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Lindsay commença tristement sa nouvelle vie à Paname. Et c’était une vie de galère. Il fallait marcher deux kilomètres pour arriver au salon. Passer de longues journées debout à en avoir mal aux jambes le soir. On lui colla les brushings et rapidement elle eut une ténosynovite des pouces très pénible.
Mais elle serra les dents. Il fallait tenir et gagner l’argent du loyer.
Elle passait des journées mornes à espérer des nouvelles de Lorenzo. Mais rien. Tous les jours en passant devant l’hôtel lugubre abandonné, elle hésitait mais finalement, n’osait pas entrer.
Sa vie se passa dans la monotonie. Les espoirs de reprendre des études étaient oubliés. Ses mains la faisaient souffrir de plus en plus. Marie et elle n’avaient que peu de distractions. Elles sortaient bien de temps en temps, mais cela n’avait qu’une saveur fade pour Lindsay.
Et puis un soir pluvieux, tandis qu’elle se hâtait sur le boulevard, une voiture ralentit à sa hauteur et klaxonna. Elle tourna la tête : Lorenzo, souriant, au volant d’une voiture de sport rouge.
— Monte, ma belle, je te ramène.
Lindsay hésita. Elle lui en voulait. Elle lui en voulait beaucoup. Elle fit mine de continuer son chemin :
— Allez quoi ! J’ai plein de choses à te raconter !
— T’es qu’un connard !
— C’est vrai.
— Un vrai salaud !
— Aussi.
— Un… Un…
— Goujat ?
— Oui !
— Un mufle ?
— Oui !
— Un malotru ?
— Tu te fous de ma gueule en plus ?
— Allez, viens… Tu vois pas que je gêne la circulation ?
— Fiche-le-camp !
Lorenzo stoppa la voiture, bloquant sa file, sous un concert de klaxon. Il s’élança vers elle.
— Lindsay, pardon. Allez viens…
— Ne me touche pas !
— Tu veux que je pleure, c’est ça ?
— Tu n’as pas de cœur !
— Si là, il ne bat que pour toi !
— Menteur !
— Allez, donne-moi une chance… Sois gracieuse !
Lindsay ne put s’empêcher de sourire. Le mal était fait. Il lui tint la portière avec la dernière galanterie, mais insulta - en arabe -, copieusement, le type qui s’impatientait derrière sa voiture.
— Tu parles arabe ?
— Bah oui, on est en Frankaoui, non ?
— Mais qu’est-ce que tu racontes ?
— Mademoiselle est une bourgeoise… Tu votes à gauche toi, hein ?
— Lorenzo !
De nouveau c’était un tourbillon. Cela fusait, cela donnait le vertige. La voiture gicla dans un grondement rauque. Lindsay poussa un cri.
— Tu as peur ?
— Oui ! Raentis ! Tu es complètement fou !
— Sans le danger, la vie n’est rien !
— Tu es complètement inconscient.
— Complètement.
— Qu’est-ce que c’est que cette voiture ?
— Porsche 911 turbo, 450 CV…
— Je m’en fous de la marque ! Tu l’as volée !
— Volée ? Mais non. Pourquoi, volée ?
— Tu es un voleur !
— Mais non, qui t’a mis une telle idée en tête.
Lorenzo se gara devant l’hôtel. Un type en capuche attendait sur le trottoir en fumant nerveusement, ne cessant de regarder à droite et à gauche.
— Putain, Lorenzo, t’es en retard !
— Bah… Un truc à faire.
L’homme vit Lindsay sortir de l’auto.
— Lorenzo, un jour, avec tes conneries…
— Allez, roule ma poule.
L’homme prit place dans le bolide et démarra en trombe.
— Lorenzo, qu’est-ce qui se passe ?
— Regarde-moi dans les yeux !
— Je te regarde !
— Non, bien… Voilà… Comme ça…
Il fit des gestes bizarres avec les mains :
— Lindsay, tu n’as rien vu, il ne s’est rien passé, tu rentres du boulot…
— Tu te fous de ma gueule ! Tes trucs de Jedi, ça marche pas sur moi !
— Bah, on peut tenter, non ?
— Non !
— Allez, viens, on va boire un pot.
Il invita Lindsay à entrer dans l’hôtel. Elle se disait qu’il ne fallait absolument pas y entrer que c’était une mauvaise idée. Mais en même temps, elle avait une telle curiosité de savoir ce qu’il s’y passait…
Elle entra. Sa vie venait de basculer du côté obscur. Elle devenait une Sith : Dark Lindsay.
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