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C’est insupportable. J’ai mal partout. Le néant me ronge, il ne reste rien. Comment un geste empreint de gentillesse peut-il faire autant de dégât ?
Ce n’est pas tout ! Sans doute honteux, Hugo s’est éloigné de moi. Cela m’a fait mal. Je ne m’étais pas rendu compte que sa présence m’apaisait autant. Il fuyait mes regards. J’ai réussi à le coincer. Je lui ai saisi le bras. Quel étonnement : il n’est pas plus gros que le mien ! Je n’avais pas remarqué sa finesse, car il est toujours vêtu complètement, le col boutonné, sans un centimètre carré de peau à nu. Cela m’a troublé et je n’ai pu prononcer aucune parole. Devant la panique dans son regard, j’ai relâché ma prise.
— Excuse-moi, je ne voulais pas… Je ne veux pas… Hugo, qu’est-ce qu’il y a ?
— Rien ! Laisse-moi !
Ses yeux étaient terrorisés. Puis soudain, il a craqué devant moi.
— Tu as tout compris ! S’il te plait, ne me trahis pas…
— Mais je n’ai rien compris ! Qu’est-ce qui se passe ?
— Tu n’as pas vu quand je t’ai pris le bras.
— Mais vu quoi…
— Que je…
— …
— Que j’ai envie de toi !
— Envie de moi ?
— Oh, mon Dieu ! Non, pas du tout ! Je veux dire que j’ai envie de ton amitié ! C’est tout ! Pas de… Oh ! non ! Ne crois pas…
Jamais je n’ai rencontré quelqu’un d’aussi perdu. Tu me rétorqueras, avec ta douce ironie, que mon expérience est peu fournie ! Peu importe, cela me retournait. J’avais de la camaraderie pour lui, mais sa détresse était en train de me fendre le cœur, de me l’ouvrir.
— Hugo, bien sûr que nous pouvons être amis… je ne comprends pas le problème.
— Tu es si froid, si renfermé !
— C’est vrai. C’est un peu ma nature. Je n’ai pas envie d’en parler.
Ses traits se révulsèrent.
— Hugo, cela viendra. Tout n’est pas facile pour moi…
— Mais tu parais si solide !
Mon enveloppe donne donc cette illusion. Quelle ironie ! Ma carapace est mon armure. J’en ai absolument besoin. Elle est mon squelette : si j’y touche, je m’écroule.
— Hugo, tu n’es pas n’importe qui pour moi. Tu es venu à moi juste quand j’en avais besoin. Tu ne sais pas comme cela a été important. C’est vrai que je suis renfermé. Mais je veux bien que nous soyons amis, avec plaisir… nous sommes déjà camarade, on peut aller plus loin…
Il s’est jeté dans mes bras ! Décidément, ce garçon est bizarre. Je les ai refermés sur ses épaules. Heureusement qu’il n’y avait personne, car il s’est blotti contre moi et s’est mis à pleurer. Tu me connais ! Cela a déclenché une immense tendresse en moi. C’est la première fois que je serrais quelqu’un dans mes bras, depuis… En plus, j’ai aimé ce moment, cette impression. Tu ne m’en veux pas ? Cela ne retire rien à mon amour pour toi. C’est autre chose.
Hugo recula.
— Excuse-moi ! Je me suis laissé emporter. Ce n’est pas moi ! Je suis désolé. Tu vas me prendre pour un…
— Je te prends pour rien ! Tout le monde peut craquer…
— Pas moi ! Je ne dois pas !
Soudain, il s’est refermé. Décidément, il est très différent de ce qu’il montre. Ce garçon est une énigme. Je sens une belle personne, entravée par quelque chose qui le dépasse. Je crois que j’étais un peu comme lui quand tu es venu me chercher. Si seulement je pouvais l’aider…
Tu te rends compte : pour la première fois, je désire aller vers quelqu’un ! C’est encore un de tes bienfaits ! Tu m’en as semé tellement !
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