Ange.
Je n’y avais jamais réellement réfléchi. J’ai dû y penser quelques fois, puis j’ai oublié. Peut-être parce que j’étais convaincu que cela n’arrivait qu’aux autres, mais cela arrive à tout le monde ; un proche qui s’en va ou un proche qui, sur le point de s’en aller, perd lentement espoir et déclare sur un lit d’hôpital « c’est finit ». Et quand ce moment arrive on ne peut s’empêcher de pleurer. On pleure discrètement, une larme après l’autre, et on étouffe ses plaintes : on ne veut pas anéantir tous les espoirs. Alors, un peu en riant, un peu sérieusement, on demande « qu’est ce qui est finit ? ». Et soudain le silence est assourdissant, il est lourd. Lourd de réponses à lui seul. Et puisqu’il veut parler on le laisse faire et on essuie nos larmes, toujours furtivement.
Et c’est précisément là que l’on aimerait redevenir un enfant, ignorant ce que le mot mort veut dire, jouant avec les stores de l’hôpital, mangeant ce dont le vieillard n’a pas voulu… D’ailleurs, ce vieillard on ne le voyait jamais mourir. On le voyait vivre éternellement ou bien on repoussait sa fin… éternellement. Mais ce jour où l’on a pleuré, on ouvre les yeux sur la réalité du monde et on ne peut faire que pleurer. Pleurer pour la mort prochaine de son grand-père ou bien la nôtre.
Il s’appelle Ange, et c’est comme d’un ange que je m’en souviendrais.
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- 3 août 2015
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