Chapitre 12
Monts de la Mort.
« Enfin. Après tant de temps à attendre. »
Elma se dirigea vers l’extérieur. Si elle s’inquiétait pour Karel, au moins, l’attention de Serymar était focalisée sur lui. Cela lui permettrait peut-être de continuer ses investigations là où elle les avait laissés depuis ces dernières années. Tout ce temps perdu à feindre l’innocence, à faire comme si de rien n’était, qu’elle avait abandonné sa quête de réponse. Elle espérait avoir endormi l’hypervigilance de Serymar. Elma était aussi soulagée qu’Uriel ait enfin quitté les lieux, même momentanément. Elle se méfiait du jeune homme, et redoutait qu’il révèle ses plans à Serymar.
Elle descendit les escaliers et rejoignit le rez-de-chaussée. Rien n’avait changé. Tout était toujours gris et sombre, seules les flammes des torches accrochées aux murs les éclairaient. Elle devait réessayer d’accéder à la Tombe.
Elma s’immobilisa lorsqu’elle aperçut Enorën entrer dans le hall. Son ami avait toujours les traits tirés, ces derniers temps, au point où Serymar l’avait démis de toutes ses obligations. Il étira un sourire fatigué lorsqu’il croisa son regard.
— Bonjour, Elma. Le temps est agréable, aujourd’hui, tu as de la chance. Aurais-tu le temps de m’aider à aller jusqu’au salon avant de sortir, s’il te plaît ?
— Bien sûr.
— Je t’en suis reconnaissant.
La jeune femme lui prit doucement le bras et le soutint jusqu’à la pièce la plus proche. Enorën s’appuya sur elle et s’aida de sa canne. Ses gestes étaient devenus de plus en plus difficiles.
Une fois dans le salon, Elma aida son ami à s’asseoir et se dirigea vers la bibliothèque.
— Qu’est-ce qui te ferait plaisir ? s’enquit-elle. As-tu besoin de quoi que ce soit d’autre ? Je peux aller te faire un thé, si tu veux. Il doit nous rester quelques feuilles.
— Rien de tout ça, tu es gentille. La seule chose que je souhaiterais, c’est que tu trouves un autre moyen de faire parler le Maître.
Elma se raidit. Sa main s’immobilisa devant la tranche d’un livre qui aurait pu intéresser l’homme âgé. Comment avait-il deviné ? Enorën lui sourit.
— Mon corps me lâche, certes, mais pas ma mémoire. J’ai bien vu à quel point le Maître semblait surveiller le moindre de tes faits et gestes, ces derniers temps. Et te connaissant, je pense que je ne suis pas loin de la vérité.
— Et… que comptes-tu faire ? demanda Elma, méfiante.
Enorën lui offrit un sourire fatigué.
— Ne te méprends pas. Je ne suis pas contre toi. Ni contre lui. Je ne trouve aucun intérêt à te dénoncer ni à blesser le Maître. Je suis juste inquiet, car je sais que si tu continues sur cette voie, ça finira mal. Et tu as bien assez enduré, il me semble.
Elma se retourna et s’assit en face de lui, mal à l’aise.
— C’est de sa faute, Enorën. Il ne nous fait pas confiance, il agit seul. Je suis morte d’inquiétude pour Karel. J’ai tellement peur qu’il envisage de le tuer pour sauver sa propre vie… Le Maître nous a déjà montré qu’il était capable de prendre le mauvais rôle, même les plus difficiles pour accomplir ses objectifs. Si le Maître parlait, je n’en serais pas là !
— Il a une part de responsabilité dans cette histoire, j’en conviens, admit Enorën. Mais tu peux obtenir la vérité autrement qu’en cherchant dans son dos, je te l’assure.
Elma le regarda avec curiosité.
— Qu’est-ce qui te rend si convaincu ? Le Maître ne m’écoute pas. Dès que j’ose aborder le sujet, il se referme sur lui-même ou me dit que ce ne sont pas mes affaires.
Enorën lui sourit avec bienveillance.
— Parce que, contrairement à ce que tu crois, il t’estime bien plus que tu ne le penses. Je l’ai observé. Et il n’y a qu’avec toi que ses façades tombent, de temps à autre.
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