Chapitre 21

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  Chacun s’était absenté, afin de s’équiper et peut-être glaner des informations sur la Tour du Vent. Karel avait préféré rester au calme. De toute manière, il ne pouvait s’adresser à personne. Être une simple compagnie ne l’intéressait guère. Si le jeune homme pouvait éviter les éternelles situations gênantes à se faire regarder d’un œil étrange parce qu’il ne pouvait pas aligner un seul mot, il le faisait. Ses compagnons se débrouilleraient bien mieux sans lui.

   Enfin seul et isolé du moindre regard curieux, Karel s’assit sur le rebord de la fenêtre de la chambre et déplia les notes de Valkor.

« Karel,

Je te lègue ici une partie de l’Histoire de Weylor qui a été effacée des mémoires, au même titre que l’on a voulu anéantir toute trace de l’existence de mon ancien Apprenti. J’ai beaucoup réfléchi à cette situation ces dernières années, et quelque chose me dit que tous ces éléments sont liés.

Courage à toi et à tes amis. Surtout, n’abandonnez jamais. Phényxia est peut-être redoutable, mais son orgueil et son arrogance causeront un jour sa perte, crois-moi. Si je découvre quelque chose d’autre, je te le ferai savoir.

Courage. Tu es beaucoup plus capable que tu ne le crois. »

  Karel replia la note, sensible au soutien du vieil Apokeraos. Il était bon de savoir qu’il avait un allié de la trempe de Valkor. Il plaça le second feuillet sur la lettre. Il s’agissait, en effet, d’une copie d’un texte que Valkor avait sûrement dissimulé.

  « Autrefois, existait sur Weylor une région fabuleuse, nommée Evenlya, « Paradis » dans la langue sacrée des Dragons. Protégée par des volcans endormis sur lesquels la nature avait repris ses droits, tout n’était que plaines verdoyantes étés comme hivers. Tout n’était qu’abondance. Les arbres donnaient des fruits toute l’année, et les pétales dans le vent étaient la seule pluie qui existait.

  Un peuple proche des Dragons vivait là. Il s’agissait des Apokeraos, grands êtres humanoïdes au long corps de serpent, dotés chacun de cornes comme un rappel de leur noble origine.

  La vie y était paisible. L’érudition était la passion la plus courante, mais le peuple Apokeraos était aussi bien connu pour son savoir infini que par son talent au combat, les rendant ainsi intouchables au mal provenant d’au-delà des volcans. Leur terre saturée de magie les rendait puissants et les avait tous dotés de pouvoirs.

  Très estimés, certains Apokeraos s’installaient ailleurs sur Weylor afin de partager leur sagesse et leur savoir avec les autres peuples. Les rumeurs disaient qu’ils étaient « la voix des Dragons ».

  « Un jour, pourtant, naquit un Apokeraos Sans-Pouvoir. Il devint inventeur et créa de nombreuses ingénieries qui compensèrent son absence de pouvoir. Nombre de ses inventions furent acclamées et encouragées.

  Mais plus les mois passaient, et plus l’Apokeraos Sans-Pouvoir s’isolait dans son château. Les rares fois où il sortait, ses comparses le trouvaient étrange et distant. Un jour, l’Apokeraos Sans-Pouvoir disparut sans laisser de traces.
  Son château fut fouillé afin d’élucider le mystère de sa disparition, et le choc secoua le peuple des Apokeraos. Les enquêteurs découvrirent avec horreur que leur comparse s’essayait à des expériences terrifiantes en découvrant un sous-sol transformé en salle de torture.

  La honte des Apokeraos fut telle qu’ils décidèrent de renier leur comparse Sans-Pouvoir et de le condamner à la hauteur de ses crimes. Ils souhaitèrent anéantir le château mais les inventions de l’Apokeraos Sans-Pouvoir l’avaient rendu presque indestructible.

  « Il ne retrouvèrent jamais l’Apokeraos Sans-Pouvoir. Trois siècles plus tard, Weylor sombra dans le chaos et Evenlya mourut. La magie des Dragons contenue en elle explosa et emporta le peuple des Apokearos. Elle ravagea la moindre âme, la moindre étincelle de vie. Nul ne sait si l’ancienne terre sacrée des Apokearos pourrait être ressuscitée. »

  Karel frissonna.

« Ne me dîtes pas que… »

  Pourtant, tout correspondait. Les plaines semblant infinies, la barrière de volcans éteints, l’arbre luxuriant et majestueux que Karel avait ressuscité, qui s’était révélé comme une vision d’un lointain passé… et ce maudit couloir avec les machines à torture qu’il avait découvert, qui, en effet, tranchaient avec la philosophie de vie des Apokearos. Le Mage lui avait aussi confirmé que ce peuple avait vécu au même endroit.

« Mais il a très bien pu mentir, comme sur tout le reste ! »

  Incapable d’en croire ses yeux, Karel relut plusieurs fois certaines lignes et ne put qu’en attester la réalité : les Monts de la Mort avaient été Evenlya.

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