Chapitre 20

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— Nous voici à Winror ! déclara Whélos.

— Ce n’est pas trop tôt ! s’écria Aquilée. Comment faites-vous pour être aussi en forme après trois jours de marche sans s’arrêter ?

— Habitude ! répondit Lya d’un haussement d’épaules. Tu verras, ton corps s’y fera aussi ! Allez, courage, nous y sommes presque !

  Karel regarda sa sœur avec tendresse : cela ne l’étonnait pas d’elle. Il se concentra sur leur destination.

« Encore une ville… » soupira-t-il.

  Ils se mêlèrent aux badauds sur le pont-levis et se retrouvèrent aussitôt dans les rues pavées après avoir passé les gardes. Les bâtiments étaient plus hauts et moins rustiques qu’à Sheyral, qui, exceptée l’impressionnante Académie de Magie, restait une petite ville.

— Au fait, Aquilée, ce n’est pas trop dur, d’avoir dû quitter les tiens dans ces conditions ? questionna Lya. Comment t’ont-ils attrapée ?

— Je… Oui, ça l’est, répondit la concernée avec tristesse. Tu sais, il n’y a rien d’original. Phényxia a surgi avec les siens, et ils nous ont massacré. Alors qu’elle me ramenait sûrement jusqu’à son île, je suis parvenue à m’enfuir à Sheyral… Malheureusement, c’était un piège. Phényxia m’a fait croire que j’étais parvenue à lui échapper. La suite, vous la connaissez.

— C’est terrifiant… la plaignit Lya, touchée.

  Une ombre ternit le visage d’Aquilée.

— Soi-disant, je serais, selon elle, la plus qualifiée pour recevoir le pouvoir de l’honorable Zmeï. Sauf que je m’imagine mal affronter un Dragon maudit pour lui demander son pouvoir gentiment. D’ailleurs, comment lui redonner raison ? Cette malédiction dure depuis deux siècles, quelqu’un aurait déjà dû trouver une solution avant, non ?

— Difficile quand cela concerne les Dragons, répondit Whélos en réajustant ses lunettes.

  Karel attira l’attention de Lya afin de transmettre un message.

— Quel rapport avec Karel en particulier ? Si c’est lui que la Prophétie désigne…

— Je comprends, fit Whélos. Les Prophéties ne sont jamais très claires.

— Et que dit-elle réellement ? demanda Lya pour deux.

— Hélas, je n’en ai plus tous les détails, avoua Whélos. Je me suis contenté de mener ma petite enquête ces dernières années. J’espère sincèrement que ce voyage nous permettra de faire la lumière dessus. Je veux vraiment découvrir pourquoi toutes ces tragédies ont eu lieues sur Weylor.

— Regardez, ce gîte a l’air parfait ! annonça Uriel.

— Pas trop tôt ! s’écria Aquilée.

  Le malaise s’empara de Karel et sa tête commença à lui tourner. Trop de monde, trop de bruit. Les rues étaient surchargées de monde, bien plus dense qu’à Sheyral.

  Alors qu’ils avançaient, un détail attira son attention. Il s’immobilisa et fut surpris par l’étendue du quartier qui s’offrait à sa vue. À défaut de briques grises et de tuiles, cette zone était parsemée d’habitations faites de tôle et de matériaux moins robustes comme des tentes. Des passants vaquaient à leurs occupations sans faire attention à eux.

  Ses compagnons le distancèrent et il sursauta lorsqu’un léger picotement parcourut son bras gauche. Karel posa un regard sur sa main. Elle brillait. Les sillons argentés reparurent, tatouant ses doigts d’arabesques gracieux. Le jeune homme leva la tête vers les cieux. Aucun Dragon. Aucune souffrance, cette fois.

« Qu’est-ce que cela signifie ? »

  Lya, qui s’était rendue compte de son absence, le ramena à la réalité en lui prenant un bras avec douceur. Elle fronça les sourcils en découvrant sa main.

— Une autre attaque de Dragons ?

  Karel secoua la tête.

— Ça te fait mal ?

  Son frère répéta son geste.

— Étrange… Tu viens nous rejoindre ?

  Le jeune homme acquiesça et fit mine de croiser les bras afin de cacher sa main.

— Allez, t’inquiète, nous allons nous en sortir, assura Lya. Nous nous en sortons toujours. Nous avons survécu à deux combats de Dragons, alors cette Phényxia ne pourra pas nous avoir !

  Karel ne put s’empêcher d’esquisser une petite moue amusée à cette remarque.

« Ne change surtout pas. »

  Lorsqu’il rattrapa les autres, il essaya de suivre leur conversation, mais c’était peine perdue. Ses pensées ne cessaient de revenir sur le quartier pauvre de la ville qui tranchait beaucoup avec le niveau de vie des autres habitants. Karel jeta un discret coup d’œil à sa main. Elle ne luisait plus.

« Qu’est-ce qui déclenche ce phénomène ? »

  Il ignorait pourquoi ce quartier l’attirait et ce qui se passait avec son bras.

« Il y a quelque chose à découvrir là-bas. », supposa-t-il.

  Le groupe choisit une auberge où passer la nuit. Ce fut seulement après s’être repus qu’ils rejoignirent leurs chambres respectives, une pour les hommes et l’autre pour les femmes. Uriel prit place sur l’un des lits.

— Tu sembles bien curieux à mon égard, Karel.

  Ils étaient seuls dans la pièce. Whélos avait décidé de faire un petit tour du côté des bains. Karel s’était assis sur un lit libre et forma un cercle sur une main.

— Je suppose que cela signifie que tu t’excuses ?

  Karel opina et détourna le regard. Qu’est-ce qui lui prenait d’agir ainsi ? Serait-ce le fait qu’Uriel se soit mêlé à cette histoire dès qu’il avait entendu son nom dans la conversation entre Lya et Whélos ? Karel ne pouvait pas s’empêcher de se demander s’il s’agissait réellement d’un hasard.

— Mh, parler entre nous sans Lya risque d’être compliqué, observa Uriel.

  Karel ne réagit pas. Que pouvait-il faire de plus, de toute façon ? Uriel avait raison. Mais il ne tenait pas à toujours s’appuyer sur Lya. Finalement, Whélos n’avait pas tout à fait tort sur son idée d’apprendre quelques signes.

« Qui es-tu réellement, Uriel ? Et pourquoi te mêler de mon histoire ? Car c’est bien pour cela que tu as espionné ma sœur et Whélos… Ton apparition comme ça, sans raison, me paraît un peu grosse pour être avalée. Quelles sont tes véritables intentions ? »

  Karel ne pouvait s’empêcher de se dire qu’Uriel avait suivi Lya, pour se montrer juste au bon moment. Mais peut-être qu’il se trompait.

  Karel pointa Uriel du doigt et appuya son geste d’un regard très sérieux.

— Qu’est-ce que tu cherches à savoir ? questionna-t-il.

  Karel contint un soupir. Du regard, il chercha quelque chose dans la pièce qui pourrait lui servir. Finalement, ce fut Uriel qui s’approcha et prit place à côté de lui.

— En vérité, j’attendais que nous soyons seuls pour parler face à face.

  Karel ne bougea pas, l’invitant à poursuivre d’un simple regard, les mains jointes sous son menton, coudes appuyés sur ses genoux.

— Tu sais, le monde des Sorciers connaît la Prophétie. Tu devras donc t’y faire : tu vas attirer la curiosité chaque fois qu’une personne saura que tu es cette personne désignée.

« Mais encore ? » se demanda Karel.

— Alors lorsque j’ai surpris Lya en discuter, j’ai voulu en savoir plus. Je pense que tu es la seule personne qui pourrait vraiment arranger les choses.

« Comme si je pouvais faire quelque chose contre des Dragons maudits et en colère ! »

  Il n’avait rien pu faire à Var. Pourquoi là, ça serait différent ? Il fallait vraiment être inconscient pour oser s’estimer à niveau égal avec les Sept.

— Notre île a subi beaucoup de dégâts, expliqua Uriel. Je voyage afin de trouver des pièces nécessaires à sa réparation, à mon niveau. Voilà la raison pour laquelle je m’en suis mêlé. Grâce aux pouvoirs des Dragons, nous pourrons vaincre et reconstruire n’importe quoi !

  Karel tiqua.

« Posséder plus de pouvoirs ne t’apportera jamais ce qu’il te faut, Uriel. Il y a une nuance entre ce que nous voulons et ce qu’il nous faut. »

  Son regard se posa sur les bracelets du Sorcier d’Eau.

« Tête de hyène… Symbole de l’avarice. Pauvre Uriel. Tu as un sacré démon à affronter. J’espère que tu y parviendras. »

— Enfin… Ne le prend pas mal, mais c’est quand même un peu bizarre de parler avec une personne qui ne répond pas.

  Karel haussa les épaules, comme pour signifier que ça ne lui faisait plus rien. Il en était bien conscient, mais il ne pouvait rien y changer.

— Mais… Ce qui est bien, c’est que tu sembles à l’écoute. J’aimerai bien que nous nous entendions. Cela nous aidera contre Phényxia, tu ne penses pas ?

  Court silence. Karel fixa Uriel pendant de longues secondes pendant que celui-ci lui tendait une main. Ne souhaitant pas froisser le Sorcier, Karel répondit au geste.

— Bon ! Alors dès demain, mettons-nous en chemin pour trouver comment entrer dans la première Tour.

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