Chapitre 13

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  Les coups de marteaux matinaux de Phaïstos réveillèrent Lya le lendemain de son voyage. La jeune fille s’habilla rapidement et descendit au rez-de-chaussée.

— Ah, Lya !

  Elle arrêta aussitôt sa course et regarda son ami de longue date.

— Fais attention, dehors ! Il paraît que des membres d’un Clan ont été aperçus dans les environs.

  Lya grimaça.

— Il ne manquait plus que ça… grommela-t-elle.

— Ne t’inquiète pas, ton frère est dégourdi et intelligent, il saura les éviter ! Si ça se trouve, il est aussi coincé ici. Autant prendre le positif !

— Oui, c’est vrai, admit Lya. Si seulement ça pouvait être vrai ! Mais comment pourrai-je le retrouver dans une ville toute entière ? Il peut être partout et nulle part…

— Justement.

— Oui ? l’encouragea-t-elle à continuer.

— J’ai contacté mes collègues, et il se trouve que l’un d’eux a peut-être quelque chose.

  Lya sentit une bouffée d’espoir l’envahir.

— Malheureusement, c’est léger, s’excusa Phaïstos. Mais l’un de mes amis marchands a rencontré un client qui aurait peut-être des informations sur Karel. Je n’en sais malheureusement pas plus.

— C’est déjà énorme pour moi, merci beaucoup !

  Peu importait si cette piste ne la menait nulle part : elle devait tenter.

— Est-ce que je peux aller voir cette personne ? lui demanda-t-elle.

— Tiens, voici l’adresse, lui fit le forgeron en lui tendant un papier sur lequel il avait griffonné une adresse.

— Merci infiniment !

— Ce n’est rien, ma p’tite. Par contre, sois prudente, d’accord ?

— Promis !

  Elle sortit rapidement, déterminée à retrouver son frère.

« Karel, je te jure que si je parviens à te retrouver, tu vas passer un sale quart d’heure, crois-moi ! Je vais te remettre les idées en place ! »

  Lya arriva dans l’établissement et se présenta au comptoir. Le gérant vint à sa rencontre.

— Qu’est-ce que je peux pour vous ?

— Il paraît que vous auriez des informations à me donner, expliqua Lya. N’auriez-vous pas vu par hasard un Sorcier qui ferait une tête de plus que moi, à peu près de mon âge, avec des cheveux attachés longs et châtains avec une épée couleur terre comme artéfact ?

— Mh… des Sorciers, j’en vois beaucoup, ici. Plusieurs personnes pourraient correspondre à cette description. Aurait-il un signe distinctif, à tout hasard ? J’ai plutôt bonne mémoire, normalement.

  Lya hésita. Connaissant son frère, Karel avait dû faire en sorte d’éviter les situations qui obligeaient des réponses claires et développées.

— Il s’exprime avec les mains et les yeux, tenta-t-elle.

— C’est bizarre, ça. Non, je n’ai pas vu un type aussi étrange. Navré de ne pouvoir faire plus. T’es sûre de ne rien vouloir d’autre ?

— Pas pour le moment, mais c’est gentil de proposer, merci !

— Très bien, appelle-moi si tu te décides.

  Sur ces mots, il s’éloigna pour s’occuper des autres clients. Lya soupira. Cela n’allait pas être évident. Elle se sentit encore une fois coupable, car elle se disait qu’elle avait mal dû faire quelque chose, qu’elle n’était pas à la hauteur. Sinon, pourquoi Karel l’aurait-il laissée sans mot dire, sans même compter sur elle, tout comme elle n’hésitait jamais à compter sur lui en cas de coup dur ? Cette pensée lui était douloureuse, depuis qu’elle avait appris sa disparition. Était-elle donc indigne de sa confiance ? Karel avait comme décidé pour eux, sans même avoir demandé leur avis. Lya était incapable d’accepter cela. Il aurait dû leur en parler et leur faire confiance.

« Peut-être qu’au final, il n’a jamais su nous faire pleinement confiance… »

  Lya se mordilla la lèvre inférieure pour ne pas craquer. Ce n’était pas le moment. Elle devait rester forte, garder la tête haute et demeurer positive : elle le retrouverait. Elle avait toujours réussi à le débusquer lorsqu’il fuguait de temps à autre pendant l’adolescence quand il ne supportait plus de se faire pointer du doigt sans raison valable.

— Dis donc, jeune fille, la surprit une voix amicale. Est-ce que ton ami serait du genre peu engageant dans une conversation ? Mais vraiment pas engageant du tout ?

  Lya se tourna plus vivement qu’elle ne l’aurait voulu. Un homme d’un âge certain, aux yeux bleus cachés derrière des lunettes et un grand bâton de marche, la regardait.

— Oui…

— Je l’ai rencontré hier soir.

  Lya sentit son cœur s’emballer. Karel n’était peut-être pas encore si loin, tout compte fait ! Le soulagement l’envahit. Avec le blocus, il était sûrement encore en ville ! Une foule de questions lui vinrent. Lya commença par la question qui lui tenait le plus à cœur :

— Comment allait-il ?

— Bien, mais perdu, je dirai.

— Pouvez-vous m’aider à le retrouver ? s’enquit aussitôt Lya, cachant bien mal son impatience.

— Malheureusement, j’ignore où il a pu aller, s’excusa son interlocuteur. Nous nous sommes quittés ici-même.

— Oh…

— En revanche, j’aimerai t’aider, ajouta-t-il d’un air très sérieux. Si je ne me trompe pas de personne, il court actuellement un grave danger.

  Lya émit quelques secondes de silence. Cet homme semblait en savoir bien plus que ce qu’il en disait.

— Qui êtes-vous ? demanda-t-elle enfin.

— Un simple Sans-Pouvoir passionné en magicologie. Je suis au courant de certaines choses. Ces membres du Clan qui sont là pour lui.

  Lya devint livide.

— Co… comment ça ? Pourquoi ?

— Jeune fille, tu n’es pas sans savoir que ton frère a une histoire bien à lui, à cause d’une certaine prédiction.

— Attendez… fit Lya, méfiante. Je ne vous ai jamais dit qu’il s’agissait de mon frère ! Qui êtes-vous réellement ?

— Je m’appelle Whélos, répondit l’homme en lui tendant une main. Et ce n’est pas de moi dont tu devrais te méfier. Désolé pour ma maladresse. Sincèrement. Mais votre lien est évident à mes yeux et vous vous ressemblez, presque comme des jumeaux. Ton regard ne trompe pas et le sien non-plus.

— Comment avez-vous deviné avec si peu d’indices ?

  Whélos la regarda par-dessus ses lunettes, qu’il réajusta.

— J’ai de l’expérience, ma petite. Cela a dû être terrible, pour tes parents, de perdre leur enfant à peine né… Cela doit être un sacré traumatisme à affronter. Il n’est pas étonnant de conclure qu’ils ont essayé d’avoir un autre enfant pour surmonter cette épreuve. Une enfant qu’ils ont eu très peu de temps après, finalement. Vous avez quoi, seulement quelques mois d’écart ? Ton frère est une personne singulière, avec son silence à toute épreuve. Je suis au courant de pas mal de choses. Ensuite, comme par hasard, je tombe sur une jeune fille plus ou moins de son âge qui est à sa recherche ! J’ai entendu ta description. Je te confirme encore que je l’ai bel et bien rencontré hier.

  Lya se tut. Cette histoire, elle la connaissait. Ses parents ne lui avaient jamais rien dit, mais elle avait fini par deviner toute seule. Au début, l’idée d’être un enfant de remplacement lui avait été insupportable, jusqu’à ce qu’elle comprenne que ses parents l’aimaient telle qu’elle était, sans projeter cet enfant volé sur elle. Finalement, elle ne leur avait peut-être pas apporté ce qu’ils avaient souhaité au départ, mais… Ce qu’il fallait.

  La jeune fille mit cette histoire douloureuse de côté. Y penser ne faisait qu’exacerber sa haine envers les Dragons et ce mystérieux monstre qui avait arraché le bonheur de ses parents.

— Qu’est-ce qui vous intéresse tant chez Karel ?

— Je ne lui veux aucun mal, rassure-toi. Mais je ne suis pas prêt à révéler la véritable raison qui fait que je suis à sa recherche. C’est… très difficile. Tout ce que tu as à savoir, c’est que je désire rattraper une terrible erreur du passé. La Prophétie doit être accomplie, et pas seulement par devoir de mémoire de mon maître. Il a payé l’annonce de cette prédiction de sa vie.

  Lya afficha une expression surprise.

— Vous étiez l’associé du Messager des Dragons ?

— Oui. Mais assez parlé de ça. Mettons-nous en route pour retrouver ton frère.

— Comment savez-vous qu’ils en ont après lui ? questionna Lya.

— J’ai mené ma petite enquête depuis cet assassinat sordide. Cela fait plusieurs années que le Clan du Feu attend de l’attraper.

— Nous sommes souvent venus ici, ils ne nous ont jamais attaqués… et Var ne leur aurait pas résisté, observa Lya.

— Quelque chose les en empêchait, expliqua Whélos. Et j’ai ma petite idée sur cette question, bien que j’ignore de quelle manière. Mais ils en ont après lui. Tu sais, l’année où vous vous êtes rencontrés, il y a eu des tumultes dans la région maudite des Monts de la Mort peu de temps avant. Seuls des membres du Clan du Feu sont capables de créer des explosions de magma.

— Vous voulez dire… que Karel a déjà eu affaire à eux ? blêmit Lya.

  Karel n’avait jamais rien dit. Cela l’effrayait. Quels autres sombres secrets avait-il encore gardé pour lui ?

« Il ne nous faisait donc réellement pas confiance. » songea-t-elle avec autant de tristesse que de colère.

— Peut-être, répondit Whélos. Je ne peux rien avancer là-dessus. Toujours est-il qu’il est réapparu peu après cet événement. Un peu étrange, non, comme coïncidence, alors que cette région est censée être inhabitée ? Pourquoi les Clans s’y attaqueraient-ils ?

  Encore sous le choc, Lya peinait à suivre et manquait d’air.

— Alors depuis tout ce temps… Il était prisonnier là-bas…

— Je ne peux m’avancer là non-plus. Ce qu’il faut savoir, c’est que ton frère en a vu bien plus qu’il ne le laisse paraître, et qu’il porte ça seul. Dans tous les cas, il faut le retrouver avant ces démons. Viens avec moi. Au fait, puis-je avoir ton nom ?

— Lya. Allons-y !

  Whélos eut un léger signe affirmatif de la tête, le regard déterminé et grave. Il se leva avec Lya.

— Et comment comptez-vous défier ces gens ? les interpella une voix.

  Lya et Whélos se retournèrent en même temps : un jeune homme leur faisait face. Il approchait de la trentaine. Un Sorcier, à en juger par l’artéfact qu’il portait autour de ses poignets, avec un motif tribal formant une tête de hyène. Il était plutôt grand, les épaules larges et musclées et portait une tunique dans les tons bleus. Ses yeux l’étaient également, et des mèches noires encadraient son long visage jusqu’en-dessous de ses épaules.

— Qui t’es, toi ? lui demanda Lya aussi sec.

— Uriel, de la Tribu de l’Eau. Laissez-moi vous prêter main-forte : je ne pourrai certes pas grand-chose contre des Mages, mais deux Sorciers valent mieux qu’un dans ce genre de situation.

  La Tribu de l’Eau… Lya remarqua en effet de courtes palmes entre les doigts d’Uriel ainsi que des branchies qui dépassaient légèrement de ses longs cheveux raides.

— Et en quoi pourrais-tu nous aider ? le questionna-t-elle.

— Désolé, j’ai entendu votre conversation. Laissez-moi me joindre à vous. Je vous aiderai, de mon mieux. Allons retrouver l’Enfant de la Prophétie ensemble. Nous n’avons que peu de temps avant que le Clan du Feu ne lui mette la main dessus. Nous ferions mieux de nous dépêcher.

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