Chapitre 3 - 1

4 minutes de lecture

— Papa ! Tu aurais vu Karel, par hasard ? demanda Lya.

— Il me semble l’avoir vu dans la dépendance et qu’il y était cet après-midi, et encore, s’il ne s’est pas téléporté ailleurs ! maugréa Sorel avec humeur.

  Lya fut surprise. S’étaient-ils encore disputés ?

— Il y a un problème ?

— Cette tendance qu’il a à vouloir se couper du monde commence à m’agacer sérieusement. J’ai l’impression que ton frère retombe dans ses travers, et ça ne me plaît pas.

  Lya n’osa pas en rajouter. Elle se contenta de faire comme si elle n’avait rien entendu.

— D’accord, merci !

  Elle embrassa son père sur la joue, espérant sans vraiment y croire que cela détournerait un peu son attention. Elle sortit de la maison prestement.

  Les animaux paissaient tranquillement dans les champs. Karel se trouvait à quelques mètres de là, installé sur des ballots de paille empilés contre la dépendance. Une feuille de papier installée sur un support en bois installé sur sa jambe repliée, son frère était concentré sur ses croquis et corrigeait un détail à l’aide d’un crayon. Lorsque l’un des chats de la maison sauta à ses côtés, Karel mit son activité de côté pour gratter distraitement la bête en jetant un regard sur l’horizon. Il appréciait la simplicité de ce genre de moment. Au moins une situation du quotidien qui ne se compliquait pas inutilement. Et ce calme… C’était tellement agréable…

  Des bruits de paille crissant sous des bottes l’alertèrent de la présence de sa sœur. Elle se jeta à côté de lui, faisant fuir le chat.

— Salut !

  Son frère lui accorda un regard et lui rendit son salut. Il s’étira et réajusta sa position, bercé par le chant de la nature environnante. Au moins, personne n’était là pour lui rappeler à quel point il se sentait…

« Nul. Bon à rien dans quoi que j’entreprenne. »

  Plus le temps passait et plus la force lui manquait. Chaque jour, chaque année, il puisait encore un peu plus pour trouver la force de s’opposer à ce constat.

  Lya jeta un œil curieux à la feuille de papier. Elle regarda ensuite son frère, toujours ailleurs et semblant divaguer dans ses propres pensées.

— Tu es doué dans plein de choses, dis-moi ! Ça représente quel Dragon ?

  Karel éluda la question et répondit que ça n’avait aucune importance, puisque de toute façon, il n’en n’était pas satisfait.

— Ah bon ? Pourquoi ? Tu as mis trop de détails ? C’est très ressemblant, pourtant !

— « Ce dragon n’a rien de divin ni quoi que ce soit d’impressionnant comme les Sept. »

— Papa ne va pas être content, tu sais, de voir que tu utilises du papier pour dessiner plutôt que de l’utiliser pour autre chose.

  Karel se garda bien de répliquer. Il était vrai que ces fournitures étaient un luxe, ici. On le gardait plutôt pour des choses plus importantes comme des lettres officielles ou des correspondances avec d’autres régions, pour peu que certaines personnes aient des contacts au-delà des barrières du village.

  Plusieurs années plus tôt, ses parents lui avaient offert un cahier vierge pour lui permettre de communiquer, le temps d’apprendre à se comprendre. Cela ajoutait encore plus de valeur à ce cadeau. Eylen et Sorel avaient beau avoir été souvent dépassés par son handicap, leur geste lui avait prouvé à quel point ils avaient souhaité l’aider. Rien que pour ça, Karel les tenait en haute estime. Il ne pourrait jamais oublier un tel geste.

— Où tu as appris à faire ça ?

  Karel se crispa, mal à l’aise. Il avait juste cherché à se détendre un peu, ne comptant pas repenser à son passé. Afin de lui apprendre à se téléporter, le Mage lui avait imposé des exercices d’observation qu’il devait exécuter au détail près, d’abord normalement, puis à l’aveugle, les yeux bandés. Karel se rendit soudain compte qu’il en avait gardé les acquis. Il jeta un œil à sa feuille de papier. Était-ce une bonne chose, finalement, de se perdre dans cette activité ?

— « J’ai… j’ai appris en observant. »

— Ah bon ? Tu es sacrément fort ! Moi, j’ai beau observer, je ne saurais même pas faire quelque chose de ressemblant. Et ce cristal à l’allure sinistre, là, qu’est-ce que ça représente ?

  Karel ne savait pas vraiment pourquoi il l’avait dessiné. Sur le moment, il n’y avait pas réfléchi. Il avait juste cherché un moyen de s’occuper l’esprit pour penser à autre chose qu’à ses problèmes. Au moins pendant un moment. Son expression s’assombrit.

— « Ce cristal sinistre, comme tu dis, petite sœur, c’est en réalité le symbole de ma propre prison invisible. »

  Lya resta silencieuse. Peu désireux de prolonger le sujet, Karel se remit sur ses pieds et s’excusa sincèrement pour l’impression qu’il pouvait lui donner.

— « S’il te plaît, Lya. J’ai besoin d’être seul. Tu veux bien m’accorder ça ? Je te retrouve tout à l’heure. »

  Lya le fixa et se contenta de lui offrir un petit sourire rassurant.

— D’accord, comme tu veux. Si tu veux parler, tu sais que je suis là.

  Karel la regarda avec affection. Elle, au moins, le comprenait. Ce qui le motivait davantage à vouloir la protéger du moindre mal. Il lui adressa un léger signe de la main pour prendre congé et s’éloigna.

Suite ===>

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Eylun ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0