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Seb apporta un buffet froid surprenant : pain-surprise, foie gras truffé, caviar authentique à 500 boules la bouchée… C’était un vrai bonheur, du tombé du camion.

— Régale-toi ma belle avant que le géant rapplique.

— Mais Lorenzo… Ce fou, le géant… Il est dangereux ! On n'entend plus rien, ce n’est pas inquiétant ?

— Inquiétant ? C’est quand on entend les sirènes des keufs que c’est inquiétant. Sinon c’est cool. Tu sais quand on était petits, on devait avoir une dizaine d’années, on a vu un film de Bruce Lee. Ça nous a choqués grave, comme une révélation mystique tu sais, le truc que normalement tu te fais curé après. Bah nous quand on est sorti dehors… On se prenait pour Bruce Lee. On s’est mis à se battre en poussant des cris de fous. On a attrapé tout ce qu’on pouvait : bassine, balais, pelles, chaussures, slips… Enfin tout quoi. Ça a duré pendant au moins six heures sans interruption. Des gens sont venus pour nous séparer, des adultes tu vois, on les a battus comme des dingues, des enragés, des possédés; mordus, craché, pissé, ils se sont sauvés. Finalement, morts de fatigue, en sang, en loque, mi-morts tu vois, on marchait comme des zombies, on s’est séparés.

Ma mère m’a roué de coups, mon père voulait m’envoyer à la légion étrangère. Pareil pour Lorenzo. Fabrice savait plus son nom. Jo était comme un dément avec sa queue à la main, je crois qu’il a passé la nuit à se branler et à courir.

Lorenzo a été puni par son paternel. Il devait apprendre un bouquin de physique par cœur. Son père pensait que ça lui prendrait au moins une semaine. Mais en un jour, il le savait. Il pouvait le réciter à l’endroit et à l’envers. Alors son père à dit qu’il était possédé du démon et qu’il ne pouvait plus rien faire. Lorenzo est devenu mystique et il faisait des maths tout le temps. Il gribouillait des formules partout.

Enfin, tout ça pour te dire de pas t’inquiéter. Ça va ma belle ? T’es toute palote ? Mange un peu… On t’a dit que tu es trop maigre. On dirait une burkinabé.

Et en effet, Lindsay était effarée. Une burkinabé effarée. C’est grave quand même.

Lorenzo reparut et s’empressa d’engloutir du caviar sur la pointe d’un surin qui s’ouvrit comme par magie.

— Lorenzo, j’ai peur, fit Lindsay.

— Tu veux visiter ? Viens c’est marrant, tu vas voir.

— Mais…

— Alors, on un billard. Tu vois… C’est cool hein ? Et le poker, mais ça tu as déjà vu. On a un dancing avec un vrai juke-box… Tu danses, ma belle ?

Il entraîna la pauvre Lindsay dans quelques pas de danse. C’était surréaliste. Elle s'agrippa à lui :

— Lorenzo, quelle enfance affreuse tu as eue… Seb m’a raconté…

— Non… quand on a des potes… Tout va bien. On s’est vachement marrés quand même. Viens on va sur le toit, tu vas voir, on voit Paname… Vue sur la tour Eiffel. Le luxe quoi…

Ils grimpèrent un escalier branlant. Lindsay aperçut des chambres sordides et des grabats. C’était glaçant de misère…

— Tu dors là ? Mais c’est…

— Non, que de temps en temps. En ce moment, je crèche au George V…

— Tu… Où ?

— Je me fais passer pour Kassim, un prince saoudien.

— Mais c’est…

— Fais gaffe, il y a un trou, là ! Tiens-toi à moi. Ce serait ballot que tu tombes.

— Ah ! fit Lindsay en prenant conscience du danger.

— Moi j’aime le vide. J’aime la sensation du vertige. Pas toi ?

— Tu es complètement fou !

— Ouvre les yeux ! Regarde ! Le monde est là, il n’attend que d’être pris… tends ta main !

— Non !

— Donne-moi ton cœur !

Lindsay se cramponna à Lorenzo et le regarda ardemment.

— Je déconnais ! fit-il en riant.

— Je t’aime, fit Lindsay d’une petite voix pleine d’émotion.

— Mais nan !

— Mais si !

— Bah… on va faire quoi maintenant ?

— Lorenzo.

— Faut que je te saute, c'est tout.

— Lorenzo !

— T’as dit que tu m’aimes !

Lindsay le repoussa rudement.

— Tu ne peux pas être sérieux ? La vie n’est qu’un jeu pour toi ?

— Viens là !

Il l’attira à lui et l’embrassa comme la première fois. C’était de nouveau un bouleversement terrible pour la pauvre Lindsay. Ils restèrent enlacés, écoutant les bruits sourds de la capitale ponctués par les gémissements de plaisir d’une femme, un peu plus loin.

Lorenzo eut ce commentaire, hautement philosophique, dénotant une intelligence supérieure :

— Le mec est en train de lui coller une bastos, à celle-là ! Mais une bastos !

Lindsay se mordit les lèvres pour ne pas rire. Elle voulait garder un peu de romantisme à ce moment magique.

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