Le matin était arrivé silencieusement, baignant la pièce dans une lumière douce mais froide. La poussière flottait dans l’air, suspendue entre les vieilles poutres en bois du plafond, et l'odeur de vapeur et de métal imprégnait les murs de ce refuge dissimulé dans le cœur de la ville. Elara ouvrit les yeux lentement, la lumière du matin lui piquant les pupilles, mais elle ne se leva pas immédiatement. Son corps était encore endolori, les bandages qui entouraient son torse lui rappelaient que la bataille de la veille n’avait pas été sans conséquence. Les souvenirs de la violence, des cris, et de la fuite brûlaient encore dans son esprit, comme un écho d’une époque qu’elle espérait oublier. Elle ferma les yeux à nouveau, se donnant quelques secondes pour respirer, et se rappeler que, malgré tout, elles avaient gagné.

Autour d'elle, la chambre du refuge des Sœurs de l’Ombre était un mélange de chaos organisé : des livres éparpillés sur des étagères poussiéreuses, des cartes de la ville et des plans de la rébellion sur une table en bois, des instruments de fortune posés ça et là. Il y avait une chaleur ici, une sensation d’intimité dans cette pièce froide, comme si ce refuge était plus qu’un simple endroit de repos, mais une maison pour celles qui s’étaient perdues dans la lutte. C’était l’un des derniers bastions contre la tyrannie. Un sanctuaire pour les rebelles, un lieu où l’on pouvait respirer en attendant de revenir se battre.

Elara tourna lentement la tête et aperçut Rowan, plongée dans ses pensées, accroupie près de la table où des cartes étaient étendues. Ses cheveux roux étaient en bataille, une mèche tombant sur son visage concentré. Elle avait l’air si calme, mais Elara savait que, comme elle, Rowan avait été marquée par la guerre. Pourtant, Rowan n’était pas du genre à montrer ses faiblesses. Elle était une guerrière, une stratège brillante, mais aussi une protectrice, toujours prête à défendre ce qui lui était cher. C’était d’ailleurs cette qualité qui avait fait naître un lien aussi fort entre elles, un lien qui n’avait cessé de se renforcer au fil des combats.

"Tu sais que tu devrais te reposer encore un peu," murmura Elara, brisant le silence. Sa voix était encore faible, rouillée par la fatigue et la douleur. "On a gagné hier, mais pas tout est réglé."

Rowan tourna lentement la tête vers elle, un sourire en coin, comme si elle avait anticipé la remarque d’Elara. "Te fais pas de souci, je vais bien." Elle se leva et s’approcha d’Elara, son regard s’adoucissant alors qu’elle prenait un instant pour observer les blessures de la jeune femme. "Mais je t’interdis de te lever tant que tu n’as pas bien dormi et récupéré."

Elara la fixa, un léger sourire sur ses lèvres, mais l’inquiétude dans les yeux. "Tu n’as pas l’air de t’être reposée toi-même," dit-elle. "Je vois bien que t’as encore des tocs à la tête. T’as pas dormi non plus."

Rowan haussait les épaules, un air de défi dans les yeux. "Quand la Reine décidera de frapper à notre porte, tu crois vraiment qu'on aura le temps de dormir ?" Elle se tourna vers la carte sur la table, son doigt traçant des lignes imaginaires entre les différents lieux de la ville. "Non, faut qu’on agisse vite. Ce n’est pas le moment de baisser les bras."

Elara soupira en se redressant légèrement, ses côtes lui faisant mal, mais elle tenait bon. "Tu sais, la Reine ne va pas rester là sans réagir. Même si on a pris un point stratégique hier, il ne faut pas sous-estimer son pouvoir. Elle a des alliés partout. Les machines, les espions, les clans qui lui sont loyaux… On doit être plus malins. On ne peut pas se contenter de casser des rouages et de détruire des installations."

Rowan regarda Elara, ses yeux verts brillants d’intelligence. "Je sais, mais on a un avantage que personne n’a vu venir. La vapeur. Les centrales, elles sont notre point faible et notre point fort. Ce n’est pas juste des machines qu’on détruit, c’est le cœur même du système. Si on parvient à les désactiver, on pourra désorganiser tout le reste."

Elara hocha la tête, son regard fixé sur la carte. "Je suis d’accord. Mais il va falloir qu’on réunisse plus que des informations. Il nous faut plus de soutien. Si on n’arrive pas à convaincre les gens qu’ils peuvent se libérer, qu’on peut leur offrir une autre façon de vivre, on n’a aucune chance."

Rowan prit un moment, son regard devenu plus sérieux, plus sombre. "Et si les gens n’y croient pas ? Et si ça ne suffit pas ? Et si on échoue ?"

"Alors on recommencera," répondit Elara, un ton résolu dans sa voix. "Et cette fois, on frappera plus fort. Mais on ne peut pas avoir de doutes. Pas maintenant. Pas après tout ce qu’on a traversé."

Les deux femmes restèrent un instant silencieuses, absorbées par leurs pensées. La guerre était loin d’être finie, et chaque décision pouvait être une question de vie ou de mort. Pourtant, dans cet instant, à l’abri des regards, au cœur de ce refuge fragile, il y avait encore de l’espoir.

"Je sais que tu n’as jamais eu peur," dit Rowan après un moment, "mais j’espère qu’on pourra sauver tout ça. Pas juste pour nous, mais pour tout le monde."

"On le fera," répondit Elara, un sourire déterminé se formant sur ses lèvres. "On le fera, parce qu'on est prêtes. Et ensemble, on changera ce monde."

La porte s’ouvrit soudainement, brisant l’atmosphère paisible. Un membre des Sœurs de l’Ombre entra, un jeune homme au regard fatigué, mais résolu. "Le Conseil veut vous voir, maintenant. Il est temps de parler de la prochaine étape."

Rowan se leva immédiatement, prenant Elara par l’épaule pour l’aider à se lever doucement. "C’est notre moment," dit-elle simplement, son regard brillant d’anticipation. "C’est maintenant qu’on commence à gagner."