18
Je suis bien avec toi. C’est ici que je comprends ce que je vis. Tout est simple et facile avec toi.
Hier, j’ai ri. C’est la première fois. C’est avec toi que j’ai appris à rire. Tu te moquais de moi, me singeant pour me faire sortir de mes blocages. Hugo est touchant de ridicule, comme je devais l’être ! Il est pris entre ses pulsions et ses rigueurs, ce qui le met dans des situations cocasses. Il m’avait demandé d’aller trainer dans le quartier chaud. Il voulait voir ! Hugo regardait avec trop d’insistance un minet qui venait vers nous, avec une allure qui ne trompait pas. Il avait calculé Hugo et son désir refoulé. Parvenu à notre hauteur, il a fait un petit crochet pour frôler les fesses de Hugo, comme par inadvertance, avant de repartir en accentuant son chaloupement. Hugo était cramoisi, perdu dans un mélange de honte et de plaisir. J’ai éclaté de rire, avant de l’entrainer par la main. Il balbutiait de confusion.
Il me demande trop. Il est toujours avec moi. Pourtant, j’aspire à retrouver ma solitude, mon isolement. J’ai besoin de ces moments de repli. Tu le sentais si bien : tu t’écartais de telle façon que je sentais ta présence bienveillante et admirative, me libérant pour rejoindre ma profondeur. Tu savais que je reviendrais vite ! Hugo n’a pas cette sensibilité. Quand je n’en peux plus, je le rabroue, ce qui le plonge dans le désespoir et je dois le consoler.
Impossible de le freiner et quand je renâcle, il me dit qu’il a besoin de moi à côté de lui. Il me traine, il me tire dans son tourbillon. J’ai encore tellement besoin de penser à toi.
Nous avons cependant de longs moments en tête à tête. Il me fait parler de toi, ou plutôt, il me fait parler de tout ce que tu m’as appris, tout ce que tu m’as apporté. Il commente. Je crois que maintenant, il te connait et t’admire autant que moi. Je crois que nous aurions fait un trio éclatant. Ce que je n’aime pas, c’est quand il me compare à toi, disant que je l’ai transformé, comme une clé fantastique que l’on se passerait de l’un à l’autre. Je n’ai rien fait. J’ai trainé mon désespoir, il est venu, c’est tout.
Il me dit que, dès qu’il m’a vu, il a senti que je serai son sauveur ! Il ne se rend pas compte que c’est son espoir, sa volonté qui ont tout fait. Je n’ai été que le support passif.
Je craque doucement, car comme toi, il me voue une dévotion. C’est si gratifiant que j’ai du mal à me remettre à ma place, insignifiante.
Tu sais, tout apparait dans les attitudes, le discours. Il n’y a rien de physique et les attouchements sont réduits à une poignée de main. Je pense qu’il doit encore cheminer. Il est de plus en plus désirable, mais il n’est pas prêt à franchir le pas. Je ne me souviens plus comment cela s’est passé pour nous, c’était naturel, dans une complicité parfaite.
Je sens qu’il se force, mais maintenant, il me touche très souvent. Je vois son envie monter malgré sa retenue, sa lutte intérieure. Je l’accepte, me refusant à le brusquer. Je l’accueille, comme l’enfant qui vient de se surpasser.
C’est lent, c’est doux. Nous avançons vers la révélation, il l’entrevoit et se prépare. Il est incroyable ! À présent, quand nous sortons, il me prend la main. Nous ne le faisons pas devant nos camarades, bien que je pense qu’aucun n’ignore notre relation si amicale. Simplement par respect pour eux.
Dans la rue, au café, au cinéma, il ne me quitte pas, allant parfois jusqu’à poser sa tête sur mon épaule. Il le fait avec grâce, naturel, et déambuler ainsi est un grand plaisir. Personne ne semble nous remarquer.
Je connais maintenant tout de lui, d’eux plutôt, car j’en connais autant sur Émilie. Nous devons nous rencontrer bientôt et j’ai hâte de découvrir le double de Hugo, certain de notre entente.
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