raison.


— Ce n’est pas si dégoûtant que ça... Protestai-je doucement.


Gwen me regarda, l'air choqué.


— Tu plaisantes, j'espère ?! S’exclama-t-elle, feignant l’horreur.


Je laissai échapper un rire, hochant la tête.


— Oui, je plaisante, ne t'inquiète pas !


Elle soupira de soulagement, portant une main à son cœur, comme si j'avais failli l’effrayer.


— Ah, tu m’as fait peur ! Pendant une seconde, j’ai cru qu’ils t’avaient lobotomisée avec leurs tests bizarres.

— On n’est pas chez les fous, Gwen, répondis-je en riant.


Elle frissonna malgré tout, jetant un coup d'œil autour d’elle, comme si les murs de l’hôpital renfermaient des secrets inquiétants.


— N’empêche, cet endroit n’est pas très rassurant, ajouta-t-elle à voix basse. Tous les jours, il y a des gens qui meurent ici…


Je la regardai, les yeux plissés d’amusement.


— Je croyais que tu aimais ce genre de choses ? Lançai-je d’un ton taquin.


Gwen me fit un clin d'œil, mais son visage devint sérieux.


— Ouais, enfin, je préfère les voir dans des films d'horreur. Être dans le même bâtiment que des gens qui passent l’arme à gauche me donne la chair de poule.


Je ne pus m'empêcher de rire à nouveau, secouant la tête.


— Tu es vraiment bizarre, Gwen, je te jure !


Elle fronça les sourcils, mais je voyais bien qu'elle se retenait de rire elle aussi.


— Ce n’est pas drôle, protesta-t-elle faiblement, tentant de retrouver son sérieux.

— Si tu pouvais voir ta tête ! Rétorquai-je, éclatant de rire.

— Quoi ?! Je viens ici, voir ma meilleure amie, espérant passer un bon moment, et voilà comment elle me traite, bouda-t-elle en croisant les bras.


Je la regardai avec un sourire moqueur, tendant la main vers elle.


— Oh, arrête de faire la victime et donne-moi ces bonbons, ordonnai-je en essayant de récupérer le sac.


Elle éclata finalement de rire, et nous passâmes le reste de l’après-midi à plaisanter et à discuter de tout et de rien. Gwen savait toujours comment me changer les idées, et cela faisait un bien fou. Brandon, quant à lui, passa en coup de vent, me promettant de revenir plus tard après avoir réglé quelques affaires. Il était resté à mes côtés durant ces huit mois, veillant sur moi sans relâche, et n’avait même pas pris le temps de retourner aux États-Unis pour s’occuper de son entreprise. Je m’en voulais un peu de lui prendre tout ce temps, mais il semblait vouloir être là, quoi qu'il arrive.


La soirée arriva, et avec elle, le couvre-feu imposé par l’hôpital. Il était à peine 22 heures, et déjà, une étrange tranquillité régnait dans les couloirs. Cet endroit avait des allures de colonie de vacances avec des règles aussi strictes pour l’heure du coucher. Assise dans mon lit, j'avais un livre entre les mains – un roman d'amour que j'avais commencé quelques jours plus tôt – mais mon esprit était ailleurs. L'excitation de sortir le lendemain m'empêchait de me concentrer. Après tout, j'attendais ce moment depuis des semaines, peut-être même depuis mon réveil. Enfin, j'allais pouvoir quitter cet endroit, cet univers aseptisé où chaque jour semblait s'étirer interminablement.


Je finis par éteindre la lumière, espérant que le sommeil viendrait malgré l'excitation qui bouillonnait en moi.


Le lendemain matin, le 24 juillet, était enfin là. C’était le grand jour, le jour de ma libération. J'avais déjà répété mille fois dans ma tête à quel point j’avais hâte, et à présent, je pouvais sentir cette anticipation dans chaque fibre de mon être. Je m’activai à ranger mes affaires dans ma valise, quand mes parents entrèrent dans la chambre.


— Tu es prête, ma puce ? Demanda ma mère d’une voix douce.

— Ouais… C’est bon, répondis-je, tout en refermant ma valise.


Ce mois passé, à l'hôpital, m'avait donné le temps de réfléchir, et j'avais pris la décision de rester chez mes parents pendant quelques semaines. De toute façon, c’était la solution la plus logique. Non seulement, je n’étais pas autorisée à prendre l'avion dans mon état, mais je ne voulais pas non plus imposer ma présence à Gwen. Elle en avait déjà fait tellement pour moi. Quant à mon frère, même s’il n’habitait plus à la maison, au moins, je pourrais le voir plus souvent.


Je pris ma valise et rejoignis mes parents dans le couloir. Brandon était là aussi, adossé au mur, patientant avec un sourire amusé sur les lèvres.


— Tu peux entrer, tu sais, lui dis-je en le taquinant.


Il haussa les épaules avec un air faussement innocent.


— Je voulais te laisser un moment avec ta chambre, pour dire au revoir, répondit-il en me jetant un regard taquin.


Je ris doucement.


— Cette chambre ? Crois-moi, elle ne va pas me manquer !

— Je m’en doutais, dit-il avec un sourire en coin.


Nous descendîmes tous ensemble jusqu’à l'accueil de l’hôpital. La dame à l'accueil, une femme d’un certain âge au sourire bienveillant, me tendit quelques formulaires à remplir avant que je ne puisse enfin partir. À présent que j’étais majeure, je n’avais plus besoin que mes parents signent pour moi. C’était étrange de réaliser que, malgré tout ce qui m'était arrivé, je devais encore m’occuper de formalités aussi banales.


Alors que je m’apprêtais à remettre les documents, le Dr Défauche apparut à l'entrée. Son sourire était chaleureux, et il semblait réellement heureux pour moi.


— Alors, c’est le grand jour ? Vous devez être impatiente, non ? Lança-t-il avec un clin d'œil.

— Oh oui, vous n'avez même pas idée ! Je voulais vous remercier, docteur. Vous avez été d’une grande aide.


Il agita la main en signe de modestie.


— C’est mon travail, après tout.

— Eh bien, vous le faites très bien, ajoutai-je avec sincérité.


Je le regardai un instant, puis me rappelai ce petit détail qui m’avait toujours agacée.


— Juste un conseil, docteur, dis-je en baissant légèrement la voix, presque complice.

— Oui ? Demanda-t-il, intrigué.

— Essayez d’arrêter de fumer. Ça serait mieux pour tout le monde.


Il éclata de rire, visiblement pris par surprise.


— Vous avez probablement raison, répondit-il. Je vais y penser, promis.


Nous nous saluâmes une dernière fois, et il repartit en me souriant. Une fois les documents remplis et approuvés par l’accueil, je sortis enfin de l’hôpital. Mes parents et Brandon m’attendaient à l’extérieur, et dès que je franchis la porte, une vague de soulagement m’envahit. L’air frais, le bruit de la ville, tout semblait si vibrant après des semaines d’enfermement.


— Alors, on rentre ? Demanda ma mère, un sourire tendre aux lèvres.

— Oui, on rentre enfin, répondis-je, un large sourire aux lèvres.


Et c’est ainsi que nous quittâmes l’hôpital, prêts à tourner la page de ce chapitre difficile de ma vie.

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