Elle soupire souvent.

« Ces scénarios qui manquent d'arbres... »

Elle marmonne.

« Dieu au huitième jour : Que meurent les forêts pourvu que la croissance soit conservée ! Il a déjà tout oublié. »

La Forêt pleure dans son cocon de soie. Depuis combien de jours la pluie n'est-elle pas tombée ? pense-t-elle. Elle déchire les fils. C'est l'heure de l'auscultation.

Elle passe par l'allée de mousse. Au creux des arbres, elle voit les passages secrets, baignés de lumière de chlorophylle, où la rosée est plus douce. Entourée des vieux gardiens qu'elle soigne à la photosynthèse assistée, elle sourit. Certains d'entre eux sont si hauts que leurs frondaisons, en se perdant dans les nuages, semblent tissés de brume. De tels géants ne peuvent pas tomber, même au milieu de tempêtes. La Forêt chantonne. C'est pour encourager les insectes et les oiseaux. Il faut que ça bruisse, que ça murmure, que ça clapote et cliquette et gazouille dans les broussailles et les nids tout ronds.

Pourtant tout se tait. Rien ne lui répond. La Forêt avance. Elle écoute. C'est le premier symptôme. Bientôt, elle voit : devant, la terre est désolée, les arbres morts, couchés dans des lacs d'eau froide. Toutes les futaies sont foutues, rongées du dedans. Il faut avancer, sauver des ronces noirâtres les langues d'oiseaux pendues, tirer de leurs cachettes les atomes désunis qui pleurent sous les éboulements d'écorce. Tout reconstituer.

La Forêt ne plie pas. Ses racines touchent au coeur, ses branches chatouillent l'atmosphère. Elle ne peut pas plier. Elle rompra, elle luttera.

Elle renaîtra.