Vincent, dans son tracteur, rumine.
Il est de mauvaise humeur.

Pourquoi n’est-il pas resté dans son île ! ...

Il a bien observé Charlotte, lors de la fête d’anniversaire de Pauline.
Ses yeux brillaient quand elle regardait Guillaume. Il y avait longtemps qu’il ne l’avait pas vue si gaie.
Avec l’envie de plaire.

… Pas à moi en tout cas…

Pourtant Guillaume lui avait promis de ne plus mettre les pieds à la ferme. Vincent pensait bien que les choses avaient été claires.
Vingt ans qu’il lui envoie une pension mensuelle. Comme une avance sur l'héritage.

…L’histoire ne va pas recommencer ! ...

Entre Guillaume et Vincent, cela n’a jamais été la grande fraternité. Pourtant, enfants, ils ont eu des moments de complicité, mais ils sont noyés dans un univers d’antagonismes. D’incompréhensions.

… le chouchou de la mère ! …

Vincent aime Charlotte. A sa façon. Comme un propriétaire.
La façon qu’il a apprise en regardant son père.

… la mère, elle, est heureuse…

Le père est décédé il y a maintenant longtemps. Peu de temps avant sa rencontre avec Charlotte. Vincent, l'ainé, a tout naturellement pris la direction de l'exploitation. S'il était encore vivant, que dirait-il de tout ça ? Vincent se pose la question, mais pour lui la réponse est évidente.

… le père, lui, n'aurait pas permis à Guillaume de cocufier son frère...

Guillaume, il y a vingt ans, il dédaignait la ferme. Et pourtant cette année là, il revenait de plus en plus souvent.
Le week-end, les vacances scolaires.
Tout à coup, il trouvait du charme à la vie à la campagne.

… Ils m’ont pris pour un imbécile, tous les deux. Je n’ai pas fait d’études…

Et Pauline qui, aujourd'hui, s’enthousiasme aussi pour cet oncle providentiel. Il a tellement d’histoires à raconter pour la faire rêver.
A vingt ans, tous les rêves sont permis.
Cela aussi fait enrager Vincent.

… Pauline est à moi. Comme Charlotte. Il ne me les prendra pas…

Hier soir, après la fête. Charlotte ne voulait pas faire l’amour. Vincent a insisté.
Elle s’est laissé faire.
Il a joui. Elle est restée impassible.

… le jour des vingt ans de notre fille, il fallait marquer l’évènement…

D’un poing rageur, il frappe sur le volant du tracteur.
Une main qui abattrait un cochon. Alors un homme…
Il y a vingt ans, en novembre, Vincent avait pris Guillaume à la gorge.

… une main suffisait pour le décoller du sol, ce gringalet…

Vincent avait serré, jusqu’à l’étouffement. Il avait menacé. Les yeux mauvais.

… j’aurais pu le tuer…

Il les tuerait tous les deux.

… aujourd’hui comme hier…