Chapitre 20
L‘ensemble des équipages de la flotte se tenait devant les écrans et radios disponibles sur les navires. Après l’arrivée spectaculaire des vaisseaux de la Légion, chargés de vivres, de minerais, de navires usines et de vaisseaux miniers, de bâtiments dernier cris, mais aussi et surtout des derniers membres des Stériles présents sur Terre, la flotte avait manœuvré pour se mettre à l’abri, loin du système solaire. Les officiers et représentants politiques s’étaient alors réunis par holocom interposé. Rien n’avait filtré. Une seule information s’était répandue : une allocution de l’Amiral Lander -promue depuis peu- serait diffusée dans les heures à venir. Ainsi, tous restaient attentifs aux écrans vides.
D’Erico se débarrassa de son armure en grimaçant. Toutes ces aventures n’étaient plus de son âge. Elle hocha la tête à son aide de camp qui lui passa un uniforme. Elle haussa un sourcil en souriant :
- Pas celui là, il n’est plus temps de s’amuser. Le vrai.
Le lieutenant inspira brièvement et rangea la tenue de capitaine dans l’armoire. Il prit un autre uniforme, aux couleurs traditionnelles de l’ancienne armée française. D’Erico l’enfila rapidement. Elle hésita entre le béret et le képi. Le temps était à la guerre. Elle posa le béret vert sur sa tête et passa le doigt sur les cinq étoiles qui l’ornaient. La Mère Légion reprenait sa véritable identité.
- Mon général, fit le lieutenant au garde-à-vous.
- Allons, il est temps de reprendre du service hein ? Je me suis bien amusée. Faites entrer le colonel Hencock.
Henry Hencock, entra d’un pas décidé. Il s’arrêta net au milieu de la pièce en voyant d’Erico se retourner vers lui. Le capitaine portait l’uniforme et le grade d’un général d’armée. Il salua. D’Erico lui fit signe de s’asseoir. Elle prit un cigare et l’alluma.
- C’est une longue histoire colonel. Je suis bien le général d’armée d’Erico, commandant en chef des forces de la Légion. J’ai donc toute autorité sur elles. Mais le poste me laisse en dehors des champs de batailles. Alors parfois, je passe mon vieux grade de capitaine et je participe à des missions. Bon, que vouliez-vous ?
- Je… Oui. La Légion vous a donc suivi. Ont-ils eu le choix ou en avez-vous donné l’ordre ?
- Ils ont eu le choix. Ils ont tous choisi de venir. Nous ne sommes pas très nombreux, je connais chaque légionnaire. Ils sont fidèles à leur serment, et je représente ce serment.
- C’est un peu dangereux comme idéologie, si je peux me permettre.
- Si tu veux mon ami. Allez, à l’essentiel, fit le légionnaire en fumant son cigare tranquillement.
Le passage au tutoiement n’était pas pour déplaire à Hencock, mais il se retint de faire de même.
- Alors voilà… Avec mes camarades scientifiques, et avec les infos données par feu le colonel Servat, nous avons pu reconstruire le puzzle. Je viens vous en faire part car une décision a été prise et elle aura une conséquence grave pour les Fertiles.
D’Erico hocha la tête pour l’encourager à parler.
- Bien, poursuivit Hencock. La génération de Stériles est née d’une erreur génétique. Les naissances chutaient dangereusement, les autorités ont joué avec le feu en allant chercher des ADN sur des cadavres des siècles passés afin de donner naissance à des êtres humains à nouveau fertiles. Ce fut un échec, mais ils ne le découvrirent que quand nous sommes arrivés aux âges où la reproduction devenait normalement possible. En grand secret ils ont alors manipulé d’autres échantillons d’ADN qui cette fois ont donné naissance à des humains Fertiles. Mais que faire de toute cette génération de stériles ? Surtout qu’ils ont découvert une terrible information : les Stériles étaient virtuellement immortels. A partir de la vingtaine, leur métabolisme ralentissait au point de ne plus vieillir. Les Stériles consommaient des ressources vitales d’une Terre exsangue, et rien n’écartait la possibilité qu’un jour ils aient envie de prendre le pouvoir pour toujours. Certaines autorités ont donc mis au point un mensonge : l’arrivée d’une force inconnue visant à détruire la Terre. On a mobilisé les Stériles avec pour seule finalité de les exterminer jusqu’au dernier.
- Je vois, fit le général en écrasant son cigare. Et vous envisagez quoi ?
- Comme nous sommes quasi immortels et que nos calculs prédisent notre espérance de vie à plusieurs siècles, nous envisageons de partir à la découverte d’une autre planète. Avec la vitesse C-1 l’impossible est à portée de main.
- Mais nous autres Fertiles…
- Ne survivriez pas au premier saut.
D’Erico se leva. Il contempla les étoiles à travers le hublot.
Soudain, l’alarme générale sonna à tout rompre.
Une image holographique du pont de commandement s’afficha sur le bureau de d’Erico : le visage tendu de l’Amiral Lander :
- A vos postes de combat ! Multiples signatures C-1 !
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